La plus haute juridiction polonaise s’est prononcée jeudi contre la suprématie absolue du droit communautaire européen, une décision historique qui pourrait menacer le financement par l’UE de la Pologne, voire son appartenance à l’Union.
La Cour a déclaré que certains articles du traité de l’UE étaient « incompatibles » avec la Constitution polonaise et a enjoint aux institutions européennes de ne pas « agir au-delà du champ de leurs compétences » en interférant avec le système judiciaire polonais, qui constitue une pomme de discorde majeure avec Bruxelles.
La Commission européenne est « préoccupée » par la décision du tribunal polonais, a réagi le commissaire Didier Reynders, déclarant que l’UE « utilisera tous les outils » à sa disposition pour protéger la primauté du droit européen qui se trouve « au coeur de l’Union ».
Un désaccord sur les réformes judiciaires
La Pologne et l’Union européenne sont en désaccord sur les réformes judiciaires introduites par le parti conservateur nationaliste au pouvoir Droit et Justice (PiS), qui, selon Bruxelles, menacent la démocratie et l’état de droit dans ce pays.
À Bruxelles, Jeroen Lenaers, un porte-parole du Parti populaire européen, a déclaré : « Trop, c’est trop. C’est une attaque contre l’UE dans son ensemble ».
Le porte-parole du gouvernement, Piotr Muller, a salué l’arrêt de la Cour, soulignant qu’il confirmait « la primauté du droit constitutionnel sur les autres sources de droit ».
Le mois dernier, le commissaire européen chargé de l’Economie, Paolo Gentiloni, a prévenu que l’affaire judiciaire polonaise pourrait avoir des « conséquences » sur le versement des fonds de relance à la Pologne.
Les 23 milliards d’euros de subventions en jeu
L’Union européenne n’a pas encore approuvé les 23 milliards d’euros de subventions et les 34 milliards d’euros de prêts bon marché prévus pour ce pays.
Le gouvernement polonais a qualifié les propos de M. Gentiloni de « chantage ».
Depuis, des responsables européens ont expliqué que l’argent pourrait être déboursé le mois prochain, mais que des conditions strictes seraient posées en échange en matière du respect de l’État de droit.
Le mois dernier, la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne d’infliger des amendes quotidiennes à la Pologne jusqu’à ce qu’elle suspende les réformes judiciaires.
L’indépendance du pouvoir judiciaire
Le différend avec Bruxelles a porté en particulier sur un nouveau système disciplinaire pour les juges qui, selon l’UE, menace gravement l’indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne.
Mais il existe d’autres pommes de discorde, notamment la nomination des juges et leur transfert sans leur consentement entre différents tribunaux ou divisions d’un même tribunal.
La Pologne a déclaré que les réformes étaient nécessaires pour éradiquer la corruption au sein du système judiciaire et a ignoré une ordonnance provisoire de la Cour de justice de l’Union européenne visant à suspendre l’application de ce système disciplinaire.
Ce conflit a fait craindre que la Pologne ne finisse par quitter l’Union européenne, ce qui pourrait affecter la stabilité de cette communauté d’Etats.
Ryszard Terlecki, le vice-président du Parlement, a récemment appelé à des « solutions drastiques » dans le conflit qui oppose la Pologne à l’UE.
« Les Britanniques ont montré que la dictature de la bureaucratie bruxelloise ne leur convenait pas. Ils ont fait demi-tour et sont partis », a-t-il déclaré.
Mais les Polonais sont majoritairement enthousiastes à l’égard de l’Union européenne, plus de 80% d’entre eux soutenant l’appartenance à l’UE qui a accordé à leur pays des milliards d’euros de subventions et tout son acquis, stimulant ainsi son développement depuis son adhésion en 2004.
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