Le pari risqué des sans-abri de Las Vegas, cachés dans les tunnels de la ville

Par Brad Jones
13 janvier 2025 00:28 Mis à jour: 13 janvier 2025 21:23

LAS VEGAS – Sous les paillettes et le glamour du Strip de Las Vegas, des centaines de sans-abri vivent cachés dans la saleté et la misère d’un réseau de tunnels s’étendant sur quelques 800 kilomètres.

Souvent appelés « taupes humaines » ou « gens des tunnels », ils ont fait le choix de vivre sous terre, espèrent y trouver protection et notamment échapper au soleil mortel du désert. Ils ne constituent qu’une fraction des milliers de sans-abri présents dans le sud du Nevada.

Les températures estivales dans cette région peuvent dépasser les 50 °C, tandis que les hivers voient souvent le mercure chuter en dessous de zéro. Les tunnels offrent une ombre bienvenue et une protection contre le vent, mais ces abris de fortune sont sombres et dangereux. Ils sont exposés aux inondations et sont souvent le théâtre de consommation de drogues, de crimes violents et de propagation de maladies.

Par une matinée ensoleillée de la mi-novembre, Louis Lacey, directeur de HELP, une organisation d’aide aux sans-abri, prépare ses équipes à entrer en contact avec les résidents de plusieurs campements connus dans la ville. Ce matin-là, plus de 800 personnes – dont près de la moitié sont des jeunes – se sont réveillées dans un lit fourni par le programme HELP, toutes accompagnées par un travailleur social dédié.

HELP, fondée il y a plus de 50 ans, est l’une des plus grandes agences de services sociaux de l’État. Louis Lacey lui-même a traversé une période de grande difficulté. Ancien musicien devenu toxicomane, il a connu l’expérience du sans-abrisme à Los Angeles et à Las Vegas avant de vaincre sa dépendance, qui avait duré plusieurs décennies.

C’est dans un centre de désintoxication qu’il a retrouvé la foi en Dieu, qu’il avait connue durant son enfance. Sobre depuis le 1er janvier 1997, il a suivi un programme en 12 étapes dans ce centre, où il a ensuite travaillé avant de poursuivre ses études et de devenir directeur local de HELP.

« Je travaille dans ce domaine depuis plus de 25 ans », explique-t-il.

Louis Lacey a rejoint HELP il y a 17 ans et a passé plus d’une décennie au sein des équipes de sensibilisation. Il se souvient encore de son premier jour de travail, lorsqu’il a dû rentrer dans un tunnel. Aujourd’hui, selon lui, entre 1000 et 1500 sans-abri – la plus forte concentration de la ville – vivent dans les tunnels. Certains rapports estiment cependant que ce chiffre pourrait être deux fois plus élevé.

Le recensement annuel des sans-abri du comté de Clark montre une tendance alarmante : en 2024, le nombre de sans-abri a atteint son plus haut niveau depuis 13 ans. On observe une hausse notable parmi les personnes noires, les familles avec enfants et une augmentation des cas de sans-abrisme chronique. Le recensement, effectué le 25 janvier de l’année dernière, a identifié 7906 sans-abri, soit une augmentation de 20 % par rapport aux 6566 dénombrés l’année précédente.

image-5767513
Louis Lacey Jr, directeur de HELP of Southern Nevada, prend un appel téléphonique alors qu’il travaille sur le terrain à Las Vegas, le 14 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Les gangers des tunnels

Nous sommes le 14 novembre, et notre équipe se tient à l’entrée d’un tunnel situé à l’angle des rues Albert et Palos Verdes. Une grande bâche recouvre l’ouverture où l’égout pluvial se déverse dans le Flamingo Wash, qui fait partie du système de drainage menant au lac Mead.

Louis Lacey connaît bien ce tunnel de 5 km, qui débouche sur le Strip, juste sous l’hôtel et le casino Caesars Palace.

Deux hommes sortent du tunnel et nous demandent de reculer. Un pied de biche a été posé de façon à être menaçant.

Les équipes de sensibilisation ont été exposées à la violence par le passé, et HELP ne prend aucun risque avec la vie et la sécurité des équipes.

