Mahathir Mohamad a prêté serment jeudi comme Premier ministre de la Malaisie, devenant à 92 ans le plus vieux dirigeant élu du monde, au lendemain de la victoire historique de l’opposition aux législatives qui a sonné le glas d’une coalition au pouvoir depuis 61 ans. Quinze ans après avoir quitté le pouvoir, M. Mahathir a effectué un retour spectaculaire sur le devant de la scène politique pour défier son ex-protégé, le Premier ministre sortant Najib Razak, infligeant une défaite cinglante au Barisan Nasional (Front national, BN), la coalition qui dirige le pays depuis l’indépendance en 1957 de l’ex-colonie britannique.
A la tête d’une coalition d’opposition formée de nombreux politiciens qui s’étaient opposés à lui du temps où il était chef du gouvernement (1981-2003), M. Mahathir a déjoué les pronostics en réussissant à déloger M. Najib, au pouvoir depuis 2009 et empêtré dans un énorme scandale de détournements de fonds. Mahathir Mohamad a promis de le faire traduire en justice pour répondre des accusations de détournements au détriment du fonds souverain 1MDB, créé par Najib Razak lui-même à son arrivée au pouvoir et aujourd’hui endetté à hauteur de 10 milliards d’euros. Depuis 2015, la Malaisie est secouée par ce scandale qui fait l’objet d’enquêtes dans plusieurs pays, notamment en Suisse, à Singapour et aux Etats-Unis.
Vêtu d’une tenue traditionnelle, le nouveau Premier ministre a prêté serment devant le roi Sultan Muhammad V au palais national: « Moi, Mahathir Mohamad, après avoir été élu Premier ministre, jure de mener à bien ma tâche de toutes mes forces ». Des feux d’artifice ont éclairé le ciel de Kuala Lumpur lors de la cérémonie. La nuit précédente, la victoire de l’opposition avait entraîné des scènes de liesse dans les rues de la capitale.
L’élection a été l’une des courses les plus disputées de l’histoire de la Malaisie qui a abouti à une victoire choquante puisque Mahathir, âgé de 92 ans, revenait de sa retraite.
Photo by Ulet Ifansasti/Getty Images)
La coalition dirigée par M. Mahathir, le Pacte de l’Espoir, a remporté la majorité absolue au Parlement: 121 sièges sur 222. Le BN a obtenu seulement 79 sièges, contre 133 aux précédentes législatives. Ancien médecin, M. Mahathir a fait ses débuts en politique en 1964, et dirigé la Malaisie d’une main de fer pendant 22 ans. Certains le considèrent comme le père fondateur de la Malaisie moderne en ayant développé ce pays relativement riche. Mais d’autres lui reprochent d’avoir jeté en prison des opposants et exacerbé les tensions ethniques dans cette nation multiethnique de 31 millions d’habitants. Il était également connu pour ses attaques au vitriol contre ses ennemis, dénonçant le néo-colonialisme occidental. Il avait traité les Européens de radins et les avait accusés de pratiques sexuelles déviantes.
Il y a quelques années, M. Mahathir avait commencé à critiquer son ex-protégé Najib Razak, qui selon lui échouait à libéraliser le pays. Les espoirs de réformes ont par la suite été réduits à néant quand M. Najib, empêtré dans le scandale de corruption, a fait adopter des lois sécuritaires visant à faire taire les critiques le visant. M. Mahathir s’en prend désormais au système qu’il a aidé à créer et promet des réformes comme la limitation de la durée des mandats politiques et la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée créée par M. Najib.
Le gouvernement sortant est en outre accusé d’avoir effectué peu avant les élections un redécoupage électoral favorable à sa coalition, certains dénonçant une fraude électorale avec l’apparition de personnes décédées sur les listes d’émargement. M. Najib, 64 ans, visiblement bouleversé par son revers, a assuré accepter « le verdict du peuple ». Wan Junaidi Tuanku Jaafar, fidèle du BN et ex-ministre, a appelé jeudi à une sortie en douceur: « Nous ne pouvons nous permettre aucune turbulence dans le pays. Le BN devrait remettre le pouvoir de bonne grâce », a-t-il déclaré à l’AFP.
L’un des aspects les plus spectaculaires du retour de M. Mahathir sur le devant de la scène politique est aussi sa réconciliation avec son ancien ennemi juré Anwar Ibrahim, un ex-dirigeant de l’opposition qui purge actuellement une peine de cinq ans de prison pour sodomie, en vertu d’un jugement controversé. M. Mahathir a promis de céder la place à Anwar, âgé de 70 ans, une fois qu’il sera sorti de prison.
DC avec L’AFP
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