Le tribunal de Tokyo a annoncé mardi le rejet d’une nouvelle demande de libération sous caution de Carlos Ghosn, patron déchu qui n’entrevoit pas la fin de sa détention provisoire.
M. Ghosn, sous les verrous depuis plus de deux mois à Tokyo, avait promis de rester au Japon s’il était remis en liberté. Hélas pour lui, ses arguments n’ont pas convaincu la justice japonaise. Celui qui est encore, en titre du moins, PDG de Renault, est sous le coup de trois inculpations, pour abus de confiance et autres malversations financières.
Sa détention provisoire court pour le moment jusqu’au 10 mars, et elle peut être prolongée chaque mois. Une autre demande de libération sous caution avait déjà été rejetée en première instance, puis en appel, la semaine précédente. Le principal avocat du dirigeant de 64 ans, Motonari Otsuru, avait choisi de déposer un nouveau recours en modifiant l’argumentaire, en vain.
Il a encore la possibilité de faire appel de cette décision de mardi pour donner une nouvelle chance à son client. Mais de l’avis même de M. Otsuru, M. Ghosn encourt le risque de rester incarcéré « jusqu’à l’ouverture de son procès » qui n’aura pas lieu avant des mois. Carlos Ghosn avait pu brièvement défendre sa cause au début du mois au tribunal, lors d’une comparution exceptionnelle à sa demande. Amaigri et menotté jusqu’à l’entrée dans la salle d’audience, il s’était dit « faussement accusé », démentant les allégations point par point.
Le tribunal a jusqu’à présent justifié la privation de liberté de M. Ghosn par un risque de dissimulation ou destruction de preuves et de fuite. Les procureurs ont argué auprès du juge que M. Ghosn, qui passait le plus clair de son temps à l’étranger, pourrait être tenté de se soustraire à la justice japonaise.
Le charismatique dirigeant avait promis ce week-end d’être à la disposition totale des juges et proposé d’être placé sous bracelet électronique, mais ce dispositif, assez courant en France, n’existe pas au Japon. Il avait en outre encore clamé son innocence. « Je ne suis pas coupable des accusations qui pèsent contre moi et j’ai hâte de défendre ma réputation devant le tribunal », avait-il écrit dans un communiqué.
Des restrictions de déplacements peuvent encadrer une éventuelle remise en liberté, comme c’est le cas pour son ex-bras droit, Greg Kelly, arrêté en même temps que lui puis relâché le 25 décembre. Les charges à l’encontre de l’Américain sont moins lourdes, mais il a interdiction de quitter le territoire japonais ou d’entrer en contact avec des protagonistes de l’affaire.
La femme et les enfants de M. Ghosn se sont offusqués, par voie de presse notamment, des conditions dans lesquelles il est enfermé. Des critiques auxquelles les autorités nippones se montrent insensibles. M. Otsuru a cependant assuré que son client ne s’était jamais plaint auprès de lui. Il peut en outre désormais recevoir la visite de sa famille, en plus de celles de ses avocats et des représentants des pays dont il détient la nationalité (France, Brésil, Liban).
Pendant ce temps, de nombreuses révélations, émanant en partie de Nissan, continuent de ternir chaque jour un peu plus l’image du magnat de l’automobile, et sa détention prolongée oblige Renault à prendre des dispositions, bien que la présomption d’innocence ait prévalu pour le constructeur français.
Le gouvernement français a officiellement lâché M. Ghosn la semaine passée, en demandant la nomination d’un successeur dans les prochains jours pour prendre la tête du groupe Renault, dont l’État détient 15%. M. Ghosn va ainsi perdre son dernier titre, celui de PDG de Renault. Nissan et Mitsubishi Motors l’avaient révoqué du poste de président de leurs conseils d’administration dès fin novembre.
Par ailleurs, des rumeurs insistantes dans la presse japonaise indiquent que des représentants du gouvernement français, en visite au Japon la semaine passée, ont présenté à leurs interlocuteurs nippons l’option d’une fusion de Renault et Nissan, hypothèse que les Japonais ne voient pas du tout d’un bon œil.
Ces allégations ont été démenties par le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, selon qui un tel projet « n’est pas sur la table ». L’État français est « attaché au bon fonctionnement » et à la « pérennité » de l’alliance existante entre Renault et Nissan. « C’est ce que nous avons toujours indiqué aux autorités japonaises », a-t-il expliqué.
D.C avec AFP
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