Pierre Abbate est étudiant à la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence. Dans le cadre de son travail de recherche de Master 2 sur la lutte contre la criminalité financière et organisée, il a soutenu un sujet brûlant : « Le trafic d’organes en Chine : Les prélèvements douteux sur les prisonniers de conscience, un trafic étatique ». Il s’agit d’un rapport percutant qui évoque la situation actuelle en Chine des prisonniers de conscience et particulièrement les pratiquants de Falun Gong, victimes de prélèvements forcés d’organes à vifs par les organisations gouvernementales. Nous l’avons interrogé pour en savoir plus sur le sujet et connaître les motivations de son choix d’un sujet aussi grave et difficile.
Monsieur Pierre Abbate, pouvez-vous vous présenter ?
J’ai 23 ans, je suis étudiant en droit. J’ai obtenu une licence générale de droit à la Faculté de Toulon pour obtenir par la suite, à la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence, un Master 1 de sciences criminelles. A la suite de ce master j’ai passé le concours de la Police Nationale et, en attendant mon intégration dans les rangs des policiers, j’ai entamé un master 2 de « Lutte contre la criminalité financière et organisée », proposé par le CETFI en collaboration avec la Faculté de Droit d’Aix-Marseille. C’est dans le cadre de ce Master 2 que j’ai rédigé le présent rapport.
Le titre de votre rapport est le suivant ; « Trafic d’organes en Chine – les prélèvements douteux sur les prisonniers de conscience, un trafic étatique » – Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce sujet parmi d’autres ?
Mon choix de sujet sur les trafics d’organes résulte du fait que l’on parle très peu de ce thème à la Faculté de Droit. Il est souvent question de trafic de drogue, d’armes, etc. alors que le trafic d’organes existe ; et c’est un volet non négligeable de la traite des humains qui m’intéresse particulièrement. Pourquoi ai-je choisi ce sujet ? C’est parce que le trafic d’organes chinois présente un caractère de dimension à la fois étatique et internationale.
Nous sommes en effet en présence d’un trafic où les institutions publiques, à savoir l’armée, le Ministère de la Santé avec le concours des hôpitaux, interviennent dans le processus pour rendre ce trafic prospère. C’est la raison pour laquelle je me suis penché sur ce sujet.
Dans votre rapport vous parlez des transplantations d’organes qui ont été une solution médicale pour aider les malades, et se sont développées au cours des années. Mais, sont apparues parallèlement des trafics d’organes illégaux sur les être humains. La Chine qui en est devenue le premier pourvoyeur, peut-elle se voir restreindre vis à vis du Droit International ?
Selon mes connaissances du Droit International, la condamnation d’un État en Droit Pénal international est une décision gênante et inconfortable à réaliser. De plus, la Chine est un membre permanent des Nations Unies, donc il est stratégiquement difficile de l’attaquer. En outre c’est un acteur clé du développement économique actuel. La Chine est un pays présentant de très grands enjeux politiques, économiques et internationaux.
Cependant, je pense qu’il serait plus envisageable de viser des personnes physiques appartenant aux groupes politiques ou se pencher sur le corpus médical, par des sanctions du conseil de sécurité. En effet, l’ONU dispose de sanctions émanant de son conseil de sécurité, pour arrêter des personnes physiques, ou provoquer des embargos dans le monde entier. Je crois qu’il serait intéressant de rendre accessible les informations concernant ce trafic via des canaux de communication officielle. L’association DAFOH fait par exemple aujourd’hui un travail remarquable, quant à la mise à disposition de l’information aux profanes, qui ne savent pas comment se déroule ce trafic. De même, les relais dans les différents pays agissent correctement à ce niveau là.
Je suis persuadé que si l’information émanait de cellules gouvernementales, elle aurait un meilleur impact sur les populations. Ces dernières pourraient mieux se rendre compte de la gravité du problème. Et, les gens qui partiraient pour recevoir une greffe d’organe, auraient une meilleure connaissance de l’origine de l’organe que l’on doit leur fournir. Il serait vraiment intéressant d’aller dans ce sens.
Pouvez-vous nous décrire le « tourisme de transplantation » , dont vous parlez dans votre rapport ?