« Il y a des tunnels dans lesquels nous n’allons pas parce que nous avons été menacés », explique Louis Lacey. « Il suffit qu’ils nous le demandent et nous quittons le tunnel. »

Il y a environ un mois, un homme armé d’une machette a attaqué plusieurs sans-abri vivant dans l’un des tunnels, rapporte Louis Lacey. La police a arrêté un suspect.

« Nous avons dû mettre un terme à notre intervention dans ce système de tunnels », a-t-il déclaré. « Nous avons dû travailler avec les détectives jusqu’à ce qu’ils retrouvent le suspect, puis nous avons pu retourner dans le tunnel. »

image-5767505
L’entrée d’un tunnel d’égouts menant au Strip de Las Vegas, photographiée le 14 novembre 2024, est devenue un refuge pour de nombreux sans-abri. (John Fredricks/Epoch Times)

L’une des victimes d’une récente attaque à la machette et son frère ont été secourus dans l’un de ces tunnels et sont actuellement en train de régulariser leur situation pour obtenir un logement, a précisé Louis Lacey.

Tous les tunnels ne présentent pas le même niveau de danger, celui-ci dépendant souvent des personnes qui y habitent.

« Nous entrons régulièrement dans ces tunnels pour travailler avec les gens qui y vivent, donc ce n’est pas comme si tous ces habitants étaient mauvais », explique-t-il.

En général, les résidents des tunnels sont plus endurcis que ceux vivant dans des campements à la surface. Leur principale demande est qu’on les laisse en paix.

« Ils sont profondément enfouis sous terre », ajoute-t-il. « Nous sommes déjà allés jusqu’à un ou deux kilomètres à l’intérieur. Certains vivent là avec des meubles, des objets ménagers, tout un semblant de vie. »

L’association HELP collabore également avec « Shine A Light » (Amener la lumière), une autre organisation à but non lucratif dédiée aux habitants des tunnels, ainsi qu’avec une unité spéciale de la police métropolitaine de Las Vegas appelée HOT (Homeless Outreach Team, ou Équipe de sensibilisation aux sans-abri).

« Cette unité de police travaille en étroite collaboration avec nous et d’autres équipes de terrain », explique Louis Lacey. « Avec Shine A Light, nous sommes les seuls responsables des tunnels. Personne d’autre n’y va. »

Malgré leur équipement – lampes de poche, casques et gants – les incursions dans les tunnels restent risquées.

Ces lieux sont souvent humides et glissants, avec des tuyaux bas de plafond, et la qualité de l’air y est parfois douteuse. Rats, chiens, chats et autres animaux circulent parmi les meubles, les vélos et divers débris. Les secouristes eux-mêmes ne sont pas à l’abri : certains ont glissé, chuté ou ont été accidentellement piqués par des aiguilles usagées abandonnées sur place. Ces incidents les contraignent à se rendre à l’hôpital pour des traitements post-exposition, explique Louis Lacey.

image-5767507
Un pied de biche, utilisé comme arme de défense, repose à l’entrée d’un tunnel d’égouts abritant de nombreux sans-abri à Las Vegas, le 14 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Inondations soudaines : un danger mortel

L’organisation HELP a installé des affiches pour avertir les sans-abri des dangers liés aux tunnels d’égouts et aux drains. Ces lieux, bien que refuges pour certains, peuvent devenir mortels en cas de crue soudaine.

« Vegas est une ville de jeu, et comme tout le reste ici, vivre sous terre, c’est jouer avec le risque », explique Louis Lacey, directeur de l’équipe d’intervention auprès des sans-abri.

Les enjeux, cependant, dépassent largement les questions d’argent.

Dans le désert de Mojave, les crues soudaines sont fréquentes et imprévisibles, transformant en un instant les tunnels secs en torrents dévastateurs. Parfois, il ne pleut pas à Las Vegas mais à cause des eaux de ruissellement provenant des montagnes voisines ou des bassins de rétention les tunnels peuvent être submergés sans avertissement.

Le danger ne vient pas seulement de l’eau elle-même, mais aussi des débris qui flottent.

