Seul dans Berlin, c’est l’histoire d’un régime totalitaire, celui qui pousse ses sujets dans les ténèbres de la bassesse morale, de la peur, de la méfiance et de l’aliénation meurtrière. C’est l’histoire de la vie quotidienne sous le troisième Reich, mais par-delà l’Allemagne et le nazisme, c’est aussi l’histoire de tous les totalitarismes, fascistes ou communistes qui menacent les démocraties en crise.
Le livre
Seul Dans Berlin est l’adaptation du roman d’Hans Fallada (1893-1947) tirée de l’histoire vraie d’un couple d’ouvriers berlinois, Otto et Élise Hampel, nommés Otto et Anna Quangel dans le livre. Ce couple simple et peu instruit a été abusé, comme la plupart des Allemands, par les promesses du Führer, cherchant simplement à sortir du chômage et à retrouver leur fierté. Ils l’ont soutenu comme des millions de leurs compatriotes. Après avoir perdu le frère d’Élise (leur fils dans le roman) au début de la guerre, ils deviennent lucides et réalisent que le peuple allemand a été trompé.
Dans cette ambiance où l’homme est un loup pour l’homme, où le simple fait de ne pas appartenir au Parti ou de vouloir s’en éloigner peut entraîner de graves conséquences, le couple décide de garder droiture et dignité en faisant acte de résistance. Leur résistance ne sera pas héroïque. Ils ne changeront rien à leur quotidien bien régulier et calme. Ils ne poseront pas de bombes ni de grandes pancartes dans la rue. Ils écriront juste une petite carte postale chaque dimanche, appelant les Berlinois à résister, puis la déposeront à la sauvette dans la cage d’escalier d’une clinique ou sur la fenêtre d’un immeuble. Elle ne sera peut-être même pas lue ou piétinée ou déchirée, ils ne connaîtront pas son sort. Mais cet acte modeste et qui peut paraître dérisoire, est aussi dangereux que de mettre une bombe. C’est d’ailleurs le cas. Les cartes deviennent explosives et lancent la police, puis la Gestapo, à leurs trousses. Élise et Otto Hampel tiendront plus de deux ans mais seront finalement rattrapés et exécutés le 8 mars 1943.
Les adaptations
Le livre, qui dépeint une fresque complexe de la vie berlinoise à la manière d’un polar, est certes difficile à adapter à la scène ou pour le grand écran – bien que comprenant de nombreux dialogues – mais cela n’a pas empêché plusieurs tentatives de mise en scène. En 2014, nous avons été témoins de celles du Flamand Luk Perceval et une version plus modeste de la Française Claudia Morin.
Plusieurs adaptations télévisées ont été réalisées en Allemagne et en République Tchèque.
Le réalisateur Vincent Pérez relève le défi pour une première adaptation cinématographique. Après avoir réalisé deux films Peau d’ange (2002) et Si j’étais toi (2007) et plusieurs courts métrages, Vincent Pérez avait décidé de mettre un terme à sa carrière de réalisateur.
Mais c’est justement à cette période qu’il découvre le livre de Hans Falada en 2007 et le trouve révélateur, notamment dans sa description des Allemands ordinaires durant la Seconde guerre mondiale. L’idée d’en faire un film devient une nécessité pour lui. Il met dix ans pour y arriver.
Si le roman présente un collage complexe de personnages qui s’entrecroisent, Vincent Pérez a choisi de se concentrer sur le couple Otto et Anna Quangel.
On n’aurait pas pu imaginer mieux qu’Emma Thompson pour cette femme effacée et pourtant si courageuse et noble ainsi que l’acteur irlandais Brendan Gleeson pour incarner cet homme simple et silencieux qui révèle ses sentiments retenus par de petits gestes imperceptibles.
Vincent Pérez essaie d’expliquer comment cet acte de résistance, en apparence minime, redonne sens à la vie de ce couple qui ne se parlait plus que pour se dire l’essentiel. Cet acte ranime leur relation, en rajoutant de la tendresse et de l’estime l’un pour l’autre.
Graine de liberté
Au jeu extraordinaire du tandem Gleeson-Thompson s’ajoute celui de Daniel Brühl qui incarne avec grande justesse la complexité de l’inspecteur Escherich et nous inspire à la fois le mépris et la pitié. L’inspecteur Escherich est un bon policier intelligent. Il a un sens psychologique subtil. Il n’est pas nazi, mais tout simplement lâche. Pérez capte bien ce processus de conformisme qui a été le sort de la plupart des Allemands dans lequel Escherich se verra perdre ses propres codes de moralité.
Vincent Pérez montre que, contrairement à Escherich, le couple garde sa dignité et malgré tout sa liberté, un mot qu’Otto répète plusieurs fois.
Si Hans Fallada se sert de ses multiples personnages pour décrire l’ambiance étouffante et la méfiance – maux de tous les régimes totalitaires – pour à la fois livrer une image adéquate et terrifiante de l’Allemagne nazie et pour donner également au livre le rythme et le suspens, Vincent Pérez se tourne vers un recours plus facile et c’est dommage. Il se base plutôt sur le cliché de la Gestapo en perdant la subtilité et la puissance du livre.
L’ouvrage ne se termine pas par l’exécution du couple mais par une scène de campagne idyllique, seul endroit où les Berlinois peuvent échapper à l’emprise du Parti et « semer de bonnes graines » car tout acte de résistance au totalitarisme est aussi un acte de liberté et d’amour.
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