Après des années de querelles politiques, marquées par des changements d’attitude à l’égard de l’immigration sur tout le continent, les nouvelles règles de l’Union européenne en matière d’asile et d’immigration sont enfin mises en œuvre.
Après huit ans d’élaboration, le pacte européen sur la migration et l’asile a été adopté par les législateurs en avril, mais la Commission européenne — l’organe exécutif de l’Union — n’en a pas encore réglé les derniers détails.
Ces détails bureaucratiques, qui se présentent principalement sous la forme d’exigences imposées aux États membres, ont été dévoilés le 12 juin dans le plan de mise en œuvre de la Commission.
Dans le « Plan commun de mise en œuvre du Pacte sur la Migration et l’Asile », la Commission européenne a défini des étapes clés et des lignes directrices pour que les 27 États membres de l’UE élaborent des plans nationaux de mise en œuvre du pacte d’ici la fin de l’année et commencent à appliquer les nouvelles lois d’ici le milieu de l’année 2026.
Les exigences du pacte, principalement axées sur le contrôle, l’accueil et l’expulsion des immigrés clandestins, sont interdépendantes et doivent être mises en œuvre en parallèle, a déclaré la Commission.
Selon les lignes directrices de la Commission, les pays membres sont tenus d’enregistrer et de contrôler tous les immigrants illégaux afin de vérifier leur identité, leur vulnérabilité, leur état de santé et tout risque potentiel pour la sécurité. Les procédures d’asile et d’expulsion des ressortissants de pays tiers entrés illégalement dans l’Union européenne doivent être « rapides, efficaces et rationalisées », selon le communiqué de la Commission.
Les pays de l’UE devraient appliquer une « procédure frontalière obligatoire » pour les immigrés clandestins qui représentent un risque pour la sécurité ou qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier du statut de réfugié ou d’une autre protection internationale, a indiqué la Commission.
L’exécutif de l’UE exige que les pays fournissent aux demandeurs d’asile un niveau de vie adapté à leurs besoins, notamment des périodes d’attente plus courtes pour l’obtention d’un permis de travail et des soins de santé physique et mentale pour les requérants et leur famille.
Les pays peuvent exiger des demandeurs d’asile qu’ils restent dans une zone désignée comme condition pour recevoir des prestations, et peuvent ne subvenir qu’aux besoins fondamentaux des demandeurs qui sont en transit vers un autre pays de destination, selon le communiqué.
Les États membres de l’UE devraient également veiller à ce que les droits fondamentaux des demandeurs d’asile soient protégés, dont « la dignité humaine et un droit d’asile réel et effectif, y compris pour les plus vulnérables, comme les enfants », a poursuivi la Commission. Les pays devraient également intensifier leurs efforts en matière d’intégration et d’inclusion des migrants.
La Commission a insisté sur la nécessité d’élaborer des procédures d’expulsion efficaces pour renvoyer les immigrés clandestins qui se voient refuser l’asile ou qui représentent une menace pour la sécurité des pays de l’UE.
Elle a également souligné que les pays de l’UE devaient mettre à jour Eurodac, le système d’information sur les empreintes digitales de l’UE, pour y ajouter des images faciales et des informations supplémentaires sur les immigrés clandestins et les demandeurs d’asile. Cette amélioration est « une condition préalable essentielle à la mise en œuvre de tous les autres éléments du pacte », a déclaré la Commission européenne.
Le mécanisme de solidarité répartit le fardeau
Le plan de mise en œuvre met en application les dispositions de « solidarité » du Pacte sur la Migration et l’Asile.
Le pacte établit un « nouveau mécanisme de solidarité obligatoire » qui exigera de tous les membres de l’UE qu’ils viennent en aide aux autres membres submergés par l’immigration clandestine massive. L’UE créera une réserve annuelle à laquelle chaque membre de l’UE devra contribuer soit en relocalisant des immigrants illégaux sur son territoire soit en versant de l’argent.
L’UE attribuera à chaque pays un quota de contribution annuel établi selon sa population et son produit intérieur brut. Le pays doit contribuer au quota qui lui a été attribué, mais il est libre de décider du type de contribution, qui peut consister à accueillir des immigrés clandestins sur son territoire ou à couvrir les coûts engagés par d’autres pays de l’UE pour accueillir des immigrés.
Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne chargé de la promotion de notre mode de vie européen, a déclaré dans un communiqué que le plan de mise en œuvre était « un schéma directeur » destiné à aider les pays de l’UE à faire du pacte sur la migration « une réalité sur le terrain ».
Marcin Kedzierski, professeur adjoint au département des relations internationales de l’université d’économie de Cracovie en Pologne, a déclaré que le Pacte sur la Migration et l’Asile constitue « une sorte d’avancée » par rapport à la proposition initiale de l’UE pour faire face à la crise de l’immigration de 2015.
En 2015, environ 1,3 million de personnes, fuyant pour la plupart les guerres en Syrie et en Irak, ont cherché refuge en Europe. À cette époque, le système d’asile de l’UE s’est effondré, les centres d’accueil de Grèce et d’Italie ont été débordés et les pays plus au nord ont construit des barrières pour empêcher les immigrés clandestins d’entrer.