Dans les Sciences Criminelles, on parle de tourisme, quand il y a un objectif particulier. Celui qui est le mieux connu de tous est « le tourisme sexuel » , qui consiste à organiser un voyage dans le seul but d’obtenir des faveurs sexuelles dans des pays particuliers, qui laissent toute liberté au consommateur et à la personne qui propose les services.
Dans la situation actuelle en Chine, nous sommes en présence d’un véritable tourisme de transplantation. Les occidentaux, qui sont les principaux clients de ce trafic, organisent des voyages, voire des séminaires, pour se faire transplanter un organe.
On peut vraiment parler de tourisme car les sites internet de ces hôpitaux chinois se présentent à la fois comme des centres de transplantation, mais aussi comme des offices de tourisme, en proposant des visites, des sorties culturelles pour leur clientèle de transplantation. Par exemple, lorsqu’une personne est en attente d’une mise à disposition d’un organe, elle se verra proposer par l’hôpital, des sorties, des distractions avec un guide. C’est un véritable séjour, c’est pour cette raison que je parle de tourisme de transplantation d’organes.
Pour quelle raison le trafic d’organe a pu se développer davantage en chine ?
C’est une question délicate, je pense que cela a été possible en Chine grâce au système politique en place et au contrôle que l’État exerce sur les médias.
Le gouvernement a autorisé le « Ministère de la Défense Chinois », donc son armée, à s’autofinancer et à créer du profit pour son administration. Donc, l’armée a collaboré avec les hôpitaux, pour vendre des organes afin d’alimenter ses caisses. Globalement l’armée est financée par l’État mais aussi par les activités qu’elle peut mener en parallèle.
C’est une situation incroyable, car nous sommes en présence à la fois d’un Ministère et en même temps d’une entreprise criminelle, ce qui n’est pas commun. Et, les hôpitaux ont été complices dans cet enrichissement.
Par ailleurs, l’apparition du Falun Gong a été une véritable aubaine pour les trafiquants, car cela a permis au gouvernement d’enfermer ces gens, en raison de la propagande étatique vantant les méfaits du Falun Gong. De plus, le gouvernement a exercé une véritable pression sur les pratiquants emprisonnés, les menaçant d’arrêter leur famille, leur proche, leur employeurs, et pour les protéger ces pratiquants du Falun Gong arrêtés ne déclinaient pas leur identité.
Ce silence sur leur identité a permis au gouvernement chinois de faire disparaître complètement ces gens. Ainsi, personne n’était au courant de leur déportation dans les camps de travaux forcés, ni de leur exécution à des fins de prélèvements. Le Falun Gong à mon avis a été un réel élément déclencheur.
Nous sommes en face d’une organisation étatique criminelle, alors que dans d’autres pays comme le Kossovo, l’Amérique du Sud, ce sont des « entreprises criminelles privées » qui agissent de la sorte. Il existe dans ces entreprises une véritable intelligence criminelle. Elles sont constituées comme de réelles entreprises commerciales, avec des dirigeants, du personnel, des hommes de main, des hommes de paille, etc. Nous avons des « DRH » qui recrutent des personnes spécifiques, qui s’occupent l’organisation, de la logistique, du transport, des enlèvements (le plus souvent les organes sont prélevés à l’issu d’un rapt), de l’assassinat des personnes. Ce sont de vraies entreprises criminelles.
En Chine, l’aspect particulier qui a attiré mon attention est l’apparition de l’État dans le phénomène criminel. C’est le gouvernement qui planifie et se livre au trafic d’organe.
Vous semblez être un partisan de la défense des droits de l’homme, est-ce en rapport avec votre profession de policier ou pas ?
Ma future profession est une réponse à cette question. Je suis en effet, partisan de la défense des droits de l’homme, parce que si l’on veut œuvrer pour assurer la sécurité dans son propre pays, il faut que ces valeurs soient assimilées et respectées. Elles représentent une base importante, pour que les hommes puissent vivre égaux, dans le respect de leur intégrité physique et morale.
