Les résultats de la nouvelle enquête de 60 Millions de consommateurs sur les repas en Ehpad sont inquiétants. Leur mauvaise qualité, le contenu triste et sans saveur des assiettes, ou encore le manque d’aide à table, conduisent à la dénutrition de 30% des résidents.
À la veille de la Semaine nationale de la dénutrition qui se déroulera du 7 au 14 novembre 2023, le magazine 60 Millions de consommateurs a sorti ce jeudi un dossier spécial consacré aux repas dans les Ehpad. L’enquête, qui fait la Une du numéro de novembre, titre : « Ehpad, stop aux repas à rabais ».
L’alimentation est d’autant plus importante chez les personnes âgées pour une raison bien précise. « Contrairement aux idées reçues, le vieillissement augmente les besoins énergétiques, à cause d’un moins bon rendement métabolique », précise Annick Ruffat, diététicienne dans les hôpitaux de Luchon.
Les données recueillies dans la nouvelle enquête révèlent que même si le contenu des assiettes servies en Ehpad est plutôt « assez équilibré » (certains notent qu’il y a un peu trop de féculents), les aliments sont « peu appétissants », voire « sans aucun goût » pour bien des résidents. Par conséquent, seulement un quart d’entre eux finissent leur assiette, alors que 53% disent la finir « parfois » et 21% « jamais ».
Manque de personnel et bouillie pour tous
Dans certains établissements, les repas sont servis à tous les résidents sous forme de purée, même à ceux qui n’ont pas de difficultés à mâcher les aliments et n’ont pas non plus de troubles de la déglutition. Cela permet aux établissements de pallier au manque de personnel puisqu’il est plus facile de nourrir plusieurs personnes à la cuillère en même temps. Ces repas mixés sont qualifiés de « bouillie immangeable » ou encore d’« aliments non identifiables » par certains résidents.
La pénurie de personnel en cuisine comme en salle entraine aussi d’autres problèmes pour l’alimentation des personnes âgées. Il est rare qu’une personne soit présente pendant tout le temps du repas pour aider les résidents des Ehpad (seulement dans un tiers des cas). Presque tous ceux qui n’arrivent pas à porter eux-mêmes la nourriture à leur bouche doivent être patients entre deux bouchées. L’assiette finit par être froide avant la fin du repas, ce qui rend la nourriture encore moins appétissante.
? Nouveau numéro
[Étude inédite] Alimentation en #Ehpad : stop aux repas punition !
La qualité nutritionnelle est au rendez-vous mais les témoignages sont accablants : variété des menus, quantité, aspect des plats, aide au repas… Il faut que ça change !https://t.co/JSwlxCXeCq pic.twitter.com/s4XnNS7nb2— 60 Millions de consommateurs (@60millions) October 26, 2023
Un jeûne nocturne trop long pour des personnes âgées
Un autre point souligné par 60 Millions de consommateurs concerne les horaires des repas. Le goûter est parfois donné trop près de l’heure du dîner et coupe l’appétit pour le repas du soir.
Le fait le plus grave concernant les horaires est un jeûne nocturne trop long. En effet, dans 75% des cas, il dépasse les douze heures de jeûne, ce qui n’est pas recommandé par les gériatres. Il s’écoule souvent quatorze heures entre le dîner et le petit déjeuner.
Selon un document de la Semaine de la dénutrition, un jeûne nocturne de plus de 12 heures est délétère chez les personnes âgées et les personnes malades, parce que le corps utilise les muscles pour fournir de l’énergie. Au cas où on ne peut pas changer les horaires des repas, il est alors recommandé de proposer une collation au moins deux heures après le dîner.
Diète budgétaire
L’enquête pointe également le budget alloué aux repas dans les Ehpad, qui n’augmente pas proportionnellement à l’inflation. Les gestionnaires doivent donc économiser sur tout afin de respecter un budget quotidien moyen de 5-6 euros par résident pour les trois repas et le goûter. Dans certains cas, ce budget quotidien est de seulement 3 euros. « Cette diète budgétaire entraîne inévitablement une baisse de la qualité des repas », dénonce Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées).
Suite à ces constats, 60 Millions de consommateurs fait plusieurs suggestions, parmi lesquelles un meilleur effort de présentation des repas, davantage de diversité dans les plats proposés, ainsi qu’au minimum, deux plats au choix. Le magazine de l’Institut national de la consommation suggère aussi d’établir un suivi régulier du poids des résidents, davantage de personnel pour s’occuper des résidents et une plus grande contribution des collectivités et de l’État au budget qui inclut la restauration.
La dénutrition, une maladie silencieuse aux conséquences graves
Les repas des personnes âgées en Ehpad sont d’autant plus importants que celles-ci les prennent tous au sein de l’établissement, et qu’on estime à 30% le nombre de résidents d’Ehpad qui sont en situation de dénutrition.
Les chiffres donnés par la Semaine nationale de la dénutrition indiquent que sur les deux millions de personnes touchées par la dénutrition en France, 40% des personnes âgées sont hospitalisées pour des conséquences de dénutrition, 50% des personnes âgées hospitalisées sont dénutries, 40% des malades d’Alzheimer sont touchées par la nutrition.
Les conséquences de la dénutrition peuvent être graves. Il s’agit d’une maladie silencieuse largement sous-estimée, explique un article du CHU de Poitiers : « la dénutrition altère en continu l’état du patient. Elle entraine un amaigrissement et une fragilité qui, à leur tour, entraînent des épisodes pathologiques de plus en plus longs et fréquents. »
En cas de fonte musculaire trop importante, les conséquences sont à la fois mécaniques et immunologiques avec, avant tout une baisse des défenses immunitaires. La dénutrition aggrave les maladies chroniques, la durée des hospitalisations et le risque de décès. Dans les cas de cancer, le Dr Mathilde Merckx Fraty, médecin nutritionniste et présidente du comité de liaison en alimentation et nutrition (CLAN) du CHU de Poitiers remarque : « pour un même cancer au même stade, un patient dénutri a un risque de mortalité plus important qu’un patient non dénutri ».
De son côté le Professeur Éric Fontaine, président du collectif de lutte contre la dénutrition, résume dans une entrevue de France Bleu :« On meurt de dénutrition ».
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