AFRIQUE

L’armée sud-africaine est en crise, affirment des analystes

Une mésaventure humiliante en RDC a laissé les troupes sud-africaines de maintien de la paix prises au piège par les rebelles, révélant des problèmes de longue date
mars 3, 2025 7:23, Last Updated: mars 3, 2025 19:12
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JOHANNESBURG – Des affrontements meurtriers dans une ville minière délabrée, mais paisible, de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) ont confirmé ce que les spécialistes de la défense savaient depuis longtemps : l’armée sud-africaine, qui était autrefois la force de combat la plus respectée du continent africain et qui était soutenue par son seul complexe militaro-industriel, est maintenant en ruine.

Dans les rues de Goma, près de la frontière entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, la réputation de la Force de défense nationale sud-africaine (FDSA) est ternie par la boue, le sang, et git sous les éclats de béton, les bâtiments en ruine et les véhicules blindés incendiés.

Ici, les rebelles du M23 ont récemment vaincu l’armée congolaise et une force de « maintien de la paix » mandatée par les Nations Unies, principalement composée de 2000 soldats sud-africains.

Le gouvernement de la RDC affirme que 7000 personnes ont perdu la vie et 450.000 autres ont été déplacées dans l’est du pays depuis janvier.

Au cours des derniers mois, le déclin de l’armée sud-africaine a été mise en évidence par le déchargement de plus de 20 housses mortuaires sur une base aérienne près de Pretoria.

Aujourd’hui, les troupes sud-africaines survivantes sont retranchées près de l’aéroport de Goma, à environ 25 kilomètres de la ville, et sont sur le point de manquer de nourriture et de munitions.

« Nous sommes retenus en otage », a déclaré un soldat sud-africain à Epoch Times depuis la base.

« Certains d’entre nous sont blessés. Nous rationnons la nourriture et les médicaments. Le M23 [nous] autorise à sortir en petits groupes. Mais pas souvent. C’est la pagaille. Un grand désordre », a-t-il affirmé, en demandant que son nom ne soit pas utilisé, les militaires n’étant pas autorisés à parler aux médias.

Le M23 a été formé en 2012, affirmant défendre les intérêts des Tutsis congolais, qui partagent l’ethnie du président rwandais Paul Kagame.

Selon les analystes politiques, le véritable enjeu porte plutôt sur les minerais gorgeant l’est de la RDC, dont beaucoup sont essentiels à la fabrication de véhicules électriques, de leurs batteries, de téléphones portables, d’ordinateurs et de nombreux autres appareils électroniques.

Le Conseil de sécurité des Nations unies affirme que l’armée rwandaise se trouve dans l’est de la RDC pour soutenir les rebelles du M23. Cependant, alors que les chaînes de télévision internationales montraient ces dernières semaines des troupes rwandaises déferlant dans l’est de la RDC, Paul Kagame a affirmé à CNN ignorer si ses soldats s’y trouvaient.

Depuis environ 30 ans, la République démocratique du Congo est en proie à un conflit qui a coûté la vie à environ 6 millions de personnes, selon le groupe de réflexion Council on Foreign Relations, basé à Washington. En 2013, un accord de paix a mis fin aux combats entre le M23 et les milices hutues, que Paul Kagame accuse d’avoir orchestré le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.

Cependant, le M23 a repris les combats à la fin de l’année 2021, accusant Kinshasa de ne pas respecter les accords. Il a promis de renverser le gouvernement du président Félix Tshisekedi.

Un membre du mouvement M23 regarde pendant un enrôlement de civils, d’officiers de police et d’anciens membres des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) qui auraient décidé de rejoindre volontairement le mouvement M23, à Goma le 23 février 2025. (Michel Lunanga/AFP via Getty Images)

En février 2024, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé le déploiement de 2900 soldats dans l’est de la RDC pour aider les troupes de Kinshasa à stopper l’avancée du M23.

Cette annonce a suscité une vague d’avertissements de la part des spécialistes en défense.

Darren Olivier, directeur de l’African Defense Review, une organisation qui surveille les conflits sur le continent africain, est l’un des nombreux analystes qui ont prédit que l’armée sud-africaine serait affaiblie en cas d’attaque majeure des rebelles sur Goma.

