Des Ouïghours détenus dans des camps secrets de « rééducation politique » dans la région du Xinjiang, au nord-ouest de Chine, se font probablement prélever leurs organes à des fins lucratives par le Parti communiste chinois (PCC), a déclaré à Epoch Times un ancien chirurgien qui a été contraint de pratiquer une telle opération en 1995.
L’ancien chirurgien ouïghour Enver Tohti, à qui son chirurgien en chef avait ordonné, il y a 23 ans, d’enlever le foie et les reins d’un prisonnier vivant à Urumchi (Xinjiang), avait appris que l’opération lui permettrait de remplir son devoir « d’éliminer l’ennemi de l’État ».
S’adressant à Epoch Times au sujet de l’intensification des politiques répressives du PCC à l’égard des minorités ethniques du Xinjiang, Dr Tohti a déclaré qu’il croyait que « ces prélèvements d’organes sont toujours en cours ».
« Le PCC prélève de force leurs organes », précise-t-il, faisant référence aux minorités ethniques du Xinjiang, principalement des Ouïghours turcophones.
Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il pense que c’est le cas, M. Tohti a expliqué : « La Chine peut livrer des organes à la demande. Quand quelqu’un a besoin d’un organe, quelqu’un d’autre meurt le même jour. »
« Plus d’un million » de prisonniers, principalement ouïghours, continuent d’être détenus dans ce qui était jusqu’au 9 octobre des camps d’internement extrajudiciaires dans le Xinjiang, selon les chiffres cités par la Commission exécutive du Congrès américain sur la Chine et les Nations unies.
Les responsables du PCC affirment que les détentions massives au sein de la population du Xinjiang font partie des mesures prises par l’État dans le cadre de sa lutte « contre l’extrémisme religieux », « contre le séparatisme » et « contre le terrorisme» dans ce pays. La majorité des Ouïghours et des autres minorités ethniques de la région pratiquent l’islam. Le PCC explique que les « menaces extrémistes » signifient que sa surveillance stricte et sa rafle des Ouïghours et d’autres groupes minoritaires dans la région est justifiable.
Après avoir nié l’existence des installations pendant des mois, les autorités du Xinjiang ont décidé, le 9 octobre, de légaliser officiellement les camps d’internement en tant que « centres de formation professionnelle », qui seraient utilisés pour « éduquer et transformer » ceux que l’on estime avoir été exposés à l’extrémisme.
Les commentaires de Dr Tohti sont parvenus à Epoch Times alors qu’un ancienne détenue ouïghoure – une ressortissante kazakhe âgée de 54 ans, libérée en septembre d’un camp d’Urumqi à la suite d’une détention de 15 mois – déclarait que le PCC divisait les détenus dans les établissements en deux groupes : ceux qui ont, et ceux qui n’ont pas de famille à l’étranger.
Les responsables du PCC agissent de la sorte pour « intensifier leurs activités de prélèvements d’organes, de sorte qu’ils tuent ceux qui n’ont personne à l’extérieur du pays, sans que personne ne les interroge ou ne pose de questions à leur sujet », a-t-elle dit. Cette femme de 54 ans a parlé depuis Istanbul sous le couvert de l’anonymat car elle craignait pour sa sécurité.
Elle a indiqué que les détenus qui n’ont pas de famille à l’étranger reçoivent des uniformes « numérotés au dos » et sont envoyés à l’hôpital pour des examens médicaux.
Dr Tohti a déclaré qu’il serait logique que les responsables du PCC séparent les gens en fonction de leurs relations à l’étranger pour ne pas attirer l’attention internationale sur les affaires intérieures de Chine. « Le PCC sait que s’ils touchaient ceux qui ont de la famille à l’étranger, leur famille pourrait raconter ces détails au monde entier, ce qui les mettrait dans une position très délicate », a expliqué Dr Tohti.
Bilans de santé rigoureux dans le Xinjiang
Depuis septembre 2016, les autorités chinoises du Xinjiang mènent une campagne intitulée « un projet d’appui à la santé des populations » ou « Examen médical pour tous », qui offre des bilans de santé obligatoires et gratuits aux résidents locaux âgés entre 12 et 65 ans. Les patients sont contraints de subir des examens du « cœur, de l’ADN, de l’urine et de la glycémie à l’aide d’électrocardiogrammes, de radiographies et d’ultrasons », selon Radio Free Asia (RFA).
« Je soupçonne qu’ils faisaient un recensement sur les organes disponibles pour créer une base de données de tissus. Personne n’a été épargné, c’était obligatoire », affirme le Dr Tohti. En 2017, 90 % de la population tibétaine a fait l’objet d’examens de santé similaires, selon le média d’État chinois Xinhua.
Xinhua a également indiqué que les tests « ont bénéficié au public » et ont pu « aider les médecins à diagnostiquer la tuberculose ».
S’exprimant devant le Parlement britannique en décembre dernier, Dolkun Isa, président du Congrès mondial ouïghour, s’est dit préoccupé par la collecte massive de données biométriques.
« Cette information génétique facilite également les prélèvements d’organes en facilitant la comparaison des groupes sanguins et la recherche de compatibilité des victimes potentielles ouïgoures », a souligné M. Isa.
