Dans l’estuaire de l’Humber, porte d’entrée de nombreuses marchandises dans le nord-est de l’Angleterre, les dockers se mettent à rêver d’un nouvel âge d’or industriel, en misant sur le surplus de trafic que pourrait apporter le Brexit. « D’ici deux ans, je pense que nous échangerons avec beaucoup de pays étrangers » hors de l’UE, juge Willie Weir, qui tient un hôtel à Immingham, non loin du fleuve, après avoir travaillé des années sur les docks.
Son optimisme est lié à la stratégie menée par la compagnie Associated British Ports (ABP). Elle a investi 50 millions de livres (57 millions d’euros) depuis 2017 pour étendre les terminaux de containers à Immingham et dans les trois autres ports qu’elle gère dans l’estuaire, espérant ainsi attirer les entreprises. Les dirigeants d’ABP font le pari que la sortie du Royaume-Uni de l’UE, en mars 2019, va affecter les ports du sud-est du pays, comme Douvres, à cause de probables nouveaux contrôles douaniers et sanitaires, et va pousser les transporteurs à trouver des alternatives.
Ils estiment que les ports de l’Humber sont plus à même de répondre au défi : grâce aux terrains disponibles dans la plaine, ils sont en mesure de proposer de nouvelles installations pour les douanes et des zones de stationnement pour les camions, quand les capacités d’expansion de leurs concurrents, installés sur des falaises, sont beaucoup plus limitées.
« Il existe assurément des opportunités pour les ports sur l’Humber », affirme Dafydd Williams, l’un des porte-paroles d’ABP. La stratégie a déjà porté ses fruits de l’autre côté de la rive : à Hull, ces investissements dans des infrastructures ont permis de développer des liaisons supplémentaires avec l’Europe. Avec un quai réaménagé, de nouvelles grues de chargement et de nouveaux remorqueurs, ABP espère obtenir le même résultat à Immingham, le plus grand port du Royaume-Uni en termes de tonnage.
Andrew Ellis, directeur général de la filiale de la compagnie danoise de transport de marchandises Unifeeder, qui opère à Immingham, affirme déjà que certains clients se détournent des ports du sud. « C’est l’économie, les cargos empruntent la voie la plus simple », juge-t-il. Mais son confrère Andrew Byrne, qui dirige DFDS Seeways (également danoise), la plus grande entreprise de transport du port d’Immingham, estime qu’il serait « trompeur » de parler d’un exode des sociétés opérant à Douvres.
Pour Peter Baker, analyste chez PRB Associates, les ports de l’Humber offrent un autre avantage par rapport à ceux de la Manche : ils sont situés à proximité de grands centres de distribution comme Amazon ou Ikea. Et rallonger le voyage en mer vers le nord permet de réduire le coût du transport terrestre, les émissions de CO2 et les embouteillages, souligne-t-il. « Cependant, s’il y a de nouveaux contrôles douaniers ou sanitaires, ce sera aussi compliqué à Immingham qu’à Douvres ».
Malgré ces anticipations parfois contradictoires, le Brexit est attendu avec enthousiasme dans cette région : lors du référendum de 2016, 70% des électeurs ont voté en faveur de la sortie de l’UE, bien au-delà de la moyenne nationale de 52%. Le député d’Immingham, Martin Vickers, membre du Parti conservateur de la Première ministre Theresa May et eurosceptique, prédit que la région bénéficiera « sans aucun doute » du Brexit. Il milite auprès du gouvernement pour que la zone obtienne le statut de port franc.
A contrario, Karl Turner, député travailliste et pro-européen de Hull, sur l’autre rive de l’estuaire, craint que le Brexit représente « un désastre total pour les ports ». « Il y a un grand risque pour l’économie dans son ensemble, et je pense qu’ABP n’en a pas pris conscience », déclare-t-il à l’AFP. Depuis la tour de contrôle d’Immingham, qui gère chaque année 40.000 mouvements de cargo dans l’estuaire, Dafydd Williams défend la vision optimiste de son entreprise.
« Nous pouvons aménager l’espace disponible pour nous adapter, quelle que soit l’issue (des négociations du Brexit), et c’est pour ça que nous nous avons confiance en l’avenir ».
D.C avec AFP
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