La visite du chef de la diplomatie française à Alger dimanche a permis d’amorcer une normalisation des relations entre la France et l’Algérie mais de nombreuses questions restent en suspens, en particulier le sort de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
« La raison l’a emportée sur l’émotion, les bras de fer et les ultimatums. Mais c’est une bataille incessante, difficile et compliquée par l’histoire qui existe entre les deux pays, pour parvenir à une relation équilibrée », a réagi lundi auprès de l’AFP l’historien spécialiste de l’Algérie Benjamin Stora, au lendemain du déplacement de Jean-Noël Barrot.
« On est aujourd’hui dans un début de retour à la normale » entre Paris et Alger, a quant à lui commenté Bruno Fuchs, président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Mais la normalisation doit encore se concrétiser par des actes concrets tels que la libération de M. Sansal ou le retour de l’ambassadeur d’Algérie en France, souligne-t-il à l’AFP.
Vers un dialogue apaisé
Après huit mois de crise d’une intensité rare, le ministre des Affaires étrangères s’est entretenu dimanche avec son homologue Ahmed Attaf et surtout avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune.
La France souhaite « tourner la page des tensions actuelles », a déclaré Jean-Noël Barrot depuis Alger, assurant que « tous les sujets » avaient été passés en revue avec le chef de la diplomatie algérienne.
Je suis venu à Alger pour porter le message du Président de la République : nous devons tourner la page des tensions pour reconstruire un partenariat d’égal à égal, dans l’intérêt de nos deux pays.
Nous reprenons notre coopération dans tous les domaines. pic.twitter.com/Bbm5u4zsBY
— Jean-Noël Barrot (@jnbarrot) April 6, 2025
« Le président Tebboune a consacré 2h30 à Jean-Noël Barrot et le fait que le ministre se soit exprimé devant la présidence sont des signes objectifs montrant le retour à une forme de normalité », a commenté Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen.
La semaine dernière, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune avaient décidé de dépêcher leurs ministres des Affaires étrangères pour tourner la page d’une crise qui avait précipité les deux pays au bord de la rupture diplomatique.
Celle-ci avait démarré fin juillet 2024 lorsque le chef d’État français a apporté son soutien total à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger. L’Algérie avait immédiatement retiré son ambassadeur à Paris.
Appel à « un geste d’humanité » pour Boualem Sansal
Puis, les tensions avaient été aggravées par « une série d’irritants », dont la question migratoire et l’arrestation de Boualem Sansal. « Tant que Boualem Sansal n’est pas libéré, les relations ne seront pas véritablement normalisées », estime Bruno Fuchs, tout en soulignant la nécessité de travailler à cette libération en toute discrétion, « étant donné le degré de tension et la durée de la crise ».
Il faut aussi que le sujet immigration retrouve « sa juste place », alors qu’il avait pris une proportion démesurée dans les relations bilatérales, estime le parlementaire.
Face à la condamnation de Boualem Sansal, la France est mobilisée, déterminée, engagée. Il ne sera jamais seul.
Un geste d’humanité est nécessaire et attendu.
— Jean-Noël Barrot (@jnbarrot) April 7, 2025
Sur Boualem Sansal, condamné à 5 ans de prison le 27 mars pour atteinte à l’intégrité du territoire, Jean-Noël Barrot a simplement indiqué avoir évoqué sa situation, en appelant le président Tebboune à « un geste d’humanité » pour l’écrivain « au vu de son âge et de son état de santé », reprenant mot pour mot les propos d’Emmanuel Macron.
« Agir à bas bruit »
Lundi, le quotidien gouvernemental El Moudjahid notait que l’audience accordée par le président Tebboune à M. Barrot « démontre bien que l’Algérie n’a jamais décliné le dialogue ».
« En nation souveraine, elle s’est défendue contre les outrances des porte-voix officiels et officieux de l’extrême droite, et, surtout, contre l’ingérence aussi inadmissible qu’inacceptable d’hommes politiques, dont des ministres, dans des questions relevant du domaine diplomatique », a ajouté le journal, en référence au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure envers l’Algérie.
Le quotidien d’Oran, publication francophone, a lui souligné que « les menaces en l’air et les discours vindicatifs ne peuvent servir la réelle diplomatie dans l’intérêt des deux peuples avec une histoire partagée ».
En diplomatie, il faut « agir à bas bruit », renchérit Bruno Fuchs, qui travaille à une mission en Algérie de parlementaires français de la commission des Affaires étrangères. « La demande de déplacement a été faite à mon homologue de l’Assemblée nationale d’Algérie », a-t-il fait valoir, observant qu’il fallait durablement retisser les liens après un rapport de force qui n’aurait fait que conduire l’Algérie comme la France « dans une impasse ».
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