Au cours des dernières semaines, en Grèce, des milliers de réfugiés et de migrants ont été obligés de dormir dehors, par des températures atteignant les moins huit degrés Celsius, la Macédoine n’autorisant que quelques réfugiés à passer sa frontière.
Les réfugiés et les migrants qui attendent à la frontière ont la forte impression qu’ils seront parmi les derniers à pouvoir entrer en Europe.
Mohammed, 30 ans, et sa femme Reem, 27 ans, tous deux originaires de Bagdad, ont passé la nuit du 23 au 24 janvier dans une tente humanitaire, blottis sous des couvertures, en attendant que les autorités macédoniennes rouvrent la frontière.
Le couple – lui, ingénieur informatique, et elle, traductrice – ne supportait plus la détérioration de la situation sécuritaire et économique de l’Irak. Sentant que leur seule issue de secours, la porte d’entrée de l’Europe, risquait de se fermer sous leur nez, ils se sont dépêchés d’agir.
« Au début, nous voulions attendre le printemps », a dit Mohammed, qui a demandé à ce que son nom de famille ne soit pas dévoilé. « Mais la situation en Europe se détériore, surtout depuis les agressions à Cologne. »
« Beaucoup beaucoup de pays ferment leurs frontières. Alors nous avons quitté l’Irak mardi et […] nous voyageons le plus vite que nous pouvons jusqu’à arriver en Allemagne. »
D’importants changements sont en effet en cours. Les dirigeants européens cherchent de plus en plus désespérément à endiguer le flux de réfugiés avant que leur nombre augmente à nouveau au printemps.
La semaine dernière, l’Autriche, qui a accueilli environ 90 000 demandeurs d’asile en 2015, a été le premier pays européen à plafonner le nombre de réfugiés qui seront acceptés à l’avenir. Le chancelier autrichien, Werner Faymann, a annoncé que son pays limiterait à 37 500 le nombre de demandes d’asiles cette année et à 127 500 d’ici mi-2019. Seuls les réfugiés souhaitant obtenir l’asile en Autriche ou en Allemagne seront admis sur le territoire.
L’annonce a déclenché une réaction en chaîne le long de l’itinéraire de l’ouest des Balkans. Pour éviter l’engorgement dans leur propre pays, la Slovénie, la Croatie, la Serbie et la Macédoine ont toutes mis en place des mesures de contrôle similaire, refusant l’entrée sur leur territoire de personnes souhaitant demander l’asile ailleurs qu’en Autriche ou en Allemagne.
Au camp de transit d’Idomeni, les autorités grecques appliquent de facto toutes les nouvelles politiques annoncées plus au nord sur l’itinéraire de l’ouest des Balkans. Début décembre, de violentes émeutes ont éclaté parmi les milliers de personnes bloquées à Idomeni à la suite de la décision prise par plusieurs pays des Balkans de n’accepter que les Syriens, les Afghans et les Irakiens.
La semaine dernière, la police grecque a ouvert un bureau mobile dans le camp de transit pour demander aux réfugiés et aux migrants où ils prévoyaient déposer leur demande d’asile. Ces derniers doivent maintenant attendre dehors, par des températures négatives, pour recevoir leurs hartia (papiers, en grec) tamponnés, avec mention de leur destination finale. Ceux qui déclarent se rendre en Allemagne ou en Autriche sont dirigés vers des tentes dans lesquelles ils doivent encore attendre que la Macédoine ouvre à nouveau brièvement sa frontière.
Comme il fallait s’y attendre, tout le monde déclare l’Allemagne ou l’Autriche comme destination finale. Difficile de savoir ce qu’ils risquent s’ils tentent ensuite de se rendre dans un autre pays.
Le camp d’Idomeni, qui peut accueillir jusqu’à 1200 personnes, est équipé de grandes tentes chauffées, de douches, de nourriture, de couvertures, de vêtements chauds et d’espaces séparés pour les réfugiés particulièrement vulnérables. Mais depuis les émeutes du mois dernier, la police grecque oblige les bus transportant des réfugiés d’Athènes à Idomeni à s’arrêter à une station-service à 20 km de là, soi-disant pour éviter les mouvements de foule. Moins de 300 personnes à la fois sont autorisées dans le camp. Ces dernières nuits, plus de 2500 personnes ont donc dû dormir à la station-service, souvent dehors, à même le sol, par des températures glaciales.
« Nous supplions les policiers de nous laisser utiliser le camp, mais ils ne nous laissent pas et ne nous disent pas pourquoi », a dit Gemma Gillie, porte-parole de Médecins Sans Frontières à Idomeni. Elle fait des allers-retours entre le camp et la station-service, où les propriétaires ont autorisé l’organisation médicale à installer six tentes. D’autres organismes humanitaires n’ont pas été autorisés à y offrir leurs services.
Les organisations non gouvernementales et les bénévoles travaillant à Idomeni s’inquiètent de ce qui pourrait se passer quand l’Autriche atteindra son quota. Près de 45 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Grèce depuis le début de l’année, malgré les conditions hivernales difficiles. La grande majorité d’entre eux sera passée par l’Autriche pour atteindre l’Allemagne ou d’autres destinations en Europe de l’Ouest ou du Nord. Selon Karl-Heinz Grundböck, porte-parole du ministère de l’Intérieur autrichien, ils sont environ 6000 à avoir demandé l’asile en Autriche en 2016. La chancellerie se renseigne actuellement sur la capacité juridique de l’Autriche à refuser de nouvelles requêtes lorsque le pays aura atteint son quota de 37 500 demandeurs d’asile.
Le président allemand, Joachim Gauck, a annoncé la semaine dernière qu’une limite similaire était « extrêmement probable » en Allemagne cette année.
« Que vont faire tous ceux qui ne pourront pas passer ? », a demandé Mme Gillie. « Il est déjà suffisamment difficile de répondre à leurs besoins les plus élémentaires. »
Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, a alerté que son pays risquait de devenir une « boîte noire » pour les réfugiés, alors qu’ils continuent d’affluer et que les autres pays ferment leurs frontières.
La plupart du million et plus de réfugiés et de migrants qui ont traversé la Méditerranée l’année dernière pour se rendre en Europe sont passés par la Grèce, un pays qui peine déjà à se remettre d’une longue crise financière. Les autres États membres menacent d’exclure la Grèce de l’espace de libre circulation Schengen si elle ne fait pas plus pour contrôler les frontières extérieures de l’Europe.
Le 25 janvier, à Amsterdam, les ministres de l’Intérieur européens devaient discuter de nouvelles mesures frontalières, dont cette exclusion temporaire éventuelle de la Grèce de l’espace Schengen.
Pour le personnel humanitaire et les bénévoles d’Idomeni, ce sont les réfugiés et les migrants qui pâtiront des quotas et des clôtures mis en place par l’Europe et nombre d’entre eux n’auront d’autre choix que de se tourner vers des passeurs.
« Lorsque des gens feraient n’importe quoi pour atteindre leur destination finale, il est évident qu’ils devront trouver d’autres voies et ces autres voies sont généralement [empruntées à l’aide de] passeurs », a dit Alexandros Voulgaris, directeur du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Idomeni. « Ils sont désespérés. Alors ils trouveront un moyen [de passer]. »
Source : IRIN News
Le point de vue dans cet article est celui de son auteur et ne reflète pas nécessairement celui d’Epoch Times.
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