« Ce n’est pas l’eau qui vous tue en premier lieu. Ce qui vous tue, ce sont les pièces de vélo, les canapés, les chariots de supermarché, les lits et les cadres de lit », explique Louis Lacey. « Ces objets vous mettent à terre, et une fois que vous êtes au sol, il est impossible de vous relever. Vous vous noyez. »

Une infrastructure en constante évolution

La construction de ces collecteurs d’eaux pluviales, tunnels et drains, a commencé dans les années 1980, afin de prévenir les inondations catastrophiques qui transformaient les rues de Las Vegas en véritables rivières.

« À la fin des années 70, plusieurs tempêtes gigantesques ont provoqué des inondations si puissantes que des voitures ont été emportées sur le Strip, et l’eau arrivaient jusque dans les casinos », se souvient Louis Lacey.

Aujourd’hui, ces collecteurs d’eaux pluviales ont permis de mieux contrôler les inondations dans les rues. Mais ces infrastructures servent également de refuge à de nombreuses personnes cherchant à échapper aux regards indiscrets ou aux forces de l’ordre.

image-5767503
Des sans-abri dans les rues de Las Vegas, le 11 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Protocoles en cas de pluie et de chaleur extrême

Lorsque des pluies sont annoncées, HELP et ses équipes de sensibilisation interviennent dans les égouts et les drains conçus pour gérer les eaux de pluie en cas de tempêtes. Ils y installent des affiches avertissant les sans-abri des conditions météorologiques et leur conseillant de rester à l’écart des tunnels.

L’une des affiches porte l’inscription : « Stay Out! Stay Alive » (Éloignez-vous ! Restez en vie) et indique les lieux sûrs où les gens peuvent se réfugier.

En règle générale, la plupart des sans-abri parviennent à quitter les tunnels à temps, mais il arrive que des individus, ou leurs animaux de compagnie, soient emportés par les eaux, raconte Louis Lacey.

« C’est toujours déchirant », confie-t-il.

Lutter contre la chaleur estivale

Le protocole de lutte contre la chaleur extrême est activé lorsque les températures dépassent les 40 °C. Les équipes de HELP parcourent alors les rues et visitent les campements pour inviter les sans-abri à se rendre dans des bâtiments publics climatisés, tels que les centres de loisirs ou les bibliothèques publiques.

Les équipes apportent avec elles des bouteilles d’eau glacée, de la crème contre les brûlures et de la crème solaire. En cas de besoin, elles transportent les personnes en détresse vers les hôpitaux ou font appel aux services d’urgence.

« Cette année, nous avons frôlé les 50 °C à l’aéroport. Mais dans les rues, la température était encore plus élevée, atteignant parfois 55 °C et au-delà », explique Louis Lacey.

Il raconte également l’histoire d’une femme qui, sous l’effet de la chaleur, s’est évanouie et a subi des brûlures dues au soleil et à la chaussée brûlante.

« Quand nous l’avons sortie de la rue, elle avait des brûlures au troisième degré sur les jambes, ce qui a nécessité l’amputation de sa jambe en dessous du genou. Cela arrive », ajoute-t-il. « Ici, les gens meurent tout le temps de la chaleur. C’est un problème supplémentaire auquel nous devons faire face. »

image-5767510
Un sans-abri se repose sous un pont à Las Vegas, le 14 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Constructions sociales au sein des camps

Chaque campement, qu’il soit souterrain ou en surface, surtout les plus grands, évolue selon une dynamique propre, ressemblant à un microcosme de la société dominante, avec sa propre organisation sociale, explique-t-il.

« Les campements sont organisés, et au fil du temps, les rôles deviennent de plus en plus définis : il y a ceux qui occupent des positions de pouvoir, comme le maire, le porte-parole ou les leaders du camp », déclare-t-il. « Certaines personnes sont responsables de la collecte des ressources. Elles rapportent du cuivre, des pièces de vélo, de l’eau, de la nourriture, tout ce qui peut être nécessaire. »

Il y a aussi ce qu’on appelle les « mères de camp », les figures maternelles, nourrissantes et pacificatrices, ajoute Louis Lacey.

Les camps possèdent également leur propre système de justice.

« Le vol n’est pas toléré », précise-t-il. « On ne vole pas au sein du camp. »

Certaines personnes ont même vu leurs biens brûlés pour avoir enfreint les règles ou volé d’autres membres du camp.

Pourtant, ces règles ne s’appliquent plus une fois sorti du campement. Le vol à l’étalage est un moyen courant de se faire de l’argent pour s’acheter de l’alcool ou des drogues, rapporte Louis Lacey.

