La restitution d’œuvres d’arts appartenant à des familles juives pillées par les nazis se poursuit lentement depuis 70 ans, au rythme des enquêtes, découvertes et procès.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis pillent méthodiquement en Allemagne et dans les pays qu’ils occupent les œuvres d’arts détenues par les juifs. Celles-ci sont revendues, collectionnées par les hauts dignitaires, ou destinées au mégaprojet de « Führermuseum » à Linz.
Des experts dépêchés par les Américains, surnommés « Monuments Men », ainsi que les programmes de restitution mis en place dans les ex-pays occupés permettent de rendre à leurs propriétaires une majorité des pièces peu de temps après la guerre.
Mais sur les 650.000 œuvres volées, 100.000 environ n’ont toujours pas été restituées, selon les chiffres publiés lors d’une conférence internationale à Terezin, en République tchèque, en 2009.
En France occupée, les œuvres spoliées transitaient par le Jeu de Paume à Paris avant d’être envoyées en Allemagne. Grâce aux notes clandestines prises par une attachée de conservation, Rose Valland, 45.000 œuvres ont pu être récupérées et les trois quarts restituées dès 1949, selon une note du Sénat de 2013.
Parmi les pièces « orphelines », certaines sont vendues et plus de 2.000 se voient attribuer le statut spécial « MNR » (Musée nationaux récupération): elles sont confiées à titre provisoire aux musées de l’État.
Les œuvres sont exposées à Compiègne (nord) entre 1950 et 1954 puis « pendant quarante ans, rien ne bouge », note le rapport Mattéoli sur la spoliation des juifs de France (2000), qui épingle « l’abandon de toute recherche des propriétaires de ces œuvres ».
Une inertie comparable s’installe un peu partout en Europe et dans le monde de l’art, encouragée par un contexte de Guerre froide et la complexité des demandes de restitution, parfois frappées par des délais.
Les années 1990 réveillent le processus grâce à la déclassification de milliers d’archives, à des travaux universitaires, enquêtes, ou encore à la publication de bases de données sur internet (« the art loss register » par exemple).
En décembre 1998, 44 États signent la « déclaration de Washington » par laquelle ils s’engagent à « retrouver » et dans la mesure du possible restituer les œuvres volées par les nazis, des principes réaffirmés en 2009 à Terezin.
En résultent la création de commissions spéciales et l’évolution des législations, comme aux États-Unis avec la loi « Hear » de 2016, qui prolonge le délai pour réclamer la restitution d’une œuvre spoliée par les nazis.
L’Autriche estime avoir rendu quelque 10.000 œuvres issues de ses collections publiques depuis une loi de 1998.
Parmi celles-ci, cinq chefs d’œuvres de Gustav Klimt, dont deux portraits d’Adèle Bloch-Bauer, ont fait l’objet d’une longue et âpre bataille judiciaire entre Maria Altmann, l’héritière américaine d’une famille juive spoliée et la Österreichische Galerie.
Normalement tenu par loi de rendre les œuvres, ce musée public s’estimait propriétaire des tableaux sur la foi d’un legs d’Adèle Bloch-Bauer elle-même, contesté par Maria Altmann, qui assurait que les pièces avaient seulement appartenu à son oncle Ferdinand Bloch-Bauer, le mari d’Adèle.
Les Klimt finissent par être restitués en 2006, la pièce maîtresse étant ensuite vendue pour une somme estimée à 135 millions de dollars. Cette histoire a été adaptée au cinéma en 2015 dans « la femme au tableau » du Britannique Simon Curtis.
Autre affaire emblématique, la douane allemande découvre en 2012 un véritable trésor de quelque 1.500 dessins, tableaux et gravures dans deux résidences, à Munich et en Autriche, de Cornelius Gurlitt, dont le père fut un marchand d’art ayant servi le régime hitlérien.
Décédé en 2014, Gurlitt désigne le Musée d’arts de Berne comme l’héritier de sa collection, mais 500 pièces à l’origine litigieuse sont conservées en Allemagne.
Les restitutions sont compliquées par la difficulté de retracer l’histoire des pièces et la prescription de 30 ans au-delà de laquelle la propriété d’une œuvre d’art ne peut plus être contestée en Allemagne.
Au cas par cas, des œuvres spoliées peuvent toutefois être rendues, ainsi quatre pièces du trésor de Gurlitt l’ont été depuis 2015 dont « Femme assise » d’Henri Matisse à la famille du collectionneur français Paul Rosenberg.
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