En mai 68, il débarquait au Festival de Cannes pour interrompre les festivités. Cinquante ans plus tard, l’insaisissable Jean-Luc Godard a comme souvent brillé par son absence sur le tapis rouge, vendredi, à l’heure où a été présenté son nouveau film « Le livre d’image », en lice pour la Palme d’or. Le réalisateur culte d’« A bout de souffle », qui n’avait déjà pas fait le voyage lors de ses précédentes sélections en 2010 et 2014, doit en revanche participer samedi à une conférence de presse à distance, via l’application d’appels vidéos Face Time, selon l’agenda à l’attention de la presse. L’entrée en compétition du nouveau film du mythique cinéaste de la Nouvelle vague était le moment fort d’une journée aussi marquée par la projection, en compétition, des « Eternels » du Chinois Jia Zhangke et par une séquence souvenir avec « Le Grand Bleu », de Luc Besson, sur la plage cannoise 30 ans après sa sortie.
Après « Adieu au langage », oeuvre difficile et inclassable en 3D récompensée par le Prix du jury à Cannes en 2014, le cinéaste franco-suisse de 87 ans est sélectionné pour un film présenté comme une réflexion sur le monde arabe en cinq parties, à travers des images documentaires et de fiction. Reclus en Suisse, celui qui a révolutionné l’écriture cinématographique s’est tenu éloigné ces dernières années du monde du cinéma. Il faut remonter à 2004 pour sa dernière apparition – hors compétition – sur la Croisette avec « Notre musique ».
Sa sélection cette année à Cannes est particulièrement symbolique, 50 ans après le Festival interrompu de mai 68. Alors que la France était en grève, il avait alors été en tête, aux côtés de François Truffaut, de la révolte pour exiger l’arrêt de la compétition par solidarité avec le mouvement étudiant et ouvrier. En cette année anniversaire, « JLG » a d’ailleurs aussi l’honneur de l’affiche du 71e Festival de Cannes, avec un baiser entre Jean-Paul Belmondo et Anna Karina dans « Pierrot le fou », son film culte de 1965. Mai 68 avait aussi été le point de départ d’une radicalisation de son oeuvre, avec des « films politiquement politiques » puis l’expérimentation de la vidéo.
L’année 1980 avait marqué son retour à la fiction avec « Sauve qui peut (la vie) » avec Isabelle Huppert, Nathalie Baye, Jacques Dutronc. Mais le film, présenté à Cannes, avait divisé profondément le public et la critique. A la sortie de la projection officielle, « un désastre », selon son biographe Antoine de Baecque, Godard avait même été pris à partie et insulté. Cinq ans plus tard, il recevra à Cannes une tarte à la crème avant la projection de « Détective » de la part de l’« entarteur » belge Noël Godin.
Cette nouvelle sélection à Cannes, sa septième en compétition, couronne une carrière d’une cinquantaine de films où se mêlent fictions, films militants, vidéos et films grand public. Mais récompensé une seule fois, en 2014, Godard reste un cinéaste controversé, dont certains jugent l’oeuvre prétentieuse ou trop hermétique. Autre clin d’œil à mai 68 vendredi, un hommage était rendu au distributeur et réalisateur Marin Karmitz, fondateur du groupe MK2, dont la carrière avait aussi connu un tournant après cette période. Son film « Coup pour coup » (1972), oeuvre militante en écho aux luttes sociales de 1968, sera projeté dans la section Cannes Classiques.
Avec Godard, « on a fait deux films sur le même sujet, une grève de femmes, qui prenaient la parole dans les usines, c’était très nouveau, parce qu’elles n’avaient quasiment pas droit à la parole », a expliqué à l’AFP M. Karmitz. Pour lui, ce sera donc « Coup pour coup », et pour Godard « Tout va bien », avec Yves Montand et Jane Fonda. Autre symbole de mai 68, l’ex-député européen Daniel Cohn-Bendit est attendu la semaine prochaine à Cannes avec le réalisateur Romain Goupil pour présenter hors compétition leur film « La Traversée ».
DC avec L’AFP
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