« Il était évident pour tout le monde que ce n’était pas le M23 d’autrefois », a-t-il déclaré à Epoch Times. « Le Rwanda, dont l’armée est l’une des plus puissantes du continent, aurait fourni des armes sophistiquées au M23, notamment des systèmes de missiles, des drones et beaucoup de munitions. »

Selon M. Olivier, une force conjointe de troupes sud-africaines, malawites, tanzaniennes et congolaises a vaincu le M23 en 2013 grâce au soutien d’une flotte de 12 hélicoptères d’attaque « Rooivalk », ou « Faucon rouge ».

Cette arme est utilisée par les plus grandes armées du monde, y compris l’armée britannique.

Sur son site web, le fabricant du « Rooivalk », Denel Aeronautics, basé à Pretoria, décrit l’hélicoptère comme « offrant une puissance de feu, une mobilité et une protection inégalées depuis les airs ».

L’analyste militaire sud-africain Helmoed Heitman a déclaré à Epoch Times que les principaux atouts du Rooivalk sont sa capacité à opérer par très mauvais temps et sa « forte puissance de feu », qui inclut des canons à tourelle, des roquettes de 70 mm, des missiles air-sol et des missiles air-air.

« Dans les milieux militaires, le ‘Rooivalk’ est considéré comme le seul rival du célèbre hélicoptère américain ‘Apache’ », a déclaré M. Heitman.

Siphiwe Dlamini, porte-parole du ministère sud-africain de la Défense, a confirmé à Epoch Times que la raison pour laquelle les hélicoptères ne sont pas en RDC pour le moment est qu’ils n’ont pas été entretenus ainsi qu’en « raison de problèmes contractuels ».

Selon les sources de Denel Aeronautics, qui ont parlé à Epoch Times, le gouvernement a cessé de payer l’entreprise pour l’entretien des aéronefs à la fin de 2023.

Un responsable a déclaré : « Le contrat de Denel [Aeronautics] avec le gouvernement est censé couvrir les dépenses des techniciens et des ingénieurs qui sont experts du Rooivalk. Mais Denel n’a jamais été payé, alors nous nous sommes retirés. »

« C’est une honte », a répondu Darren Olivier. « Le Rooivalk est utilisé dans le monde entier, sauf dans le pays où il est fabriqué. Sa chute est révélatrice de la pourriture qui s’est installée dans les forces armées sud-africaines. Partout où l’on regarde, il y a de la déchéance et une baisse de la moralité. Nous avons aussi des navires de guerre et des sous-marins qui sont en cale sèche parce qu’ils n’ont pas été entretenus depuis des années. »

Selon Siphiwe Dlamini, les « contraintes budgétaires » en sont la cause.

« Nous avons tellement de priorités dans un pays où des millions de personnes vivent dans la pauvreté », a-t-il déclaré. « Le gouvernement est obligé de consacrer des milliards de rands pour [les secteurs de] la santé, de l’éducation et des aides sociales. Il faut faire des coupes budgétaires. Malheureusement, l’armée et la marine sont victimes de ces coupes. »

L’Alliance démocratique (AD), l’un des principaux partenaires de la coalition gouvernementale sud-africaine avec le Congrès national africain (ANC), attribue la responsabilité de l’affaiblissement des capacités de défense du pays au manque de leadership, à la mauvaise gestion et à la corruption.

« Comment pouvons-nous envoyer nos troupes dans l’œil du cyclone en sachant pertinemment qu’elles ne possèdent ni les armes ni les munitions nécessaires pour mener à bien une attaque ou une défense ? », a demandé Chris Hattingh, porte-parole de l’Alliance démocratique pour les questions militaires.

« Je n’ai jamais vu un échec aussi pathétique en matière de planification militaire. »

Selon Kobus Marais, un ancien colonel de l’armée sud-africaine, l’effondrement de l’armée sud-africaine est dû au « copinage » de l’ANC.

Des officiers de la police sud-africaine et des soldats des forces de défense sud-africaines se tiennent devant des migrants assis après une descente dans des immeubles du quartier central des affaires de Johannesburg, le 8 mai 2015. Mujahid (Safodien/AFP via Getty Images)

« Depuis 1994, nos forces de combat sont dirigées par des personnes qui ne devraient tout simplement pas être là », a-t-il déclaré à Epoch Times. « Il y a une grande différence entre diriger une bande de guérilleros dans la brousse et diriger l’armée d’un pays. »

Après l’apartheid, le gouvernement dirigé par l’ANC a intégré les branches armées des mouvements de libération à l’armée nationale, qui avait contribué à imposer le régime de la minorité blanche.