Mais à la différence de certains États comme la Californie, où le vol à l’étalage est presque devenu une activité banale, le Nevada applique strictement la loi.

« Vous serez arrêté et envoyé en prison », avertit Louis Lacey. « C’est devenu nécessaire, car la situation était incontrôlable. »

image-5767516

image-5767515
(En haut) Des équipes de sensibilisation recherchent des sans-abri dans les tunnels de Las Vegas, (En bas) Déchets et débris à l’intérieur d’un collecteur d’eaux pluviales où vivent des sans-abri à Las Vegas. (Crédit photos : HELP of Southern Nevada)

Ordonnance sur les campements dangereux

Le 5 novembre, le conseil d’administration du comté de Clark a approuvé une nouvelle ordonnance concernant les campements dangereux, visant à retirer les sans-abri des tunnels pour les placer dans des centres d’hébergement. Cette loi, qui devrait entrer en vigueur le 1er février 2025, prévoit, pour les sans-abri qui refusent un abri ou des services, ou qui refusent de quitter un campement, une amende allant jusqu’à 1000 dollars ou une peine d’emprisonnement de dix jours.

L’ordonnance stipule que les sans-abri doivent être informés de l’emplacement des refuges et des services sociaux avant que la police puisse les arrêter. En vertu de cette loi, ils ne peuvent être appréhendés s’il n’y a pas de services disponibles.

Malgré cette nouvelle législation, le travail de Louis Lacey et des équipes de HELP reste inchangé.

« Nos équipes sont formées pour rencontrer chaque individu à son niveau et l’aider à surmonter les obstacles qui le maintiennent dans la rue. Que l’interdiction de camper soit appliquée ou non, cela n’affecte pas vraiment notre travail », a-t-il déclaré. « Notre objectif demeure le même : sortir ces personnes de la rue et les aider à accéder à un logement. »

Les sans-abri font souvent face à des problèmes de santé mentale, de toxicomanie, ainsi qu’à des difficultés médicales, juridiques ou financières. Nombre d’entre eux n’ont pas de papiers d’identité. Cependant, HELP continue de les soutenir tout au long du processus, indique Louis Lacey.

« Je ne sais pas dans quelle mesure cette interdiction de camper sera efficace ni comment elle sera appliquée, car de telles interdictions ont déjà été instaurées par le passé », confie-t-il. « Ce n’est pas comme s’il y avait une déportation massive des sans-abri vers les prisons. »

HELP préfère une approche plus humaine et moins punitive à l’égard des sans-abri, ajoute-il.

image-5767511
Des membres de HELP of Southern Nevada fournissent de l’aide et des informations aux sans-abri à Las Vegas le 14 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Combien de sans-abri ?

Ces dernières années, les États-Unis ont connu un nombre record de sans-abri. En janvier 2023, lors d’une seule nuit, 653.104 personnes étaient sans abri, soit une augmentation de 12,1 % par rapport à 2022, selon la National Alliance to End Homelessness, une organisation à but non lucratif fondée en 1983.

Le dernier recensement mis à jour en septembre a révélé qu’il y avait 75.312 sans-abri dans la région du Grand Los Angeles, dont 45.252 dans la ville de Los Angeles.

Bien que HELP reçoive des dons privés, son financement provient en grande partie de subventions, indique Louis Lacey.

« C’est en quelque sorte un organisme gouvernemental », a-t-il précisé.

HELP dispose de six équipes de sensibilisation composées de 30 employés à temps plein.

« Nous intervenons dans les tunnels, les drains, les bâtiments et maisons abandonnés, les parcs, le désert, et même dans les terrains vagues », explique Louis Lacey. « Nous allons partout où des personnes vivent dans des endroits non destinés à l’habitation humaine. En fait, nous emportons l’intégralité de nos services sociaux dans nos sacs à dos et partons à la rencontre des personnes qui, en temps normal, ne recevraient pas d’aide. »

Les travailleurs sociaux transportent également de la naloxone, plus connue sous le nom de Narcan, un médicament qui peut prévenir les décès par overdose d’opioïdes.

Le fentanyl, un opioïde synthétique extrêmement puissant et dangereux, a aggravé la crise du sans-abrisme, forçant certaines personnes à rester dans la rue et compliquant davantage une situation déjà très difficile, dit-il.