Omir Bekli, 42 ans, originaire du Xinjiang et ressortissant kazakh depuis 2006, a été emmené à l’hôpital pour un examen de santé rigoureux avant d’être détenu dans une prison, puis dans un camp de « rééducation » à Karamay pendant 6 mois en mars dernier, où il a subi de lourdes tortures quotidiennes.
Omir Bekli
« On m’a emmené à l’hôpital et on m’y a examiné pendant trois heures – on a vérifié mon ADN, mon sang, mes poumons, mon cœur, mes reins… tout, même mes yeux. J’avais tellement peur car tout le monde au Xinjiang sait que le gouvernement chinois est très impliqué dans les prélèvements d’organes – c’est un secret de polichinelle.
« J’avais tellement peur qu’ils me tuent instantanément pour prendre mes organes car l’examen était si détaillé et si soudain – c’était ma plus grande crainte à l’époque », a déclaré M. Bekli à Epoch Times dans une interview téléphonique depuis Istanbul, Turquie.
Malgré ses craintes, M. Bekli estime qu’il est fort probable que les personnes n’ayant pas de membres de leur famille à l’étranger verront leurs organes prélevés.
« Personne ne sait ce que fait le PCC – il n’y aura aucune preuve. Peut-être les Chinois craignent-ils que s’ils prélèvent les organes de ceux qui ont des parents à l’extérieur de Chine, leur secret pourrait être révélé au monde », a-t-il dévoilé.
Les chiffres officiels ne concordent pas
Des dizaines de milliers de personnes font prélever leurs organes chaque année, selon un rapport coécrit par David Kilgour, Ethan Gutmann et David Matas. Selon le rapport, la majorité des victimes sont des pratiquants de Falun Gong. Le Falun Gong est une pratique de méditation de l’école bouddhiste qui a été illégalement interdite et sévèrement réprimée par le régime communiste chinois depuis 1999.
Bien qu’en 2015, la Chine ait promis de cesser de prélever des organes sur ses prisonniers exécutés et de compter uniquement sur les dons « volontaires » d’organes, un rapport publié en 2018 par le China Organ Transplant Research Center (COTRC) de New York a révélé que « le nombre de dons volontaires est loin d’être suffisant pour fournir le volume des greffes sur demande actuellement effectuées ». Malgré l’écart entre les dons d’organes et les transplantations, la Chine continue de nier qu’elle utilise sa population carcérale non exécutée pour les transplantations d’organes.
Selon le rapport, le pays est passé de l’absence de système de don d’organes à l’établissement d’un tel système en mars 2010. Vers la fin de 2017, le système comptait 373 546 donneurs enregistrés, ce qui « aurait donné lieu à moins de 29 dons », selon les données américaines sur la proportion des dons réalisés par les donneurs enregistrés.
En plus du simple volume de transplantations, le COTRC a signalé que les formulaires d’hôpital qu’il avait trouvés à partir de 2006 pour une transplantation du foie à l’hôpital Shanghai Changzheng indiquaient des temps d’attente moyens d’une semaine, dont le plus court laps était de seulement 4 heures.
« C’est le secret le plus sombre de la Chine en ce moment. Comment peuvent-ils délivrer des organes en 4 heures ? La seule explication logique est qu’ils ont une source abondante », conclut Dr Tohti.
« La Chine a besoin d’une excuse pour les tuer [les Ouïghours]. Je pense que c’est la raison pour laquelle tant de gens sont tués sans n’avoir rien fait. »
Où vont les corps ?
Les corps de ces Ouïghours qui meurent dans les camps de « rééducation » ne sont jamais retournés à leurs familles, ont déclaré plusieurs familles ouïghoures à Epoch Times.
Un rapport de la RFA publié en juin indiquait que les responsables du Xinjiang « construisaient rapidement des crématoires dotés de dizaines d’agents de sécurité », et le site Web officiel du Corps de production et de construction du Xinjiang indiquait jusqu’à 1,3 millions € (1,52 million $ US) en appels d’offres pour la construction de 9 « centres de gestion funéraire ».
Un mois plus tôt, le site officiel du gouvernement d’Urumqi avait publié une offre d’emploi pour « 50 agents de sécurité en bonne santé, physiquement et mentalement aptes et exceptionnellement courageux, à travailler dans le crématorium situé dans le district de Saybagh de la ville pour un salaire de plus de 8 000 ¥ soit 1 052 € (1 215 $ US) par mois », a indiqué RFA.
Alors que M. Bekli était détenu l’année dernière, il a été témoin de la construction « précipitée et sérieuse », « actives jour et nuit », de ce qu’il estimait être des installations de crémation souterraines. « Le sol était creusé profondément avec des machines. »
« Il y a des années, quand les gens mouraient en prison, leurs corps étaient rendus à leurs familles afin qu’elles puissent accomplir des rituels islamiques. Mais maintenant, nous avons entendu dire que beaucoup de gens sont morts, mais qu’aucun de leurs corps n’a été rendu.
« Alors, où sont ces corps ? S’ils ne sont pas rendus aux gens, s’ils ne sont pas enterrés, où vont-ils ? C’est sûr que le PCC brûle les corps dans ces crématoires », a déclaré M. Bekli à Epoch Times.
Il n’est pas clair si les crématoires sont simplement destinés à refuser les rituels de mort islamiques à ceux qui meurent en détention, ou s’ils ont une raison d’être plus troublante.
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