« L’ancienne force de défense sud-africaine n’avait pas que des bons côtés, mais elle n’avait pas non plus que des mauvais », explique M. Marais.

« Les normes étaient extrêmement élevées. Nous disposions des meilleures armes et du meilleur entraînement. Lorsque nous nous sommes rendus aux frontières pour combattre ce que nous appelions à l’époque des terroristes, et pour lutter contre les forces cubaines communistes en Angola, nous avons le plus souvent été victorieux parce que nous disposions du matériel et de l’armement adéquats et – ce qui est important – d’un soutien aérien. Nous étions dirigés par des commandants très expérimentés et aguerris. Ces normes ont disparu de la FDSA, principalement parce que l’armée sud-africaine n’a pas le soutien du gouvernement. »

M. Dlamini a qualifié les affirmations de Kobus Marais de « tout simplement erronées ».

« Le gouvernement a pleinement confiance dans les personnes qu’il a choisies pour diriger les forces armées sud-africaines », a-t-il déclaré. « Il est discriminatoire de dire que ces hommes et ces femmes sont de mauvais soldats simplement parce qu’ils ont été membres des forces de libération. Mais je reconnais que la FDSA a besoin de plus de fonds et nous y travaillons. »

« Ce n’est pas parce que nos troupes se sont soumises au M23 qu’elles étaient mal équipées. Personne n’aurait pu prévoir un assaut aussi rapide et aussi bien armé sur Goma. »

Personne, sauf des spécialistes comme Darren Olivier, Helmoed Heitman et l’analyste indépendant en matière de conflits Dean Wingrin.

« Nos troupes ont été mal dirigées sur le terrain et à l’intérieur du pays par les politiciens qui les ont envoyées au péril de leur vie en sachant pertinemment qu’elles n’étaient pas équipées pour la mission », a-t-il déclaré à Epoch Times. « Il n’y avait manifestement aucun plan pour les faire sortir de la RDC si les choses tournaient mal. Si c’était le cas, ils ne seraient pas emprisonnés dans leur base à l’heure actuelle. »

M. Dlamini a déclaré que les négociations avec les chefs du M23 pour obtenir la libération des soldats sud-africains pris au piège se déroulaient bien.

« Nous avons envoyé des renforts et des avions à Lubumbashi [à 1000 kilomètres de Goma] et nous nous y rendrons pour rapatrier nos troupes dès que nous aurons conclu un accord avec le M23 », a-t-il déclaré.

Cette semaine, cependant, les Nations Unies, en collaboration avec les chefs rebelles, sont intervenues pour évacuer plus de 100 soldats sud-africains malades et blessés, dont trois dans un état critique.

« Nos sauveteurs sont prêts à intervenir pour secourir dans peu de temps un autre groupe de nos braves combattants », a affirmé M. Dlamini.

Quoi qu’il arrive, la mission en RDC représente une « humiliation » pour l’Afrique du Sud, a déclaré M. Olivier.

« Si nous voulons fournir des forces à n’importe quel conflit à l’avenir, nous devrons injecter de l’argent et des compétences dans nos forces armées, si nous voulons des capacités de défense de classe mondiale », a-t-il déclaré.

Toutefois, selon M. Wingrin, le contraire serait sur le point de se produire.

« Le budget de la défense pour 2025-2026 s’élève à un peu plus de 50 milliards de rands (2,6 milliards d’euros). Cela représente moins de 0,7 % du PIB. C’est loin d’être suffisant pour permettre à la FDSA d’aller de l’avant. Cela signifie qu’à l’avenir, ses missions seront gravement compromises, tout comme cela s’est produit en RDC », a-t-il déclaré.

Au cours des trois dernières années, la FDSA n’a pas été en mesure de payer les pièces de rechange essentielles, l’entretien, la mise à niveau de l’équipement et les nouvelles armes, a déclaré M. Wingrin.

« Dans ces conditions, il est imprudent de déployer nos troupes où que ce soit », a-t-il déclaré. « Le budget de la marine est en baisse. Le budget de l’armée de l’air est en baisse. Si un pays nous envahit maintenant […] eh bien, n’abordons pas ce sujet, pour l’instant. »

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