Les effets dévastateurs du fentanyl et la rapidité avec laquelle certaines personnes sombrent dans la dépendance sont alarmants, a-t-il ajouté.

« Ce produit crée une dépendance très forte. Les symptômes de sevrage sont horribles », dit-il. « Nous avons un besoin urgent de plus de personnel sur le terrain et de ressources supplémentaires pour traiter la toxicomanie afin de faire face à cette crise. »

image-5767506
Des sans-abri font la queue dans certaines rues de Las Vegas le 11 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

HELP aide les sans-abri à faire des demandes de logement et accéder aux services auxquels ils ont droit.

« Je suis particulièrement attaché à cet aspect, car lorsque j’étais moi-même sans-abri, je peinais à comprendre les systèmes », a-t-il confié.

L’agence a récemment travaillé avec une femme d’une quarantaine ou cinquantaine d’années qui, en raison d’un mandat d’arrêt, ne remplissait pas les conditions nécessaires pour obtenir un logement. Elle vivait sur une piste cyclable au bord d’une rivière avec deux chiens et un chat, selon Louis Lacey, qui se souvient que l’endroit était surpeuplé et dégageait une forte odeur de nourriture en décomposition.

« Il faisait une chaleur étouffante quand nous sommes arrivés, et elle versait de l’eau sur ses animaux pour les garder en vie », dit-il. « Elle était à bout, elle s’est effondrée. »

Elle avait des cloques sur la peau et était au bout du rouleau. « Je n’en peux plus », disait-elle.

HELP s’est occupé de son dossier, lui a obtenu une date d’audience et l’ont accompagnée au tribunal environ une semaine plus tard. Mais lors de l’audience, elle a été placée sous mandat d’arrêt pour ne pas s’être présentée à une précédente convocation et risquait une peine de prison.

Le juge a eu pitié d’elle et l’a condamnée à travailler avec HELP et a donné un mois à l’agence pour l’aider à obtenir ses papiers d’identité et lui trouver un logement. Lorsqu’elle est revenue au tribunal 30 jours plus tard, le juge a prononcé un non-lieu.

« Ce geste était vraiment généreux […]. La police et le juge ont fait preuve de compassion », a ajouté Louis Lacey. « Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on ne sort pas du sans-abrisme par l’arrestation, et on ne peut pas emprisonner tous les sans-abri. Le système n’a donc pas échoué cette fois-ci. »

image-5767504
Un sans-abri dort dans la rue à Las Vegas, le 11 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Contribuer à l’amélioration de la situation

Jaqualyne Peeples, une travailleuse de proximité qui était sur place pour distribuer de l’eau et offrir des services aux personnes dans les campements en novembre, a confié à Epoch Times qu’elle-même avait été sans-abri avant de rejoindre l’équipe de proximité HELP. Elle avait sombré dans la rue en raison de violences domestiques, de problèmes de santé mentale et d’abus de substances psychoactives.

« J’ai vécu dans la rue pendant trois ans, commettant des délits, me droguant, sans me soucier de qui que ce soit, y compris de moi-même », a-t-elle déclaré.

Les travailleurs sociaux ont tenté de l’aider, mais sans succès au début.

« Il leur a fallu trois ans, mais j’ai fini par accepter les services », a-t-elle expliqué. « J’ai suivi un traitement pendant neuf mois parce que j’étais un véritable cauchemar. J’avais subi de nombreux traumatismes. »

À 38 ans, elle est sortie de la rue il y a environ quatre ans, s’est désintoxiquée et a fini par retrouver son enfant.

« J’ai récupéré mon bébé », dit-elle. « J’en ai la garde complète. »

Elle reconnaît avoir été particulièrement inspirée par une travailleuse de proximité qui partait régulièrement à sa recherche et voulait lui offrir son aide.

« Il y avait quelque chose en elle », dit-elle. « Je voulais être sur le terrain, comme elle, pour faire avancer les choses. »

Jaqualyne souhaitait ardemment aider d’autres sans-abri, mais elle savait qu’elle allait devoir prouver qu’elle pouvait rester abstinente et qu’il lui fallait acquérir davantage d’expérience auprès d’autres toxicomanes en voie de guérison.

