L’idée d’une « surprise d’octobre » était dans toutes les têtes depuis très longtemps. Les observateurs l’évoquaient, les républicains l’annonçaient et les démocrates la craignaient. Mais, au fond, personne n’y croyait vraiment. Dans ces derniers jours de campagne, l’industrie des médias et celle des sondages, tout autant que la cohorte d’observateurs et de spécialistes se demandaient tous ce qui pourrait encore être ajouté à tout ce qui avait déjà été dit sur les deux candidats.
On commençait donc déjà à s’intéresser à des sujets un peu différents : l’émergence de Michelle Obama sur la scène politique et son aura extraordinaire qui donnait enfin à la campagne Clinton le dynamisme qui avait tant manqué, les noms de celles et ceux qui étaient susceptibles de participer au gouvernement de la première présidente des États-Unis, les chances pour les démocrates de remporter le Sénat et, pourquoi pas après tout, la Chambre des représentants par la même occasion… Car plus personne ne pariait sur les chances de Donald Trump, qui semblait ne plus y croire non plus, même s’il déployait toute son énergie pour donner le change.
Mais il avait déjà donné l’explication à cette défaite annoncée : l’élection allait être truquée, notamment par le FBI qui avait protégé Hillary Clinton et par son directeur, James Comey, l’homme qui avait conseillé aux procureurs fédéraux de ne pas la poursuivre dans l’affaire dite « des e-mails ». Il avait en effet estimé qu’il n’y avait eu aucune intention criminelle de la part de l’ancienne ministre des Affaires étrangères. Et il s’était aussitôt attiré le courroux du milliardaire new-yorkais qui en avait fait une cible de ses attaques.
Comme une catastrophe
C’est pourquoi, jeudi dernier, lorsque le chef du FBI fut informé de la découverte d’un millier d’e-mails jugés « pertinents » pour déclencher une nouvelle enquête fédérale impliquant Hillary Clinton, on imagine assez bien quel a été son désarroi. Il s’est alors empressé d’adresser un courrier à huit présidents de commissions du Sénat et de la Chambre des représentants, tous républicains, les informant que la police fédérale allait rouvrir une enquête.
L’annonce, aussitôt révélée au public par un des sénateurs, a fait l’effet d’une bombe dans une campagne qui n’avait vraiment pas besoin de ça. Après cette année un peu folle, qui a déjà connu toutes les outrances, chacun aspirait au calme. En cette veille de week-end d’Halloween, Hillary Clinton faisait campagne dans l’Iowa, un État très républicain et qui semblait pourtant à sa portée après deux semaines de chute vertigineuse de Donald Trump et de son camp dans les sondages. Le même jour, Barack Obama devait enflammer les foules de Floride dans un meeting qu’il présiderait et Hillary Clinton allait conclure tout cela avec un concert géant donné par Jennifer Lopez à Miami, en présence de la candidate démocrate.
Au lieu de cela, on retiendra que le staff démocrate est resté coincé de très longues minutes dans son avion, sur le tarmac de Cedar Rapids, dans l’Iowa, en cherchant la meilleure stratégie pour se sortir de ce qui est interprété par beaucoup comme une catastrophe. Puis il y a eu une conférence de presse improvisée et Hillary Clinton a demandé au FBI de publier toutes les informations qu’il possède. Car personne ne connaît les faits et, à dix jours de l’élection, le pire est bien entendu de laisser la rumeur enfler. Car le rebondissement créé par cette annonce, alors que l’écart s’était à nouveau resserré au niveau national entre les deux principaux candidats, pour s’établir autour de 4,5 % en faveur de Mme Clinton, pourrait être dévastateur d’ici le 8 novembre.
Noms d’oiseaux
Les premières informations sur toute cette affaire sont pourtant peu alarmantes pour Hillary Clinton : il serait questions cette fois-ci d’e-mails entre Anthony Weiner, un ancien député et candidat à la mairie de New York, poursuivi pour des sextos adressés à des mineures, et son ex-femme, Huma Abedin, qui l’a quitté voici six mois. Car celle dernière est également la directrice adjointe de la campagne d’Hillary Clinton depuis le début des primaires.
Mais, dans un contexte hystérisé par l’enjeu et le calendrier, l’affaire ne va pas être aussi simple : Donald Trump a aussitôt soufflé sur les braises autant qu’il l’a pu, bien entendu. Le Parti républicain en a fait de même, voyant là la possibilité inespérée de venir en aide à des candidats aux sénatoriales qui se trouvaient en grande difficulté, tel que Marco Rubio en Floride ou Kelly Ayotte dans le New Hamsphire. Même Paul Ryan, le patron des députés républicains, a mis de côté ses différends avec Donald Trump et s’est fendu d’un communiqué cinglant à l’encontre d’Hillary Clinton, qui n’aurait pas su « être à la hauteur de son poste prestigieux. »
Le public va à nouveau être abreuvé d’attaques diverses et de noms d’oiseaux, qui éclipseront les quelques rares incursions dans la politique qui avait pu être relevées ici et là. On va, bien entendu, à nouveau reprocher à Hillary Clinton un certain goût pour le secret et la dissimulation, attaque préférée des républicains depuis seize mois.
Cette campagne aura été un combat d’un nouveau type dans la politique américaine, un combat inédit dans l’histoire des campagnes, presque une blague, comme lorsque ces enfants font le tour du quartier à la recherche de bonbons, à l’occasion d’Halloween. Faute de quoi ils promettent de lancer un mauvais sort.
Jean-Eric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris II Panthéon-Assas
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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