Le pape François a appelé jeudi à Genève les chrétiens à « l’unité » et à être « proches » de ceux qui sont persécutés au Moyen-Orient, les invitant même à aller « évangéliser » ensemble, à l’occasion d’un voyage éclair passé aux côtés des protestants et des orthodoxes. Le chef des 1,3 milliard de catholiques, plus célèbre porte-voix des chrétiens, avait accepté une invitation du Conseil œcuménique des Églises (COE), institution qui fête ses 70 ans et représente avec 350 églises membres quelque 500 millions de protestants et d’orthodoxes.
« Comme il est difficile de calmer les animosités » et de « sortir des refus réciproques alimentés par des siècles! », a-t-il admis à Genève, terre du théologien et réformateur français Jean Calvin (1509-1564). Il faut « marcher ensemble », a-t-il insisté, lors d’une prière œcuménique à son arrivée. Pour Olav Fykse Tveit, pasteur luthérien norvégien et marié, qui préside le COE, « il n’est pas difficile de trouver des sujets qui divisent toujours les chrétiens », comme des questions sur la sexualité, a-t-il confié à l’AFP. Mais « beaucoup de chrétiens, qu’ils soient catholiques ou non, voient le pape comme une voix forte qui exprime ce que nous voulons dire ».
Le rapprochement entre chrétiens est inscrit dans les préoccupations de l’Église catholique depuis seulement une soixantaine d’années et son concile Vatican II (1962-1965), qui avait appelé au respect mutuel entre religions et renoncé à proclamer l’Église catholique comme seule détentrice de la façon de vivre le christianisme. Une goutte d’eau dans une histoire bi-millénaire marquée par des schismes, de sanglantes guerres de religions en Europe et des haines tenaces.
Les rapports désormais plus apaisés avec les orthodoxes et les protestants s’inscrivent dans le contexte d’une déchristianisation galopante en Europe ainsi que des persécutions ou attaques terroristes à l’encontre des chrétiens. Le pape François emploie régulièrement l’expression « œcuménisme du sang », en déplorant ces assassinats, sans faire de distinction entre catholiques, orthodoxes ou protestants.
« Regardons nos frères et sœurs qui dans différentes parties du monde, spécialement au Moyen-Orient, souffrent parce qu’ils sont chrétiens. Soyons proches d’eux », a-t-il encore rappelé à Genève, lors d’une rencontre avec des membres du COE. L’Église catholique-romaine ne souhaite pas être adhérente du COE, qui représente des églises ne reconnaissant pas la primauté du pape et aux visions doctrinales très différentes.
Elle a néanmoins entamé avec l’organisation une collaboration depuis une cinquantaine d’années, mélange de projets concrets sur la paix et de discussions théologiques. Le pape a ainsi salué jeudi des délégations chrétiennes des deux Corées, venues pour le 70e anniversaire du COE. Jorge Bergoglio a néanmoins prévenu jeudi que les actions communes des chrétiens ne devaient pas se réduire à celles d’une simple « organisation non gouvernementale ».
« Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est un nouvel élan évangélisateur », a-t-il même préconisé, s’engageant sur un terrain délicat dans le contexte de l’histoire conquérante des religions, notamment du catholicisme. Le pape s’est dit « préoccupé » par la réticence de la plupart des chrétiens à adopter un discours évangélique, à aller en « mission ». L’idée n’est pas de faire directement du prosélytisme, mais de présenter un visage « attractif » des enseignements de l’Église, a-t-il formulé.
Pour susciter un tel engouement, les chrétiens doivent notamment rompre avec « l’indifférence » et répondre au cri des « faibles, toujours davantage mis à l’écart, sans pain, sans travail ni avenir, tandis que les riches sont toujours moins nombreux et toujours plus riches », a plaidé François. Le souverain pontife a terminé sa journée par un bain de foule, joyeusement acclamé dans le gigantesque centre d’exposition de Genève par 41.000 catholiques majoritairement francophones, dont des frontaliers français. Sur environ huit millions d’habitants de la Suisse, 41% se disent catholiques et un quart protestants.
« Nous prions en langue chrétienne! » leur a-t-il lancé durant une messe célébrée en français et latin. L’occasion pour le pape de mettre en garde les fidèles hyper-connectés. « On vit du matin au soir, parmi mille appels et messages, incapables de s’arrêter devant les visages », a-t-il regretté, vantant les relations « personnelles » et non « virtuelles ». Clin d’œil à la Suisse, le pape avait été accueilli à sa descente d’avion par deux anciens gardes suisses, les stoïques soldats du pape qui jurent de se sacrifier si besoin est pour leur souverain pontife.
DC avec AFP
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