« J’ai donc travaillé dans un centre de traitement de la toxicomanie, mais je continuais à envoyer ma candidature à HELP lorsqu’ils avaient des postes à pourvoir, et ils ont fini par m’embaucher », se réjouit-elle.

image-5767512
Abdul, membre de l’équipe HELP of Southern Nevada, fournit de l’aide et des informations aux sans-abri à Las Vegas, le 14 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Les sans-abri

Un jour, Louis Lacey a aidé un ancien soldat qui vivait dans les tunnels et dont les plaies ouvertes étaient si gravement infectées que des mouches grouillaient autour de ses pieds. L’équipe HELP l’a trouvé près d’un drain et l’a emmené à la clinique du ministère des Anciens Combattants, située à moins d’un kilomètre. Il a ensuite été placé dans un programme de l’Armée du Salut qui fournit des logements aux anciens combattants.

Sandra Esparza, responsable des relations publiques pour HELP, qui a accompagné Louis Lacey et ses équipes de sensibilisation lors de l’expédition de novembre, a déclaré à Epoch Times que les paroles de ce dernier à l’égard du vétéran l’ont émue aux larmes :

« Vous avez été à notre service. Maintenant, laissez-nous vous servir, » rapporte-t-elle en citant les propos de Louis Lacey. « Ces mots ne quitteront jamais ma tête. »

Selon Louis Lacey, les États-Unis n’ont pas tenu leurs promesses envers les anciens combattants.

« Nous avons conclu un marché, et ce marché disait que vous feriez toutes ces choses terribles pour que nous puissions avoir une bonne vie, et qu’en retour, nous prendrions soin de vous », a-t-il déclaré. « Eh bien, nous n’avons pas respecté cet accord, et ce n’est acceptable en aucune circonstance. »

Une femme sans-abri vivant dans un camp, qui a parlé à Epoch Times sous couvert d’anonymat, a déclaré qu’elle avait quitté son mari en raison de problèmes avec sa famille et qu’elle n’avait nulle part où aller.

HELP a fourni à cette femme, qui utilisait l’eau de l’égout pluvial pour laver ses vêtements, un T-shirt propre et de l’eau potable.

Plusieurs pitbulls gardaient un autre campement, où des sans-abri, principalement hispanophones, vivaient sur les rives d’un ruisseau. Un homme préparait son petit-déjeuner sur un feu lorsque les équipes de sensibilisation sont arrivées, tandis qu’un autre avait décoré sa tente avec des ornements de Noël.

Carlos

Carlos, un immigré mexicain de 56 ans vivant sous une bâche dans l’un des tunnels, raconte qu’il a travaillé pendant 16 ans dans un casino à Henderson, au Nevada, avant que celui-ci ne ferme. Depuis, il travaille à temps partiel dans une station de lavage de voitures pour 20 à 40 dollars par jour en liquide, mais il n’a pas réussi à trouver un emploi stable.

« Je n’ai pas de travail et je n’ai pas d’argent pour me loger », a-t-il déclaré.

Il a également confié qu’il recherchait ses deux filles, qu’il dit avoir perdues de vue. Il a précisé s’être rendu au commissariat pour faire une déclaration.

« Je veux des réponses », a-t-il déclaré.

image-5767509
« Carlos », un sans-abri, dans un tunnel d’égout où il dort parfois à Las Vegas, le 14 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Kimberly

Assise dans sa tente sur un terrain vague avec son chien et deux vieilles guitares abîmées, Kimberly, une sans-abri de 52 ans, pleure en racontant à l’équipe d’intervention que son mari a été assassiné lors d’un braquage il y a environ un an.

Elle explique que son mari et elle ont vécu dans un motel pendant environ deux ans, mais les propriétaires ont décidé de vendre l’établissement et ont donné un préavis de 30 jours à tous les résidents.

« C’est comme ça que nous nous sommes retrouvés à la rue. Nous avons essayer d’économiser de l’argent pour trouver un logement. C’est terrible. Il me manque », dit-elle.

Kimberly raconte que son mari a été tué pour 100 dollars après avoir retiré de l’argent à un distributeur automatique.

