Frédéric Masquelier est avocat. Il est aussi, depuis 2017, maire de Saint-Raphaël dans le Var. Il avoue que c’est en accédant à cette fonction qu’il a pris toute la mesure de l’omniprésence et de la puissance de la bureaucratie.
Il s’est rendu compte que « les bureaux » étaient sortis de leur rôle de simples exécutants pour « exercer directement un pouvoir propre ». Pour lui, « le constat est clair : souvent, c’est l’administration qui décide à la place des politiques, et ce, sans être responsable du bien-fondé ni des conséquences » de ses actions. Masquelier est formel : « Le risque d’une dérive technocratique est avéré ». En un mot comme en cent, « la bureaucratie est sur le point de devenir une bureaucrature », un néologisme que l’auteur veut former pour convaincre de « la menace imminente et faire en entendre le risque d’une dictature exercée par la bureaucratisation partisane de nos administrations ».
Le problème étant posé dès l’introduction, Frédéric Masquelier va passer les quelque 220 pages de son ouvrage à cerner la réalité de la bureaucratisation à l’œuvre et à faire des propositions pour en sortir.
Nous ne nous étendrons pas sur le premier chapitre qui brosse rapidement une histoire de la bureaucratie si ce n’est pour mentionner ses trois effets néfastes qui, insiste l’auteur, font aujourd’hui consensus : « le découragement des forces vives, l’intensification des malaises sociaux, et la scission de notre société qui génère un surcoût fiscal insupportable ».
La dérive bureaucratique
Les sept chapitres suivants s’efforcent de décrire la bureaucratisation et de la théoriser. Le lecteur y trouvera de nombreux exemples qui résonneront, à n’en pas douter, avec sa propre expérience de l’administration. Dans le collimateur de Frédéric Masquelier, les DREAL (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement) qui ont l’art « de tout rendre complexe » et s’immiscent dans la vie quotidienne des Français. L’annonce d’une planification écologique par un Emmanuel Macron cherchant à être réélu en 2022, affirme l’auteur, « n’est autre qu’une capitulation en rase campagne face à cette bureaucratie qui n’en demandait pas autant ».
Mais la bureaucratisation ne se limite malheureusement pas à l’environnement. Elle est partout, on le sait, dans la police, la justice, la santé, l’éducation nationale, etc. Sans parler de l’Europe où, écrit Masquelier, elle « corsète les initiatives publiques et privées ».
Ce qu’il y a de plus inquiétant dans cette expansion sans fin de la bureaucratie, c’est son désir de s’émanciper du pouvoir politique qui, écrit le maire de Saint-Raphaël, est souvent jugé versatile, peu fiable, voire dangereux lorsqu’il ne partage pas les vues de l’administration. C’est ainsi qu’il a remarqué que « certains fonctionnaires se voyaient même porteurs d’une mission consistant à contrôler de l’intérieur, un peu comme des sentinelles, le milieu suspect du politique. La bureaucratie est là, avec sa raideur, pour rappeler le privilège à exercer un pouvoir et encadrer les conduites ». Aujourd’hui, le danger de voir la bureaucratie croître à l’infini, outre son coût, est bien qu’elle finisse par contrôler toute la société et qu’elle amoindrisse nos libertés.
Un réveil du politique ?
La solution, pour Masquelier, serait que les politiques reprennent le pouvoir sur l’administration. Pour cela, il est nécessaire de « revaloriser la fonction avec une débureaucratisation des partis en incitant les élus à sortir de la prudence pour oser l’audace ». Mais la majeure partie du travail, écrit le maire de Saint-Raphaël, incombera aux Français et aux Françaises qui, d’après la Constitution, sont souverains. Ils doivent s’impliquer dans toutes les étapes de la décision publique.
Avouons-le : nous sommes restés perplexes par ces dernières propositions. Car Masquelier l’écrit très clairement : la croissance de la bureaucratie n’a été possible que parce qu’il existe une connivence entre les politiques et les fonctionnaires pour maintenir le système. En effet, ce sont bien les politiques – eux-mêmes souvent issus de la fonction publique comme 40 % des députés actuels – qui augmentent sans fin les effectifs même si « la bureaucratie génère elle-même une propension à se reproduire et à se démultiplier artificiellement ». Ce sont bien les politiques qui n’accordent pas suffisamment d’attention aux débats budgétaires, abandonnant la gestion à l’administration. Ce sont bien les politiques qui laissent « passer des textes mal préparés, mal rédigés, mal anticipés dans leurs effets, mal budgétés » par l’administration. Et ce sont les Français qui réclament toujours davantage de droits et de dépenses.
Certes, le maire de Saint-Raphaël suggère aussi de mettre fin à l’emploi à vie des fonctionnaires, d’instaurer la reconnaissance d’une responsabilité personnelle des fonctionnaires, de réduire le nombre de procédures et de règles pour diminuer le nombre d’agents.
Mais ne faudrait-il pas aller plus loin ? Par exemple, en décentralisant vraiment et en donnant une autonomie budgétaire aux collectivités locales tout en circonscrivant nettement leur champ d’action. Ou en établissant une flat tax, y compris au niveau local, payée par tous les citoyens. Nous sommes, en effet, persuadés que faire croire aux Français qu’ils ne paient pas d’impôts (suppression de la taxe d’habitation et de la redevance télé, prélèvement à la source, exonération de l’impôt sur le revenu pour la moitié de la population, etc.) contribue à l’augmentation des dettes et déficits publics.
Suggérons à Frédéric Masquelier de consulter le site de l’Iref, il y trouvera nombre de propositions de réformes à même de nourrir sa réflexion.
Article écrit par Philbert Carbon, avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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