Après avoir été adopté en première lecture par les sénateurs au mois de juillet, le projet de loi pour « sécuriser et réguler l’espace numérique » est, depuis le 19 septembre, débattu à l’Assemblée nationale. S’il est plein de bonnes intentions, notamment en matière de lutte contre la diffusion de contenus pédopornographiques, ce projet de loi contient des propositions inquiétantes et liberticides.
Un projet de loi visant à « sécuriser et réguler l’espace numérique »
Le projet de loi SREN, désormais entre les mains de la chambre basse du parlement, est ambitieux. Comme le rappelle le site Légifrance, il s’agit de « doter la France d’un éventail de mesures concrètes inédites et audacieuses visant à renforcer l’ordre public sur internet dans l’espace numérique ». Le texte est bienvenu et nécessaire puisque s’il existe un lieu où le désordre règne en maître, c’est bien l’espace numérique.
Outre la volonté de réguler davantage l’Internet, le texte contient une vingtaine de propositions dont certaines embrassent des causes nobles. La lutte contre la diffusion de contenus pédopornographiques en sanctionnant les sites hébergeurs, faire davantage respecter la limite d’âge pour l’accès aux sites pornographiques, ou encore la restauration de l’équité commerciale sur le marché du cloud aujourd’hui seulement possédé par quelques acteurs.
Ce texte de loi entend également lutter contre le « cyberharcèlement » et « la haine en ligne » avec le « bannissement » d’un réseau social qui pourra être prononcé par un juge au moment de la condamnation.
Pour le gouvernement, le projet de loi est aussi une urgence juridique. En 2022, lors de sa présidence du Conseil de l’UE, la France a fait adopter deux règlements : un premier qui portait sur les services numériques (DSA) et un deuxième sur les marchés numériques (DMA). Et leur application ne peut se faire que si le droit national est adapté.
De son côté, la chambre haute, lors de l’examen du texte, a souhaité serrer la vis sur certaines propositions. Le sénateur Union Centriste Loïc Hervé a ainsi créé un délit « d’outrage en ligne ». Ce délit est défini comme le fait de « diffuser en ligne tout contenu qui soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Il prendrait la forme d’une amende de 3750 euros et d’un an de prison en plus de la nouvelle peine de bannissement des réseaux sociaux.
Le caractère autoritaire de certaines propositions
Malheureusement, derrière les bonnes intentions du gouvernement et de certains sénateurs avec ce nouveau texte de loi, se cachent des problèmes majeurs : l’inefficacité et la difficile application de certaines propositions, mais surtout une dérive autoritaire. Le bannissement des réseaux sociaux pour les personnes condamnées pour cyberharcèlement ou publication de propos haineux en ligne n’aura que peu d’effets. Cette sanction n’empêche en aucun cas l’individu condamné de se recréer un compte. Comment pouvons-nous être certains que la personne bannie ne pourra revenir sur le réseau social concerné ? Le texte n’a étrangement pas pris en compte cette simple alternative.
Le caractère autoritaire du projet de loi SREN est notamment présent dans la proposition visant à faire respecter les limites d’âge en ligne pour l’accès aux sites pornographiques. Cette mesure risque d’engendrer des contrôles d’identité excessifs et porte par définition atteinte au droit à l’anonymat.
« L’anonymat est un droit indéniable » affirmait avec justesse la docteure en sciences et entrepreneure, Aurélie Jean, dans une chronique publiée dans Les Échos l’an dernier.
Plus inquiétant encore, « le délit d’outrage » du sénateur centriste Loïc Hervé en cas notamment de création de situation intimidante, hostile ou offensante à l’égard d’un individu ». Cette mesure est un danger pour la liberté d’expression et est au cœur de la dérive autoritaire du projet de loi. À une époque où l’on dénonce en permanence des contenus ou des propos soi-disant « offensants », le risque est de se retrouver dans une situation de condamnations complètement disproportionnées. Que va-t-il advenir des pages humoristiques présentes sur tous les réseaux sociaux se moquant gentiment d’individus se trouvant dans une situation amusante ? Les responsables de ces comptes vont-ils écoper d’une amende de 3750 euros ?
Les amateurs de Lucky Luke qui publieront des images de leur bande dessinée vont-ils être condamnés parce que certains se seront sentis offensés par des dessins représentant des amérindiens ?
Ce délit d’outrage en ligne surprend également par sa dimension woke. Il crée toutes les conditions de la manifestation de l’un des bras armés du wokisme : la cancel culture. Cet outil imaginé par une partie de la gauche américaine il y a quelques années et repris par les milieux de gauche radicale du monde entier pour condamner toute œuvre ou tout propos jugés « offensants ».
Ce projet de loi Espace numérique (SREN) apparait donc dans un premier temps comme nécessaire puisqu’il s’attaque à des sujets trop longtemps négligés par les pouvoirs publics. Mais il cache une dérive autoritaire qui n’est pas sans rappeler la loi Avia de 2020, censurée à l’époque par le Conseil constitutionnel.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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