Une proposition de Loi en France pour réglementer la transplantation d’organes à l’étranger

21 octobre 2010 15:48 Mis à jour: 25 avril 2024 16:19

Le mardi 19 octobre s’est tenue à l’Assemblée Nationale une conférence de presse intitulée «Comment lutter contre le tourisme de transplantation d’organes» organisée par Valérie Boyer

Députée des Bouches du Rhône, adjointe au Maire de Marseille et Secrétaire nationale UMP chargée des questions de Santé. A ses côtés parmi d’autres, David Kilgour avocat et ex-secrétaire d’état pour l’Asie du Canada et Maître David Matas, avocat international des droits de l’homme venus spécialement du Canada à cet effet.  A cette occasion la Députée des Bouches du Rhône a présenté cette proposition de Loi visant à lutter contre le tourisme de transplantation d’organes et cosignée par 58 députés.

Comment lutter contre le tourisme de transplantation d’organe?

En 2004, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a appelé les États membres à  «prendre des mesures pour que les groupes de personnes les plus pauvres et les plus vulnérables soient protégés du tourisme de transplantation et de la vente de leurs organes». Lors de la conférence à Madrid le 24 mars 2010, le sujet du don d’organe volontaire et gratuit a été largement abordé par les pays membres, pointant du doigt les pays ne respectant ces droits tel que la Chine, le Pakistan ou la Colombie. Le 19 mai 2010, c’est le Parlement Européen qui concrétisait cette initiative en votant à la grande majorité une résolution législative réglementant les normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation ainsi qu’un plan d’action sur le don et la transplantation d’organes visant à  renforcer de la coopération entre les États membres.

Ce 19 octobre 2010, c’est au tour de la France de proposer une telle réglementation pour le territoire français. La Députée UMP Valérie Boyer  a en effet déposé le 16 septembre 2010 une proposition de loi (1) cosignée par 58 de ses collègues visant à lutter contre le tourisme de transplantation d’organes. Selon la Députée « il n’y a en France aucune procédure d’alerte pour identifier ces crimes et ces délits qui sont commis à l’étranger ».  Avec ce texte de Loi la Députée souhaite comme l’a fait la loi israélienne et la proposition de loi canadienne, que l’on modifie les lois actuelles pour lutter contre ce tourisme de transplantation en organisant des alertes et des vérifications par les médecins, de ces greffes qui sont faites  à l’étranger. Il apparaît dans cette proposition de Loi que des dérives inacceptables sont apparues, notamment en citant  «le sort tragique des pratiquants du Falun Gong en Chine» dont les organes sont obtenus sur des donneurs vivants contre leur volonté et sous la menace. « En effet, plusieurs enquêtes(2) ont mis à jour l’existence d’un réseau de trafic d’organes prélevés sur les membres de cette communauté dont la persécution perdure depuis de nombreuses années. » (1).

Lutter contre le tourisme français des greffes d’organes en Chine

Avec plus 340 camps de travaux forcés non soumis au système judiciaire, la Chine emprisonne 300.000 criminels présumés par camps et des «ennemis d’Etat» sans s’embarrasser de procédures légales. Parmi ces prisonniers on trouve en masse des membres du mouvement bouddhiste Falun Gong. Ils représenteraient, selon un rapport du gouvernement américain de 2007, la moitié de la population carcérale chinoise.

Dans leur enquête « Prélèvements Meurtriers » (2), David Kilgour et David Matas ont réuni 52 preuves qui convergent toutes vers la même conclusion: en Chine, l’armée et les hôpitaux militaires, parfaitement organisés sous l’autorité du parti communiste, exécutent des membres du Falun Gong pour profiter de leurs organes dans le cadre d’un commerce «très lucratif».