« Il est allé chercher de l’argent au 7-Eleven en haut de la rue. Ce type l’a suivi. Je suppose qu’il pensait qu’il avait beaucoup d’argent », explique-t-elle. « Il a fini par le frapper à l’arrière de la tête avec un nunchaku, et ils n’ont pas réussi à arrêter l’hémorragie. »

Kimberly collabore avec HELP pour entamer le processus d’évaluation du logement, mais elle refuse de se rendre dans un refuge car elle ne peut pas y emmener sa chienne, Selena.

« J’avais droit à la sécurité sociale, mais il y a eu des problèmes », dit-elle. « Je dois y aller en personne et refaire les démarches, mais c’est difficile en été. C’est compliqué de marcher avec elle. Elle a trop chaud », explique Kimberly en désignant Selena, un terrier Jack Russell qui dort à l’arrière de la tente.

« Je déteste l’été. Je suis tellement contente quand l’hiver arrive, même si la nuit, il fait trop froid. »

Originaire du Nouveau-Mexique, Kimberly affirme qu’elle vit à Las Vegas depuis environ 16 ans et qu’elle est sans-abri depuis environ six ans. Elle n’a pas de famille à Las Vegas, mais elle espère un jour retrouver ses cinq enfants adolescents, qui vivent en Californie.

image-5767502
Kimberly se repose dans sa tente parmi des dizaines de sans-abri à Las Vegas, le 14 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

Animaux de compagnie et biens personnels

Deux des principales raisons pour lesquelles certains sans-abri évitent les refuges sont l’interdiction d’y amener leurs animaux de compagnie et les restrictions sur la quantité d’effets personnels qu’ils peuvent apporter, explique Sandra Esparza.

De nombreux sans-abri, notamment les femmes, possèdent des chiens qui leur offrent une protection et auxquels ils sont profondément attachés. Certains transportent leurs biens les plus précieux sur leur dos, tandis que d’autres tirent des caddies remplis de « tout ce qu’ils possèdent », précise Sandra Esparza.

Lors d’opérations de démantèlement ou de nettoyage de campements, il arrive que des sans-abri soient dévastés par la perte d’un objet qui peut sembler insignifiant, mais qui a une immense valeur sentimentale, explique Louis Lacey.

« Pour tout le monde, ce n’est qu’un simple gribouillage, mais pour la personne qui le possède, cela peut être le dernier souvenir qu’elle a de son enfant, et elle s’y accroche », dit-il. « Vous êtes un être humain dans une situation déshumanisante. Vous vous attachez à toute parcelle de normalité ou à tout ce qui peut vous rappeler une époque meilleure, et ces objets deviennent extrêmement importants. »

Bien que les refuges disposent d’une capacité limitée pour accueillir les animaux et les biens personnels, les structures d’hébergement de Las Vegas s’efforcent de surmonter ces obstacles, indique Louis Lacey.

image-5767508
Des sans-abri dans le rues de Las Vegas le 11 novembre 2024. (John Fredricks/Epoch Times)

« Ambassadeur de Kwan »

Bien que le travail de Louis Lacey soit éprouvant et souvent déchirant, il s’accompagne de la satisfaction d’aider les gens à retrouver leur dignité.

« Nous voulons que chaque personne avec laquelle nous travaillons nous voie comme son “ambassadeur de Kwan” », explique-t-il, en faisant référence à une réplique du film Jerry Maguire. Dans ce film, le joueur de football Rod Tidwell (interprété par Cuba Gooding Jr.) qualifie son agent, Jerry Maguire (Tom Cruise), d’« ambassadeur de Kwan » pour avoir su se battre pour lui et obtenir le contrat qu’il désirait tant.

« Chaque fois que nous célébrons une petite victoire, nous devenons leur “ambassadeur de Kwan” », poursuit Louis Lacey. « Nous leur apportons respect, dignité, amour et attention. »

Pour suivre l’évolution de chaque personne et s’assurer qu’elle est toujours logée, HELP utilise un système d’information sur la gestion des sans-abri.

Louis Lacey partage une réussite récente : une femme, qui vivait dans un bâtiment abandonné avec ses chiens, a pu être sauvée grâce à leur intervention. Elle a même pris contact pour exprimer sa reconnaissance.

« Nous l’avons logée, et elle nous a appelés hier », raconte-t-il. « Elle a trouvé un emploi. »

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.