À la suite des violences urbaines ayant fait rage partout en France il y a maintenant plus d’une semaine, la droite a annoncé jeudi 6 juillet dans un plan pour « restaurer l’ordre public », vouloir modifier les conditions de déchéance de la nationalité française. La déchéance de nationalité, régulièrement modifiée depuis son apparition sous la Révolution, est régulièrement brandie comme l’étendard du retour à l’ordre par une partie de la classe politique. Pourtant, son impact est devenu limité.
La déchéance de nationalité depuis la Révolution
La déchéance de nationalité dont les prémices remontent à la Révolution, au Code civil, ainsi qu’à l’abolition de l’esclavage a toujours fait l’objet de débats et de modifications. Ce n’est qu’à partir de la première guerre mondiale et surtout du code de la nationalité de 1927 qu’on a commencé à parler explicitement de « déchéance de nationalité ». Auparavant, était privilégiée la notion de « perte de qualité de Français ». Comme le rappelle notre confrère de La Croix, Laurent de Boissieu, dans un article publié en 2015 : « L’actuelle déchéance de la nationalité provient plus directement du code de la nationalité de 1927 ». Effectivement, à l’époque, était appliquée la déchéance de nationalité aux citoyens français ayant « accompli des actes contraires à la sûreté intérieure et extérieure » ou « s’étant livrés, au profit d’un pays étranger, à des actes incompatibles avec la qualité de citoyen français et contraires aux intérêts de la France ». De nos jours, l’esprit du code de 1927 demeure, à l’exception de quelques ajouts liés au contexte terroriste. Un an après les attentats islamistes de 1995 ayant coûté la vie à 10 personnes, la loi du 22 juillet 1996 prévoit que la déchéance de nationalité peut être décidée non pas seulement en cas de condamnation pour un crime ou un délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation mais aussi en cas de condamnation pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
C’est à la suite des attentats de 2015 que le débat sur les conditions de perte de la nationalité française revoit le jour. L’ancien président de la République, François Hollande, souhaitait alors étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français. L’idée fut finalement abandonnée, avant d’être reprise par LR il y a quelques jours.
Une modification des conditions de la déchéance de nationalité présentée par LR
Dans son plan pour restaurer « l’ordre public » présenté en marge d’une conférence de presse le 6 juillet, la droite a notamment prôné la mise en œuvre de la déchéance de nationalité pour les criminels et émeutiers binationaux.
« Il est hors de question que le droit du sol s’applique pour ceux qui auront été condamnés dans ces émeutes » a déclaré le président des Républicains, Éric Ciotti. LR reprend la mesure défendue par le gouvernement socialiste de Manuel Valls en 2015, avant que cette dernière soit retirée faute de consensus. Le député LR des Alpes-Maritimes avait alors qualifié l’abandon de cette extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français de « faute lourde ».
Selon une enquête d’Odoxa-Backbone Consulting réalisée pour Le Figaro, la droite peut compter sur le soutien d’une large majorité de Français : 75 % d’entre eux se sont déclarés favorables à la perte de nationalité des émeutiers ayant une double nationalité.
Les limites de la mesure de la droite
La volonté de réformer les conditions de perte de nationalité peut paraître louable à une partie de l’opinion en colère, mais le problème des limites de cette mesure se pose rapidement. Il est en effet difficile techniquement de modifier les conditions de déchéance de nationalité : cela nécessite une révision constitutionnelle, ce qui signifierait de réunir les deux chambres du Parlement en Congrès.
Cette mesure n’aurait que très peu d’efficacité sur le phénomène des violences urbaines. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin affirmait mardi 4 juillet lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale que 90 % des émeutiers interpellés étaient Français et 10 % étaient étrangers. Quid des binationaux ? Pour l’heure, il n’y a pas de statistiques attestant de la présence massive des binationaux parmi les émeutiers.
La perte de nationalité est aussi de manière générale inefficace. Déchoir des Français ou des binationaux de leur nationalité revient in fine à lancer à leur encontre une procédure d’expulsion. Ces individus viendraient donc s’ajouter à la longue liste des personnes très rarement expulsées en raison de la non-application des lois déjà en vigueur. En 2021, seulement 13,7 % des OQTF (obligations de quitter le territoire français) ont été réalisées. De surcroît, la déchéance de nationalité est depuis la loi du 16 mars 1998 affaiblie par une contradiction juridique : cette loi relative à la nationalité interdit la déchéance dans le cas où elle rend la personne déchue apatride. Une énième réforme de la déchéance de nationalité n’aurait que peu d’effets si une réflexion n’est pas portée sur la non-application des lois existantes et les contradictions juridiques minant le droit français.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.