Lancée à grands renforts de communication, l’expérimentation de l’uniforme à l’école, qui concerne moins d’une centaine d’établissements sur toute la France, est abandonnée par certaines collectivités qui anticipent un désengagement de l’État accaparé par d’autres priorités budgétaires.
Fast fashion ? La « tenue unique » à l’école, dont plusieurs personnalités politiques comme l’ex-Premier ministre Gabriel Attal ou Emmanuel Macron anticipaient déjà la généralisation en 2026, s’effiloche déjà.
« Nous avons été les premiers à dire oui, nous avons financé, nous avons expérimenté dans deux de nos lycées avec des tenues Made in France », avance le président de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier. « Mais sans visibilité sur un éventuel soutien de l’État, il aurait été irresponsable d’engager 44 millions d’euros, soit le prix d’un lycée neuf, pour une généralisation dans tous nos lycées régionaux. »
Les polos bleu marine du Lycée Jean d’Ormesson à Châteaurenard (Bouches-du Rhône) vont donc être bientôt remisés, tout comme ceux du lycée Les Palmiers à Nice. Coût pour la région : 500.000 euros.
À Balma, en banlieue toulousaine, l’expérimentation aussi ne tient plus qu’à un fil. « Il est fort probable que nous ne renouvelions pas l’expérimentation en septembre prochain », a déclaré le maire Renaissance, Vincent Terrail-Novès, à France 3 Occitanie. « Le gouvernement revient sur ses engagements. L’État cocufie les communes, la communauté éducative et les parents d’élèves avec qui nous avions parfaitement collaboré. »
« Des premiers bilans attendus »
À ce stade, l’expérimentation de l’uniforme est co-financée par les collectivités volontaires et l’État, le ministère de l’Éducation nationale puisant dans les crédits alloués au CNR éducation, un projet porté par Emmanuel Macron pour faire émerger des dispositifs de terrain innovants.
Le budget 2025, s’il a relativement épargné l’Éducation nationale, impose cependant au ministère de veiller à ses dépenses. « L’État a tenu ses engagements pour l’année scolaire 2024-2025. Le budget de l’expérimentation pour l’année scolaire 2024-2025 prévoyait la mise en place du financement de 50% de la part des tenues des élèves (jusqu’à 100 euros maximum) », souligne le ministère, interrogé par l’AFP.
« L’expérimentation est en cours et des premiers bilans sont attendus à la fin du mois d’avril », poursuit la rue de Grenelle. « Au regard de ces bilans, le ministère réallouera, le cas échéant, sa part des crédits nécessaires au financement d’une suite de l’expérimentation. »
Annoncée à l’automne 2023 par Gabriel Attal durant son passage éclair à l’Éducation nationale, l’expérimentation de la « tenue unique », concernait à la rentrée 2024 environ 90 établissements scolaires, moins que la centaine initialement prévue. Promue comme un moyen d’atteindre « l’égalité sociale » par une partie de l’ex-majorité présidentielle, la « tenue unique » a été présentée comme un remède susceptible d’améliorer globalement « le climat scolaire ».
Ce serait « stupide de ne pas aller au bout »
Si des sondages ont montré qu’une majorité de Français était favorable au « rétablissement » de l’uniforme, qui n’a cependant jamais été obligatoire à l’école française, une bonne partie des acteurs de l’Éducation nationale, syndicats enseignants en tête, s’insurgent contre un « gadget » perçu comme un clin d’œil aux propositions de la droite ou du RN. Celui-ci a épinglé l’abandon de l’expérimentation en Sud Paca.
En dépit des incertitudes sur le financement, des collectivités affirment maintenir le cap mais la prudence est de mise.
« À ce stade on continue », indique la Région Auvergne-Rhône-Alpes, où l’expérimentation porte sur cinq établissements. « Il y aura un bilan d’étape avant l’été », qui portera sur le « contexte », avec le niveau d’engagement de l’État, et sur « le terrain et le degré d’acceptation des enseignants et des élèves ».
« C’est particulièrement stupide de commencer une expérimentation, de ne pas aller au bout. Il y a de l’argent public qui a été mis là-dedans », grince la maire de Denain (Nord), Anne-Lise Dufour-Tonini (PS). « L’expérimentation, c’est deux ans pour pouvoir en tirer les conclusions. Notre budget nous permet de faire deux ans, et donc, on fera deux ans », ajoute l’élue qui fait valoir des premiers retours « très positifs ».
« Au regard des finances de l’État, nous devons concentrer nos efforts », commente pour sa part Frédéric Leturque, co-président de la commission éducation de l’Association des maires de France (AMF).
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