Dans ce contexte, David Matas, avocat international des droits humains basé au Canada, a pris la parole en indiquant «qu’il faudrait que tout citoyen ou résident français qui obtient une greffe d’organe à l’étranger  fournisse à l’Agence française biomédicale un certificat attestant le don à titre gratuit de l‘organe et que tout médecin qui examine un patient transplanté signale l’identité du patient à l’agence». Selon lui la Chine a été et reste un centre majeur d’abus dans ce domaine. Il a expliqué que contrairement au système pénal du Canada, si un ressortissant français commet un meurtre à l’extérieur de la France, le ressortissant peut être poursuivi pour ce meurtre en France, ce qui n’est pas une moindre conséquence pour des patients français transplantés illégalement.

A son tour David Kilgour, avocat et ex-secrétaire d’état pour l’Asie du Canada, a pris la parole en rappelant que ce commerce d’organes en Chine sur les pratiquants de Falun Gong était à qualifier de crime contre l’humanité. Il a rappelé également qu’il fallait bien comprendre la situation actuelle en Chine, en prenant  pour exemple, Liu Xiaobo, premier chinois à avoir obtenu le prix Nobel de la Paix, et emprisonné actuellement pour onze ans pour avoir commis comme seul crime de demander la démocratie et l’Etat de droit pour ses compatriotes chinois.

Concernant la pratique des prélèvements d’organes forcés, il a expliqué que les pratiquants de Falun Gong aujourd’hui représentent environ les deux tiers des victimes de torture et sur 340 camps de rééducation par le travail en Chine, ayant chacun une capacité de 300 000 personnes, plus de la moitié des prisonniers sont des pratiquants de Falun Gong dont certains sont tués pour leurs organes. Selon les recherches réalisées par David Matas et David Kilgour, des milliers de pratiquants ont été tués depuis 2001 pour alimenter un trafic d’organes destiné à des patients chinois et étrangers. Ils en en sont arrivés à la conclusion que l’on ne pouvait expliquer la provenance des 41 500 greffes qui avaient été réalisées entre 2000 et 2005 que par le prélèvement sur des pratiquants de Falun Gong.  Invité le matin même sur le plateau de l’émission « Le Magazine de la Santé » sur France 5, Mr Kilgour révélait qu’en moyenne quatre hommes ou femmes sains étaient tués pour la réussite de la transplantation d’un seul organe sur un patient. Les prix colossaux de ces organes vont par exemple de 96 000 € pour un cœur à 170 000 € pour un poumon, sommes redistribuées aux médecins, militaires, hôpitaux, fonctionnaires ayant autorisés ce commerce d’organes.

En concluant qu’«il y a eu et continue d’y avoir aujourd’hui des prélèvements d’organes à grande échelle sur des pratiquants de Falun Gong non consentants. Leurs organes vitaux, notamment le cœur, les reins, le foie et les cornées ont été prélevés de leur vivant sans leur consentement et vendus à prix très élevés, parfois à des étrangers qui normalement doivent attendre très longtemps des donneurs volontaires dans leur pays d’origine. »

C’est dans ce contexte que la Députée Valérie Boyer a déposé le 16 septembre dernier, une proposition de loi visant à renforcer le système de surveillance et de traçabilité des transplantations, à l’image de ce qui a été fait avec succès au Canada en 2008.

(1)    Proposition de Loi visant à lutter contre le tourisme de transplantation d’organes :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2797.asp

(2)    Enquête internationale sur les prélèvements d’organes à grande échelle sur les pratiquants de Falun Gong en Chine

http://organharvestinvestigation.net/

Voir aussi :

Étaient également présents à cette conférence :

Pr Jacob LAVEE, chirurgien cardiaque et Président de la Société Israélienne de transplantation,

Ali BENMAKHLOUF, professeur des universités de Nice Sophia Antipolis et membre du comité consultatif national d’éthique,

Philippe GOSSELIN, Député de la Manche et Président Grande cause nationale sur le don de vie 2009,

Françoise HOSTALIER, Député du Nord,

Pr Francis NAVARRO, Chef du service de chirurgie et de transplantation CHU Montpellier France, n’ayant pas pu se joindre à la conférence à cause des grèves de transport. 

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