L’Azerbaïdjan a lancé mardi une opération militaire au Nagorny Karabakh, trois ans après la précédente guerre, demandant le retrait « total et inconditionnel » de son adversaire arménien de cette région disputée depuis des décennies avec l’Arménie.
La diplomatie arménienne a, elle, dénoncé une « agression à grande échelle » à des fins de « nettoyage ethnique ». Elle a aussi jugé que la Russie, garant d’un cessez-le-feu datant de 2020 avec des forces de la paix sur le terrain, devait « stopper l’agression azerbaïdjanaise ».
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a lui convoqué en urgence son Conseil de sécurité pour faire face à cette crise. Erevan a aussi dit ne pas avoir de troupes au Karabakh, laissant entendre que les forces séparatistes étaient seules face à l’armée azerbaïdjanaise.
Tensions croissantes
Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a annoncé mardi matin le lancement d’« opérations antiterroristes » pour mettre hors d’état de nuire « les positions des forces armées arméniennes », après la mort de six Azerbaïdjanais dans l’explosion de mines sur un chantier routier.
Les tensions vont croissantes depuis des mois autour du Nagorny Karabakh, un territoire sécessionniste d’Azerbaïdjan à majorité arménienne, qui a déjà été au cœur de deux guerres entre Erevan et Bakou, dont la dernière avait duré six semaines il y a trois ans. La diplomatie azerbaïdjanaise a prévenu que « le seul moyen de parvenir à la paix et à la stabilité » était « le retrait inconditionnel et total des forces armées arméniennes » du territoire et « la dissolution du prétendu régime » séparatiste.
Le ministère de la Défense arménien a lui assuré « que l’Arménie n’avait pas d’armée au Nagorny Karabakh », sous-entendant donc que ses alliés séparatistes faisaient face à l’armée adverse. Les séparatistes ont affirmé que la capitale du Nagorny Karabakh, Stepanakert, et d’autres villes étaient ciblées par des « tirs intensifs », accusant l’Azerbaïdjan de mener « une opération militaire de grande envergure ».
Appel de Moscou à « mettre fin à l’effusion de sang »
Bakou a précisé avoir informé la Russie et la Turquie de ses opérations dans l’enclave, assurant ne viser que des « cibles militaires légitimes » et non civiles. Le pays a par ailleurs affirmé mettre en place des « couloirs humanitaires » pour évacuer les civils du Nagorny Karabakh. La Russie, alliée traditionnelle de l’Arménie et puissance régionale, a appelé Bakou et Erevan à « mettre fin à l’effusion de sang ». La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a demandé aux deux parties de respecter les accords en vigueur et d’« éviter les provocations ».
Bakou a justifié cette opération militaire par la mort de quatre policiers et deux civils azerbaïdjanais dans l’explosion de mines sur le site d’un tunnel en construction entre Choucha et Fizouli, deux villes du Nagorny Karabakh sous contrôle de l’Azerbaïdjan. Les services de sécurité azerbaïdjanais ont accusé un groupe de « saboteurs » des séparatistes arméniens d’avoir posé ces mines et commis un acte de « terrorisme ». La diplomatie azerbaïdjanaise a assuré que ces explosions révélaient « le principal objectif de l’Arménie qui est de ne pas retirer ses forces armées du territoire de l’Azerbaïdjan », et poursuivre des opérations militaires et de minage.
Le Nagorny Karabakh, théâtre de deux guerres entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, au début des années 1990 puis à l’automne 2020, est l’une des régions les plus minées d’ex-URSS. Des explosions y font régulièrement des victimes, tout comme des heurts armés. Parallèlement, le ministère azerbaïdjanais de la Défense a accusé mardi l’armée arménienne d’avoir blessé deux militaires azerbaïdjanais lors de tirs de mortier et d’armes légères dans le secteur d’Agdam, au nord-est du Karabakh.
Il a aussi accusé l’armée arménienne d’avoir tiré dans la nuit avec des armes légères vers des positions de l’Azerbaïdjan dans le district de Gadabay, à la frontière entre les deux pays, et les séparatistes arméniens d’avoir visé via des interférences radioélectriques le système GPS d’un avion de ligne azerbaïdjanais.
Une crise humanitaire à des fins d’épuration ethnique
Les tensions avaient pourtant diminué d’un cran lundi avec l’arrivée d’aide humanitaire dans l’enclave, soumise depuis des mois à un blocus azerbaïdjanais qui a provoqué de graves pénuries de nourriture et de médicaments. Erevan accuse Bakou de provoquer à dessein une crise humanitaire à des fins d’épuration ethnique au Nagorny Karabakh en bloquant le corridor de Latchine, seule route reliant l’enclave montagneuse à l’Arménie.
En juillet, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian avait jugé dans un entretien à l’AFP qu’une nouvelle guerre avec l’Azerbaïdjan était « très probable ». Le précédent conflit, en 2020, avait débouché sur une déroute militaire arménienne, Erevan ayant dû céder à Bakou des territoires dans et autour du Nagorny Karabakh. Un cessez-le-feu négocié par la Russie avait été signé, impliquant le déploiement sur place de soldats de la paix russes, mais des échauffourées armées éclataient encore régulièrement à la frontière.
Malgré les efforts de médiation de l’Union européenne, de Washington et de Moscou, les belligérants ne sont jamais parvenus à un accord de paix. L’Arménie a de son côté accusé la Russie, son allié traditionnel, de ne pas en faire assez pour maintenir la paix dans la région. Moscou a rejeté ces accusations, mais le Kremlin reste avant tout préoccupé par son invasion de l’Ukraine.
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