Les résultats du second tour plongent le pays dans l’inconnu, aucun camp n’ayant de majorité et l’hémicycle étant divisé en trois blocs « presque » irréconciliables. Pour sortir du blocage institutionnel, on nous répète qu’il faut prendre du temps, le temps des tractations et des arrangements, pour former une coalition parlementaire capable de passer des lois, notamment celle du budget.
Pendant ce ‘temps’, le Premier ministre Gabriel Attal a obtenu un sursis à Matignon en attendant la nomination de son successeur et « afin d’assurer la stabilité du pays ». Le Premier ministre s’est dit prêt à être maintenu « aussi longtemps que le devoir l’exigera » notamment dans le contexte des Jeux olympiques à venir.
Des coalitions des plus baroques sont envisagées, sociale-communiste, libérale-communiste, progressive-conservatrice, etc. Des alliances des contraires qui, si elles ont pu former un « front républicain » contre le RN pendant les élections, sont incapables de proposer une majorité claire pour gouverner le pays.
Le Nouveau Front populaire peut-il gouverner ?
Arrivés en tête avec plus de 190 sièges grâce aux alliances avec la majorité présidentielle, mais très loin de la majorité absolue requise (289), les partis de gauche veulent pousser leur avantage pour proposer un nom pour Matignon, si possible « dans la semaine », selon le patron du PS Olivier Faure.
Le plus dur reste cependant à faire, le NFP a entamé de difficiles tractations en son sein, notamment autour de la figure du Premier ministre. Le premier écueil sur lequel le Nouveau Front populaire risque de se déchirer est celui de l’incarnation. Qui pourrait être désigné Premier ministre, si la gauche est en capacité de gouverner ?
Les Insoumis persistent dans l’idée que c’est au groupe majoritaire, c’est-à-dire le leur, de proposer un nom. Les autres penchent pour une décision collective des députés de l’alliance, Jean-Luc Mélenchon étant devenu une figure trop clivante, même au sein d’une partie de la gauche. Olivier Faure a précisé qu’ « il y a des profils qui s’imposent plus que d’autres » pour « apaiser ce pays ».
Dimanche soir, toutes les formations de gauche ont répété que seul le programme de rupture du NFP pourra servir de base au nouveau gouvernement, occultant que c’est grâce à des alliances locales avec le parti présidentiel Ensemble et une partie des LR qu’ils ont pu atteindre un tel résultat. Malgré cela, le NFP revendique une victoire et exige l’abrogation de la réforme des retraites et de la réforme de l’assurance chômage, mais aussi des mesures sur le pouvoir d’achat, comme le blocage sur les prix à la consommation et un Smic à 1.600 euros net – des mesures dispendieuses dans un contexte de rigueur budgétaire qui ne sont, pour l’instant, pas prises au sérieux.
Face à la main tendue par certains dans le camp présidentiel pour former une coalition avec la frange la plus modérée de la gauche, Olivier Faure a semblé écarter l’hypothèse en dénonçant « une forme de tête-à-queue électoral » et des « arrangements de couloirs ». « Comment voulez-vous que les Français comprennent que d’un seul coup nous nous retrouvions ensemble pour gouverner à l’exclusion d’une partie de ceux qui ont fait campagne avec nous? », a-t-il demandé.
Le « doux rêve » d’une coalition centrale vers la gauche
À gauche et chez les macronistes, chacun essaie de rallier à lui les électrons libres : élus d’outre-mer ou anciens membre du groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), frondeurs de la France insoumise ou députés LR réélus sans adversaire macroniste. Les groupes « sont tous en train de se compter », pour « apparaître comme le plus important de l’Assemblée », de manière à pouvoir « prétendre aux responsabilités ».
Au sein du camp présidentiel, certains projettent l’idée de doubler numériquement le NFP, afin de pouvoir prétendre garder la main sur Matignon. « C’est le président de la République qui veut cela […] Une des stratégies est effectivement que le bloc central soit plus gros. Pour qu’ensuite le Premier ministre soit issu de ses rangs », confirme un cadre de la majorité.
Une large coalition partant du centre gauche jusqu’à la droite est un « doux rêve », a affirmé de son côté le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau. « Est-ce que vous me voyez franchement gouverner avec François Hollande ? » a-t-il interrogé. « On est d’accord sur rien », a-t-il poursuivi, évoquant les impôts, les charges ou encore l’immigration. Avec un Sénat penchant à droite, il faudra en effet une Assemblée qui pourra travailler avec et proposer des lignes d’accord, sans pour cela devoir passer une nouvelle fois par l’usage de 49-3.
David Habib (ex-PS) cherche quant à lui à mettre sur pied un groupe social-démocrate, avec le renfort du député Renaissance Sacha Houlié, figure de l’aile gauche de la macronie qui pourrait prendre du champ en emmenant avec lui d’autres députés Renaissance.
Des députés de Liot, groupe menacé de dislocation après la défaite de son ancien président Bertrand Pancher, et d’autres élus de Territoires de Progrès, le parti créé par l’ancien ministre Olivier Dussopt, pourraient se joindre à l’initiative, selon des sources concordantes.
L’hypothèse d’une alliance centrale vers la droite
Un autre parlementaire imagine les macronistes passer devant le NFP grâce à l’apport d’élus venus de la droite, du moins ceux qui ne se placeront pas dans le sillage de Laurent Wauquiez, élu nouvellement député et qui devrait vouloir tracer sa route pour 2027.
« Rien qu’avec les divers droite hors Wauquiez, ça nous permet de passer devant le NFP. Pour avoir la légitimité de revendiquer Matignon. Et de chercher une coalition plus large », se projette-t-il.
L’artisan d’un tel rapprochement pourrait être le ministre de l’Intérieur Gérald Darmamin qui « fait campagne y compris auprès des autres ministres pour que le gouvernement soit à droite et que le pays soit gouverné à droite », confie la première source. « Il est hors de question de gouverner ou de soutenir une coalition qui aurait un lien quelconque avec la France insoumise », a-t-il insisté, « il faut demander au Parti socialiste s’il accepte de rompre avec la France insoumise. Et dans ces cas-là, à mon avis, sur des grands sujets, on pourrait toujours discuter », a développé le ministre.
Il serait en effet très baroque que le pays soit gouverné par une coalition de gauche alors que les électeurs ont majoritairement voté à droite. Le RN a obtenu 10,1 millions de votes au second tour des législatives, contre 7 millions pour le NFP et 6,3 millions de votes pour le groupe Renaissance.
Plusieurs semaines de tractations en perspective
« Trouver une coalition de majorité relative » qui n’inclura selon lui ni le RN ni LFI, « va prendre plusieurs semaines », a estimé le député de Paris Renaissance Sylvain Maillard. « On n’a pas cette culture de la coalition en France. On a commencé les différents contacts. Il faut arrêter cette fadaise de croire que la gauche va construire une majorité », a-t-il commenté. « Ça ne durera pas deux jours, on a besoin de prendre du temps, il faut construire quelque chose de solide qui tienne les trois prochaines années », a-t-il conclu.
Aucune de ces options ne ressort pour l’instant des négociations, pas même celle d’un gouvernement technique d’experts. La politique française, si elle arrive à s’allier facilement « contre » au moment des élections pour se maintenir au pouvoir, a toutes les difficultés à travailler « ensemble » une fois le moment venu de gouverner.
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