L’indépendantiste Moetai Brotherson a été largement élu vendredi président de la Polynésie française, par les représentants de l’Assemblée locale de cette collectivité du Pacifique Sud.
Cet ancien pilier de rugby de 53 ans, favorable à une transition douce vers l’indépendance, a été choisi par les 38 représentants indépendantistes de l’Assemblée, élus lors des élections territoriales du 30 avril. Dans une Assemblée territoriale de 57 sièges, où les indépendantistes disposent ainsi d’une majorité absolue, les représentants ont accordé également 16 voix au président autonomiste sortant Édouard Fritch, et 3 à une autre candidate autonomiste, Nicole Sanquer. La veille, ils avaient élu un autre indépendantiste, Antony Géros, à la tête de l’Assemblée.
Dans un discours prononcé sans notes, Moetai Brotherson a assuré la France de son « respect » tout en appelant la population à ne « pas craindre l’indépendance », qui ne sera « jamais imposée » aux Polynésiens. Malgré la réinscription en 2013 de la Polynésie française sur la liste de l’ONU des territoires non-autonomes à décoloniser, la France n’a jamais souhaité engager de négociations autour de la décolonisation de cette collectivité.
L’espoir d’ un référendum d’autodétermination « dans 10 à 15 ans »
Loin de l’esprit apaisé affiché par Moetai Brotherson, le nouveau président de l’Assemblée, Antony Géros, a estimé dans son premier discours que la France avait « usé de son autorité pour faire et défaire les majorités au gré de son intérêt, jusqu’à venir instrumentaliser les élus » pendant l’instabilité politique, entre 2004 et 2013. Antony Géros, un proche d’Oscar Temaru, le président-fondateur du Tavini Huiraatira, représente la ligne radicale du parti indépendantiste polynésien, qui souhaite une indépendance rapide.
Moetai Brotherson a au contraire indiqué qu’il espérait un référendum d’autodétermination « dans 10 à 15 ans » et estimé « ne pas pouvoir y arriver dans les cinq ans qui viennent dans de bonnes conditions ». Leur large majorité n’ayant pas grand chose à craindre de l’opposition autonomiste, la principale interrogation porte sur la cohabitation entre ces deux lignes, dont l’une va contrôler le gouvernement et l’autre l’Assemblée. « Il y a deux courants au (sein du) Tavini : celui d’Oscar Temaru qui veut vite l’indépendance et celui de Moetai qui veut prendre son temps », résume Georges Ravat, un vendeur de fruits de 57 ans. « Mais les autonomistes, fallait les mettre dehors, ils ont fait trop d’erreurs pendant le Covid et il y a eu trop d’injustices dans les taxes » assure-t-il.
« Ne plus dépendre de la France »
En Polynésie, la vague de dégagisme a frappé de plein fouet les autonomistes, dont certains, comme Édouard Fritch ou Gaston Tong Sang, étaient au pouvoir de manière quasi-continue depuis une quarantaine d’années. Avec des candidats plus jeunes et une campagne axée sur le pouvoir d’achat, les indépendantistes ont séduit au-delà de leur électorat traditionnel. « Il n’y avait aucun changement, que des augmentations de taxes, alors maintenant on va voir si le nouveau gouvernement baisse le coût de la vie, parce que les courses et la cantine ont beaucoup augmenté », espère Jenny Faareoiti, une cuisinière de 40 ans.
« J’ai grandi dans une famille indépendantiste et nous, ce qu’on veut, c’est la liberté, ne plus dépendre de la France », revendique pour sa part Here Mehao, une étudiante en marketing. D’autres redoutent une rupture avec la métropole, qui transfère chaque année 1,7 milliard d’euros pour financer l’Éducation, la Sécurité ou la Justice en Polynésie française de cette collectivité du Pacifique Sud. « On a besoin de cet argent, de cette nourriture qu’on importe », s’inquiète Hinatea Rei, une serveuse trentenaire. À ses côtés, le sommelier Raimana Holman renchérit, estimant, qu’on s’écraserait sur le récif sans l’aide de la France ! »
Un dilemme horriblement compliqué
Moetai Brotherson, lui, assure vouloir une transition douce, un développement social et durable. Il devrait présenter lundi son gouvernement, annoncé paritaire. Pour cause de cumul de mandats, il quittera son siège de député (Nupes) et sera remplacé par sa suppléante Mereana Reid Arbelot. Le président indépendantiste du Congrès calédonien, Roch Wamytan, était à Papeete pour assister aux élections de ses alliés de toujours.
« À partir du moment où ils ont les leviers politiques et institutionnels avec les trois — députés, présidence de l’Assemblée territoriale et du gouvernement — et nous là-bas la présidence du congrès et du gouvernement, il nous faut travailler ensemble pour faire avancer notre projet politique, qui est l’indépendance », a-t-il déclaré à l’AFP.
« Mais l’État français souhaite rester dans le Pacifique grâce à nous, grâce à nos territoires, et ça va être horriblement compliqué », estime-t-il.
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