Fitch rend vendredi soir son verdict de printemps sur l’état de la dette de la France, dans un contexte politique et géopolitique toujours incertain depuis octobre, quand l’agence de notation avait placé sa note sous perspective négative.
Une telle perspective signifie que l’agence envisage une baisse de la notation, une éventualité qui accroit les inquiétudes sur le marché obligataire, déjà électrisé par les tensions commerciales avec les États-Unis et les annonces d’un réarmement de l’Europe.
Vendredi, le taux d’emprunt de la France à 30 ans a grimpé à presque 4,20%, son niveau le plus élevé depuis 2011. Fitch classe actuellement la France « AA-« , marquant une dette de qualité « haute ou bonne », l’équivalent d’un 17/20. Une note abaissée d’un cran à A+ ferait passer la qualité de la dette à « moyenne supérieure ».
Fin février, l’agence S&P a rejoint Fitch, en assortissant son propre « AA- » d’une perspective négative. La troisième agence, Moody’s, classe la France Aa3, l’équivalent de AA-, mais avec perspective stable.
La « forte fragmentation politique » dans le viseur
En octobre, Fitch avait qualifié la « forte fragmentation politique » du pays de facteur compliquant « la capacité de la France à mettre en œuvre des politiques d’assainissement budgétaire durables ».
Depuis, le gouvernement de Michel Barnier a été censuré, en décembre, et le gouvernement Bayrou a réussi, grâce à des compromis politiques, à faire adopter le budget 2025, qui prévoit 50 milliards d’euros d’efforts, notamment une baisse du train de vie de l’État et une surtaxe temporaire sur les bénéfices des grandes entreprises. « Si on veut protéger notre souveraineté financière, il faut que nos comptes publics soient en ordre », a déclaré vendredi le ministre de l’Économie, Éric Lombard, sur France 2.
La France s’apprête désormais à participer à l’effort massif de réarmement européen, rendu urgent par l’incertitude sur les positions diplomatiques des États-Unis, notamment vis-à-vis de Moscou et de l’Ukraine.
Dans ce contexte, Fitch doit évaluer la capacité du gouvernement à limiter le déficit public à 5,4% du produit intérieur brut (PIB) cette année, contre environ 6% l’an dernier, et à stabiliser sa dette à moyen terme. En octobre, Fitch avait mis en doute la promesse de la deuxième économie de la zone euro de ramener son déficit sous les 3% de PIB en 2029, le maximum fixé par les textes de l’UE.
À la fin du troisième trimestre, la dette atteignait 3303 milliards d’euros, soit 113,7% du PIB, contre 112,2% fin juin, l’un des ratios les plus élevés de l’UE. Et la situation pourrait se dégrader encore : le budget est construit sur une hypothèse de croissance du PIB de 0,9% en 2025. Or, mercredi, la Banque de France a revu à la baisse sa prévision de 0,9% à 0,7%.
« La prévision de croissance peut changer »
« La prévision de croissance peut changer », a reconnu jeudi soir, dans une interview à Libération, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, mais « quelle que soit la croissance, nous devons le tenir ».
Fitch commence aussi à s’interroger sur l’influence du plan de réarmement européen de 800 milliards d’euros – annoncé le 4 mars par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen – sur la dette de l’UE, notée dans son ensemble AAA, le maximum possible.
« Si une augmentation des dépenses nationales de défense pourrait affecter à moyen terme la note des États membres (notés) AAA (Allemagne, Pays-Bas, Suède, Danemark et Luxembourg), le plan ReArm Europe permettrait également de réaffirmer l’importance politique de l’UE, ce qui constitue un facteur-clé de notation », juge-t-elle pour l’instant.
Autre nouveauté depuis octobre, la menace de hausses des droits de douane brandie par le président américain Donald Trump. Jeudi, il s’est dit prêt à porter à 200% les droits sur les alcools européens si Bruxelles n’abandonnait pas l’idée de taxer à 50% le whisky américain. La nouvelle serait « particulièrement inquiétante » pour la France, observe Sylvain Bersinger, chef économiste d’Asterès, car celle-ci « représente environ la moitié des exportations européennes de boissons alcoolisées vers les États-Unis ».
Après avoir abaissé sa perspective en octobre, « tout ce qui reste à Fitch, c’est soit ‘dégrader’, soit maintenir la note », indique Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management. « On ne voit pas de raison d’améliorer la perspective », conclut-il.
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