La tension reste vive samedi en Nouvelle-Calédonie, où la mission de « rétablir l’ordre dans les jours à venir » fixée par le Président Emmanuel Macron se révèle difficile. Les habitants de Kaméré ont notamment vécu une nuit d’horreur. L’évacuation de touristes français a par ailleurs commencé.
Le bilan des violences est passé vendredi à sept morts, le septième étant un homme de 48 ans dont l’identité n’a pas été communiquée, tué par un policier.
Au surlendemain de la visite d’une journée du chef de l’État, les opposants à la réforme électorale qui a provoqué les émeutes à partir du 13 mai restent déterminés à obtenir son retrait définitif. M. Macron s’était félicité jeudi de la retenue des forces de l’ordre. Il soulignait devant des journalistes calédoniens que « nos gendarmes et nos policiers n’ont tué personne ».
Dès le lendemain après-midi, les faits l’ont démenti. Un policier, « pris à partie physiquement par un groupe d’une quinzaine d’individus », a tiré un « coup de feu pour s’extraire » et tué un homme à Dumbéa, à côté de Nouméa, selon le récit du procureur de la République Yves Dupas. Ce policier, qui présente des « traces de coups sur le visage » tout comme un collègue qui l’accompagnait, a été placé en garde à vue, a ajouté le procureur.
Avant cet homicide dont les circonstances restent à éclaircir, deux gendarmes, dont un touché par un tir accidentel, trois Kanak (autochtones) et un Caldoche (Calédonien d’origine européenne) avaient été tués.
« La situation extrêmement fragile »
Des images de la télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère, et des photos très commentées sur les réseaux sociaux, montraient le départ samedi matin du cercueil d’un indépendantiste de 19 ans, tué à Nouméa le 15 mai, en bateau vers l’île de Maré dont il était originaire. Dans les secteurs et quartiers où les indépendantistes hostiles à la réforme électorale sont les plus nombreux et les mieux organisés, reprendre le contrôle des axes de communication et faire cesser les actes de destruction, principalement la nuit, va être un travail très long et complexe.
« C’est bien l’ordre qu’il faut rétablir, et rétablir vite, avant que la situation ne dégénère encore », a affirmé vendredi le Premier ministre Gabriel Attal, lors d’une cérémonie d’hommage aux deux gendarmes tués, près de Paris. « La situation aujourd’hui reste extrêmement fragile en Nouvelle-Calédonie, un rien peut la faire vaciller ».
Le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a rapporté dans un communiqué samedi des opérations contre les barrages dans sept quartiers de Nouméa, principalement dans le nord de la ville. « La neutralisation et le nettoyage des barrages s’effectuent sous la sécurisation des forces de police et de gendarmerie », a-t-il décrit. Entre les quartiers de Ducos et Kaméré, une dizaine de tractopelles s’activent samedi pour déblayer des amas de débris encore en feu, sous l’œil des gendarmes qui sécurisent la zone, a constaté une journaliste de l’AFP.
Le Raid intervient le premier pour sécuriser le passage du convoi, sous le bruit incessant des pales d’un hélicoptère qui survole la zone. Des camions et balayeurs ferment la marche pour enlever les débris. La nuit de vendredi à samedi a été encore agitée dans plusieurs quartiers de Nouméa et alentour.
« On maintient la résistance dans nos quartiers », a lancé Christian Tein, le chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste qui organise la contestation, lors d’une conférence de presse vendredi. Il dénonçait « la forte répression que notre population est en train de subir ». L’indépendantiste a dit vouloir « desserrer un peu l’étau de manière à ce que le carburant et surtout les médicaments » puissent être transportés sans entraves. « C’est notre priorité », a-t-il assuré. L’organisation CCAT « est mafieuse, violente, commet des pillages, des meurtres » et n’est « pas politique », avait accusé Gérald Darmanin, sur France 2.
Une nuit d’horreur pour les habitants de Kaméré
À Kaméré, des maisons ont été touchées par des incendies et/ou pillées. Une mère de famille a raconté à l’AFP avoir été sortie de là via l’océan par le GIGN, avec « plusieurs dizaines de personnes du quartier ». « On a su par les gens du quartier que notre maison avait été pillée dans la nuit comme d’autres. C’est horrible, très choquant », a-t-elle raconté en pleurs au téléphone. Les autorités ont fait état de « 35 personnes, dont 7 mineurs », sauvées par la brigade nautique en pleine nuit. « Une exfiltration très difficile, en couvre feu, avec des barrages » rapporte une journaliste de BFMTV. « La plupart d’entre-eux a pu être accueilli dans un lycée » poursuit-elle tout en ajoutant, « on voit bien à quel point les tensions persistent bien que la nuit ait été un peu plus calme ».
Quatre embarcations ont permis l’évacuation de 35 personnes, dont sept mineurs, sous la sécurisation de la brigade nautique, indique la radio Outremer360. Avec l’aide des équipes des FORMISC (formations militaires de la Sécurité civile), 25 d’entre-elles ont été hébergées dans un lycée. Les dix autres personnes se sont relogés par leurs propres moyens. Il n’y a aucun blessé à déplorer.
L’état d’urgence instauré le 16 mai prévaut toujours, avec les mesures qui l’accompagnent : couvre-feu de 12 heures quotidiennes, interdiction de rassemblement, de transports d’armes et de vente d’alcool, bannissement de l’application TikTok.
Le président de la République souhaite pouvoir lever cet état d’urgence grâce à un « apaisement » qui viendrait de négociations sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Il a donné jusqu’à fin juin aux élus et responsables politiques de l’archipel, aidés par une « mission de médiation » de trois hauts fonctionnaires dépêchés depuis Paris. L’objectif du président est « un accord global » qui « puisse être soumis au vote des Calédoniens ».
Les premiers touristes évacués
Pour les Français de métropole coincés en raison des émeutes, de premiers vols à bord d’appareils militaires ont décollé samedi de l’aérodrome de Magenta à Nouméa, vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
« L’attente était interminable, puisque la réouverture de l’aéroport est repoussée de jour en jour », a raconté à l’AFP l’une de ces touristes, en référence à l’aéroport international de La Tontouta, fermé depuis le 14 mai.
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