Quel enseignement de l’histoire?

11 mai 2015 09:12 Mis à jour: 17 octobre 2015 22:37

 

En réponse à la volonté du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) de réformer l’enseignement de l’histoire dans les collèges, érudits et historiens français ont levé leurs boucliers pour protester sur les nouvelles directives.

D’après une enquête de l’Ined (rapport «Trajectoires et origines», 2010), bien que de nationalité française, 37% des jeunes d’origine étrangère ne se sentent pas Français. Un problème d’intégration sociale, à l’origine semble-t-il, des nouvelles directives du CSP qui entend revoir sa copie et celles des collégiens.

Ce qui va changer

Le débat vise particulièrement les programmes concernant le cycle 4 des collèges. Jusqu’à présent, l’enseignement couvrait presque un millénaire d’histoire de l’Europe occidentale, de l’Empire romain aux temps modernes.

Désormais, les nouveaux programmes s’ouvrent sur la naissance de l’Islam et le contexte des conquêtes des premiers empires arabes – représentant 10% du temps d’enseignement dans l’année, pour poursuivre sur un module consacré à l’Occident féodal. Y seront aussi évoqués les civilisations africaines médiévales entre le VIIIe et le XVIe siècle.

Les professeurs pourront, en fonction du temps et de leur classe, choisir des thèmes proposés pour mettre en lumière une partie de l’enseignement obligatoire.

Prééminence des «enjeux contemporains»

«L’histoire du fait religieux, abordée au cours de l’année de sixième, est complétée et approfondie, et permet à l’élève de mieux situer et comprendre les débats actuels», détaille le CSP dans sa charte. Le but, compléter l’enseignement des trois grandes religions monothéistes, au détriment de grands pans de l’histoire française. Le Grand siècle de Louis XIV sera par exemple évoqué de façon succincte en fin d’année en même temps que la Renaissance,  deux périodes qui sont pourtant fondatrices de notre histoire française dans le monde.

C’est ainsi qu’une partie de l’héritage judéo-chrétien occidental et des figures historiques disparaît au bénéfice d’une approche sociologique, privilégiant les grands thèmes. Des programmes «adaptés aux enjeux contemporains de la société», résume le CSP.

Pour nombre d’historiens, ces modifications sont inquiétantes et révèlent un profond malaise dans une interprétation et un apprentissage de l’histoire selon le fait politique.

Signe d’une crise identitaire, oui et non

Pour Pierre Nora, historien et académicien, le nouveau contenu des programmes est moins inquiétant que leur structure, qui relève d’un «manque de cohérence» à travers une mosaïque de thèmes peinant à bien s’articuler. «Cette absence d’orientation reflète la crise identitaire que traverse la France, une des plus graves de son histoire», alerte-t-il. En effet, sans la chronologie des faits et leurs implications les uns avec les autres, le processus structurant de l’histoire, de savoir d’où l’on vient, est remis en question par une approche identitaire hors sol enseignée aux jeunes générations.

D’après les historiens, les figures de l’histoire et la chronologie des évènements, comme pour une bonne série télévisée, permettent de la rendre plus vivante et attractive auprès des élèves. Ils peuvent ainsi en prendre possession et comprendre la culture de leurs pays, ce qu’une histoire sélective et biaisée ne pourra leur donner. Au contraire, en retrouvant la chronologie des questionnements sociétaux du passé, les élèves pourront mieux mettre en lumière leur histoire présente.

On remarquera pourtant que l’enseignement de l’histoire arabe ou africaine, par exemple, répond à un fort métissage d’une partie des collégiens français. Ce qui ne veut néanmoins pas dire que cette histoire non autocentrée ne réserve de nombreuses surprises, notamment sur la période préislamique souvent très méconnue, alors qu’elle était la plus prospère de l’histoire du nord de l’Afrique. Au même titre, pour rester impartial, il aurait fallu que le CSP introduise également l’histoire de la Chine, semble-t-il absente des manuels, puisqu’elle est l’une des civilisations les plus influentes de notre époque.

En évitant les erreurs d’une histoire sélective et politisée, la question est aussi d’intéresser les jeunes têtes au processus historique en lui-même, un processus de recherche de la vérité passionnant et structurant, permettant de mieux comprendre nos origines et les enjeux bien actuels de ce monde.

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