Un petit bouquet tricolore accroché dans une villa de Varsovie est venu rappeler cette semaine qu’un dispensaire de fortune y a accueilli voilà 74 ans par centaines des soldats français sortis des camps nazis allemands. « C’est ici, dans cette villa que se trouvait l’hôpital, que nos mères remettaient sur pied les soldats malades », dit Huguette Rother-Kunegel, venue avec d’autres familles françaises à Varsovie et fille d’Aline Tschupp, l’une des onze infirmières de l’Escadron bleu.
« Toute sa vie, elle nous en a parlé. Elle n’a jamais pu revenir. Nous sommes ici à sa place », raconte-t-elle, les larmes aux yeux. Aujourd’hui la villa est à louer et rien ne rappelle l’épisode français. Sauf ce petit bouquet de pâquerettes tricolore accroché par les familles. Et un ours en peluche à l’emblème de la Croix-Rouge posé sur les marches par Géraldine Navel, 39 ans. L’ours a accompagné sa grand-mère, Michelle Reveron, jusqu’en Pologne puis sa vie durant.
A la fin de la guerre, en avril 1945, il y avait encore plus de 300.000 Français en Pologne. Des travailleurs déportés au STO (Service du travail obligatoire), des rescapés des camps de concentration ou des prisonniers de guerre sortis des stalags ou oflags, explique Philippe Maynial, à l’origine d’un travail de mémoire sur ces femmes courageuses.
C’est sa tante, le docteur Madeleine Pauliac, qui a créé en mars 1945 l’hôpital français de Varsovie et l’a dirigé jusqu’en décembre, dans une ville en ruines. Varsovie a connu deux soulèvements, l’Insurrection du Ghetto en avril 1943, puis la grande Insurrection de Varsovie du 1er août 1944. Sur la rive droite, où l’Armée Rouge attendait l’arme au pied, les villas ont été épargnées dans le quartier de Saska Kepa.
Le docteur Pauliac a d’abord travaillé presque seule, avec un autre médecin français. Ce n’est qu’en juillet que les infirmières de l’Escadron bleu l’ont rejointe en Pologne. Au début, il n’y avait ni eau, ni électricité, ni chauffage. Il fallait chercher de l’eau dans la Vistule, où des cadavres flottaient encore. Des paillasses servaient de lits. On manquait de tout, de vivres et de médicaments.
« Mais Staline ne veut pas lâcher tous les prisonniers français », explique Maynial, surtout les « malgré-nous », Alsaciens et Mosellans enrôlés de force dans la Wehrmacht et encore moins les soldats de la Division SS Charlemagne, Français qui se sont battus volontairement pour Hitler.
« On sait que le Rideau de Fer est sur le point de tomber. Ces femmes engagent alors une course contre la montre pour sauver le plus possible d’hommes », dit-il. Avec leurs cinq ambulances dont chacune pouvait transporter jusqu’à quatre malades couchés ou dix assis, elles ont parcouru quelque 40.000 kilomètres. Constamment exposées dans un pays où les viols dus aux soldats soviétiques étaient très fréquents.
Pour repérer leurs compatriotes, elles avaient leurs astuces. « En entrant dans un camp, elles chantaient la Marseillaise, et les soldats français se manifestaient », raconte Huguette Rother-Kunegel. « En tant qu’Alsacienne, ma mère était capable de repérer à l’accent si les soldats étaient des Alsaciens ou des Allemands qui se faisaient passer pour eux pour être libérés », a-t-elle ajouté. Puis, un troc commençait avec les Soviétiques pour les faire sortir du camp, la vodka servant de monnaie d’échange.
Philippe Maynial pense aussi à ceux qui n’ont pas eu la chance de sortir des camps, « de 20.000 à 50.000 hommes dont on n’a jamais connu le sort ». Surtout en marchant samedi à travers le camp nazi d’Auschwitz-Birkenau, dernière étape de leur visite en Pologne où sa tante avait recherché des Français parmi les rares survivants.
Le personnage de Madeleine Pauliac, morte en mission dans un accident de voiture près de Varsovie en février 1946, a inspiré la cinéaste française Anne Fontaine qui dans son film « Les Innocentes », sorti en 2016, raconte l’histoire réelle de religieuses polonaises enceintes après avoir été violées par des soldats russes.
Le docteur Pauliac les a soignées et a aussi organisé l’adoption de 24 enfants en France. Ce dernier élément jusqu’alors secret est révélé dans un documentaire, « Les Filles de l’Escadron bleu », réalisé par Emmanuelle Nobécourt et dont Philippe Maynial est co-auteur. Il l’a présenté jeudi dernier à Varsovie en avant-première, en présence des familles.
D.C avec AFP
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