La police aujourd’hui, s’internationalise en réponse à ces trafics sans frontières, comme on peut le voir dans le tourisme de transplantation. Si l’on veut lutter contre ce genre de trafic, que ce soit le trafic présenté dans ce rapport, ou le trafic de drogue qui sévit en Amérique du Sud ou en Asie, il faut que les polices puissent s’entendre afin de déboucher sur une coopération internationale efficace. Et, donc, pour se faire, il faut que ces standards des droits de l’homme, soient respectés dans tous les pays, il est primordial que dans tous les pays on sache se comprendre quand on parle de droits de l’homme. Il est nécessaire que tous ces pays qui aspirent à une coopération internationale respectent ces standards.
C’est la raison pour laquelle, je suis partisan de la défense des droits de l’homme et mon intime conviction me fait dire que sans ces standards des droits de l’homme, le monde ne pourrait pas s’entendre sur le plan commercial, judiciaire, diplomatique et au niveau du tourisme, comme c’est le cas aujourd’hui.
Quelle serait selon vous la solution pour éradiquer ce phénomène ? Que conseillez-vous aux associations ?
Je tiens avant tout à préciser que je soutiens et encourage les associations qui œuvrent pour lutter contre les atrocités qui attentent à la dignité humaine. L’ONG de Dafoh a récupéré des millions de signatures qu’elle a communiqué aux Nations Unies. J’espère maintenant que l’ONU va intervenir.
Au niveau des solutions, on doit continuer à informer les populations profanes, qui n’ont pas idée de ce qui se passe. Je me suis permis de faire circuler mon rapport, à mes contacts, mes amis, mes collègues… qui ont été vraiment surpris par l’existence d’un tel trafic. Certains me demandaient si je n’avais pas un peu inventé certaines choses. Je crois que la communication reste la clé, c’est pourquoi j’ai souhaité rendre disponible mon travail aux internautes qui seraient intéressés.
Mais, je pense en particulier aux universités de médecine chinoises qui demandent aux transplanteurs Français, Américains, de venir les former. On a pu retrouver beaucoup de ces chirurgiens chinois formés par les occidentaux, dans ces trafics d’organes. Cela a été précisément démontré dans le rapport de MM. Matas et Kilgour.
L’Europe devrait exercer un contrôler minutieux sur « qui on forme, pourquoi on le forme et à quoi on le forme. ». Cette question a été évoquée à l’Assemblée Nationale, par Mme Boyer, la député des Bouches-du-Rhône. Il est très difficile de parler de ces sujets à l’Assemblée Nationale, c’est le Docteur Harold King de Dafoh qui a insisté pour que ces débats aient lieu à l’Assemblée. Le déroulement de ces débats traduit une véritable prise de conscience du phénomène.
Je pense également que l’on pourrait impacter au niveau des sociétés pharmaceutiques qui fournissent, en fermant les yeux, aux hôpitaux chinois des médicaments antirejet. En effet, afin que les greffes prennent, il est aujourd’hui possible de palier la différence de tissus par les médicaments antirejet. Actuellement, les sociétés pharmaceutiques vendent des milliards de médicaments antirejet aux hôpitaux chinois, qui les utilisent à des fins criminelles.
Établir des lois pour transgresser le secret professionnel des médecins est également une solution. Lorsque les médecins ont des patients qui ont été greffés par des organes dont on ne connaît pas l’origine, et qu’ils ont la conviction qu’ils se trouvent en présence de trafic d’organes, le secret professionnel devrait être levé afin d’avertir les autorités compétentes. Cette suspension du secret professionnel existe déjà dans certaines professions juridiques afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cela permettrait de décourager certaines personnes souhaitant se livrer au tourisme de transplantation.
Pour terminer je recommande au public qui découvrira pour la première fois ce problème, de s’informer avec les médias NTD, Epoch Times, de lire les rapports de Davis Matas et David Kilgour. Je leur conseille également de se procurer le livre Organe de l’État, Abus de transplantations en Chine, qui résume bien les deux rapports. Je recommande également aux internautes de s’abonner à la newsletter proposée sur le site de l’association Dafoh. Les informations sont transmises par mail et permettent de suivre les évolutions de la lutte contre ces atrocités.
Propos recueillis par Christine Modock
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