L’UE a alors lancé l’idée de déplacer les réfugiés et les immigrants d’un pays membre vers un autre pays membre pour faire face à la crise, a déclaré M. Kedzierski dans une interview accordée à Epoch Times le 7 juin.
Le récent pacte sur l’immigration utilise une approche différente, a expliqué M. Kedzierski. Par exemple, l’Italie, largement entourée par la mer Méditerranée, n’a peut-être pas la capacité de mener à bien les procédures d’asile pour tous les ressortissants de pays tiers qui arrivent sur son territoire.
Les principaux itinéraires empruntés par les migrants en provenance d’Afrique et de certains autres pays pour atteindre l’UE passent par la mer Méditerranée.
L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex a rapporté en mars qu’elle avait détecté environ 380.000 franchissements illégaux des frontières de l’UE en 2023, soit une augmentation de 17 % par rapport à l’année précédente, selon une note d’information annuelle de Frontex.
Le nouveau pacte stipule qu’un pays comme l’Italie peut envoyer une partie des demandeurs d’asile arrivant à sa frontière vers des pays d’Europe du Nord comme la Pologne, la Suède, le Danemark ou d’autres pays, a poursuivi M. Kedzierski. Ces pays sont censés traiter les immigrés clandestins et leur accorder l’asile ou les expulser.
« Si ces autres pays ne disposent pas de centres d’asile et ne veulent pas mettre en œuvre les procédures de sélection des immigrants, ils doivent payer les pays qui peuvent mettre en œuvre ces procédures », a souligné M. Kedzierski.
« Le pacte sur la migration met fortement l’accent sur les aspects relatifs au contrôle et à l’expulsion ». Il s’attaque à l’inefficacité du système d’expulsion de l’Union européenne, a poursuivi M. Kedzierski.
L’Allemagne, par exemple, a géré et contrôlé les immigrants fuyant la guerre en Syrie en 2015, dont beaucoup ont obtenu l’asile. Cependant, le pays n’a pas été en mesure d’expulser ceux qui se sont vu refuser l’asile, a ajouté M. Kedzierski, précisant que cela révélait une faiblesse importante dans le système d’expulsion de l’UE.
Plan d’aide à l’Afrique
Au début de l’année, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a dévoilé un plan visant à réduire l’immigration clandestine en provenance du continent africain en renforçant les liens économiques de ce dernier avec l’Europe. Baptisé « plan Mattei » en hommage à Enrico Mattei, fondateur de la compagnie pétrolière italienne Eni, ce plan entend soutenir les secteurs africains de l’énergie et de l’agriculture.
Renforcer les économies locales en Afrique est un moyen de dissuader les jeunes Africains d’émigrer vers le Nord, a déclaré Mme Meloni. Le gouvernement italien s’est engagé à verser une première tranche de 5,5 milliards d’euros (5,95 milliards de dollars) sous forme de prêts, de subventions et de garanties d’État, et cherche à obtenir l’aide du secteur privé et d’organismes internationaux comme l’Union européenne.
L’Union européenne débat depuis longtemps de l’idée de créer un vaste plan d’aide pour l’Afrique, a noté M. Kedzierski. En 2017, le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a appelé à un « plan Marshall pour l’Afrique » d’une valeur de 40 milliards d’euros (43 milliards de dollars).
Le plan Marshal est un programme d’aide américain qui a permis de reconstruire l’Europe de l’Ouest après les ravages causés par la Seconde Guerre mondiale.
Cependant, « en fin de compte, la question se pose toujours de savoir qui va payer, et personne ne veut le faire », a relevé M. Kedzierski.
Après la crise de l’immigration en 2015, le taux de migration a ralenti parce que l’UE a payé la Turquie et certains pays africains pour bloquer l’immigration, a poursuivi M. Kedzierski.
Après la crise de l’immigration en 2015, le taux de migration a ralenti parce qu’un accord entre l’UE et la Turquie ainsi que certains pays africains a été signé en 2016 pour empêcher les immigrants d’affluer en Europe. En contrepartie, l’Union européenne a accepté de fournir une aide financière à la Turquie pour couvrir les frais d’accueil des réfugiés.
Cependant, la situation politique a changé et il n’est plus possible de payer les pays pour qu’ils arrêtent l’immigration, a affirmé M. Kedzierski.
« Il est impossible d’arrêter physiquement cette [migration de masse] si les conditions de vie en Afrique du Nord ne s’améliorent pas radicalement », a soutenu M. Kedzierski. « Même si des bateaux transportant des migrants coulent en Méditerranée, les migrants ne renonceront pas pour autant à rejoindre l’Europe ».
Le récent sommet du Groupe des Sept (G7), qui s’est réuni la semaine dernière en Italie, a « salué » le plan Mattei pour l’Afrique, selon une déclaration commune des dirigeants du G7 représentant le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Le secteur privé italien a déjà réalisé certains investissements et le plan est ouvert aux contributions internationales, selon un communiqué du G7.
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