Le Grand Bain de Gilles Lellouche présenté hors compétition au festival de Cannes séduit par son humour bienveillant et son excellent casting qu’il dirige avec brio.
Après Narco et Les infidèles, Gilles Lellouche se lance seul dans une nouvelle comédie – un projet couvé depuis 5 ans.
Le Grand bain est un film sur ceux qui portent le fardeau de la vie avec persistance et courage. Un film sur ceux qui ont vécu sans jamais voir un moment de gloire ou qui l’ont connue juste avant de se voir chuter brutalement. Un hommage aux loosers, aux hommes ni jeunes, ni beaux, ni riches, mais dont la vie de chacun est un poème.
Gilles Lellouche pose un regard bienveillant et dénudé de jugement, voire admiratif sur ses personnages. C’est dans la natation synchronisée masculine que les personnages retrouveront un sens à leur vie, c’est elle qui changera leur quotidien et leur apportera l’estime de soi qui leur fait défaut.
La natation synchronisée masculine est bien mise en contraste avec le waterpolo dont l ‘équipe est constituée de jeunes beaux gosses qui font tomber toutes les belles filles du coin. Mais l’équipe n’a pas peur du ridicule. Car cette activité sportive est plutôt connue comme féminine et du domaine de starlettes hollywoodiennes des années 50.
La vie des personnages se révèle tout au long du film. On apprend à les connaître, un par un, leur parcours, leurs échecs, la fausse histoire qu’ils se racontent pour pouvoir supporter leur vie. Peu à peu on est attendri, on apprend à les aimer, on s’identifie aux personnages.
Bertrand (Mathieu Amalric), est au chômage depuis 2 ans, il passe ses journées sur le canapé et prend des antidépresseurs.
Laurent (Guillaume Canet), le seul qui réussit dans le monde de travail n’arrive pas à avoir de relation avec son entourage qui ne dérive pas vers l’agressivité.
Marcus (Benoît Poelvoorde) ouvre et ferme des entreprises vouées toujours à l’échec, menant une vie de playboy, il vit dans une bulle imaginaire.
Simon (Jean-Hugues Anglade), c’est l’artiste vieillissant, le Rocker, libre qui vit un rêve pathétique en chantant dans des coins paumés de la France profonde, se déplaçant avec sa maison- un camping-car. Il travaille à la cantine de l’école de sa fille, une ado trop lucide ou blasée.
Thierry (Philippe Katherine) est l’employé de la piscine municipale, et peut-être aussi le personnage le plus poétique. C’est le type qui a été coupé dans son élan avant même de commencer la course de sa vie ; celui qui n’a jamais osé, et qui n’a pas vraiment connu une femme.
Et puis bien sûr Basile (Alban Ivanov) et Avanish (Balasingham Thamilchelvan) qui communiquent d’une façon mystérieuse. Ou encore John (Félix Moati) qui tient en apnée le temps de nettoyer une chambre dans une maison de retraite.
Et puis il y a les deux coaches, le contre point féminin, Delphine (Virginie Efira) et Amanda (Leïla Bekhti) qui ont connu la gloire et puis un crash brutal, du genre qui laisse le choix aux survivants entre : rester amer ou devenir alcoolique.
Ensemble cette équipe de sport peu probable et loin d’être sportive retrouvera le moyen de respirer. Ensemble ils apprendront à relever la tête et la sortir hors de l’eau.
C’est au vestiaire, au bord du bain et au sauna qu’ils se parlent et se découvrent, se disputent et se disent leurs quatre vérités, nouent des amitiés et créent des moments chaleureux.
C’est en maillot de bain, ne pouvant plus cacher un corps qui a perdu son tonus que les masques et les barrières tombent pour faire place à l’authentique.
Avec un humour fin ou burlesque Gilles Lellouche n’a pas peur de transgresser le politiquement correct. Il le fait avec grand respect et tendresse. Handicapés, étrangers, vieillards, efféminés ou simples loosers, le genre humain est pareil : ridicule et fragile cherchant l’approbation du regard de l’autre et une pincée de douceur. Chacun a son histoire, sa douleur, un mur infranchissable et un moment de gloire. La poésie se trouve en chacun de nous, nous rappelle Gilles Lellouche, héros inaperçus qu’on côtoie, il suffit juste de les regarder.
Michal Bleibtreu Neeman
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