Investisseurs et entreprises de défense ont cherché jeudi à Bercy un consensus sur le financement supplémentaire des entreprises de défense, rendu nécessaire par l’évolution de la position américaine vis-à-vis de l’Ukraine.
« Le financement, public, privé et populaire, m’apparaît plus que jamais comme le ‘nerf de la paix’ » a déclaré le ministre de l’Économie Éric Lombard.
🗣️ Eric Lombard (@Eric_R_Lombard), ministre de l’Économie, à Bergerac : « L’investissement dans la défense est socialement responsable mais c’est socialement indispensable. Cet effort de défense garantit la paix dans la durée. » pic.twitter.com/ON2QUa6pFY
— LCI (@LCI) March 20, 2025
Un ticket d’entrée minimum de 500 euros
Les Français pourront contribuer à l’effort via le lancement par la banque publique d’investissement Bpifrance d’un fonds destiné aux particuliers : l’investissement minimum est de 500 euros avec une limite de « plusieurs milliers d’euros », selon M. Lombard. Les fonds seront bloqués « pendant au moins cinq ans ». La cible est de collecter 450 millions d’euros.
« D’autres fonds privés seront mis à disposition pour celles et ceux qui le veulent et ont de l’épargne à long terme »,d’après le ministre.
C’est « très important d’associer l’ensemble des Français », s’est réjoui M. Lombard. Selon lui, par ailleurs, « les investisseurs publics, comme la Caisse des dépôts et Bpifrance, investiront 1,7 milliard d’euros pour renforcer les fonds propres » de ces entreprises. Avec l’apport espéré d’investisseurs privés, cela représente « jusqu’à 5 milliards d’euros en soutien du secteur », a-t-il noté, somme proche des besoins actuellement évalués.
Chaque Français qui le souhaite doit pouvoir, de manière volontaire, prendre sa part dans notre effort de défense.
La création par @Bpifrance d’un fonds d’investissement, ouvert aux particuliers et dédié au soutien des PME de notre base industrielle et technologique de défense,… https://t.co/wspkeNom0t
— Sébastien Lecornu (@SebLecornu) March 20, 2025
Neuf grands groupes et 4500 PME et ETI
La « base industrielle et technologique de Défense » (BITD) française comporte neuf grands groupes, comme Dassault Aviation, Thales ou Airbus, mais aussi quelque 4500 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), selon Bercy, plus fragiles financièrement que d’autres secteurs.
Or, le monde de la finance semble parfois réticent à investir dans la défense, car il est sensible aux « critères ESG » (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans ses choix, voulant éviter d’investir dans des actifs « controversés ».
Éric Lombard s’est élevé contre « ce malentendu sérieux », cette « vision fausse » d’un « investissement irresponsable ». « Il n’y a pas d’armes controversées, il n’y a que des armes interdites et des armes autorisées », a-t-il relevé, ajoutant que l’investissement dans la défense « protège notre souveraineté, la démocratie, la liberté, le développement durable ».

Le ministre des Armées Sébastien Lecornu a renchéri : produire des armes autorisées « n’est pas sale ». Nicolas Namias, président du directoire du Groupe BPCE, qui s’exprimait au nom du secteur bancaire, a reconnu « qu’il faut un engagement stratégique, pour accompagner tout ce qui n’est pas interdit ».
« Qu’on sorte de l’auto-flagellation, c’est une excellente nouvelle »
BPCE et BNP Paribas ont annoncé que leurs filiales d’assurances doubleraient leur exposition dans la défense.
Désormais, « on financera tout ce qui est permis par la loi », a assuré également Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts et consignations. « Les objectifs de l’ESG ne sont pas derrière nous. Mais (il faut y ajouter) Énergie, Sécurité et Géostratégie », a renchéri la directrice générale d’Euronext Paris (la Bourse de Paris), Delphine d’Amarzit.
Christophe Bavière, co-CEO de la société de gestion Eurazeo, a passé une matinée « enthousiasmante ». Les investissements dans la défense, a-t-il indiqué à l’AFP, étaient « traités presque comme de la pornographie » : « on devait les cacher » dans les rapports, en insistant sur la composante civile des entreprises concernées. « Qu’on sorte de l’auto-flagellation, c’est une excellente nouvelle », a-t-il ajouté, assurant toutefois ne pas vouloir « mettre l’ESG à la poubelle ».
Parmi les entreprises présentes, Alain Dulac, vice-président PME du GIFAS (Industries Aéronautiques et Spatiales), et PDG de Factem (produits audio pour l’armée) s’est dit « confiant » après la réunion.
Le président du Medef, Patrick Martin, a apporté un bémol : les entreprises du secteur « s’inquiètent de la pérennité de l’effort » annoncé, selon lui, et « ne bougeront que si elles ont des certitudes ».
Pas « de nouveau ‘quoi qu’il en coûte’ »
Pour Éric Lombard, l’évènement a été « une réussite », dégageant un « consensus » sur l’aspect « socialement responsable » du financement de la défense nationale. Celui-ci s’inscrit toutefois dans une équation budgétaire difficile. « Il ne peut pas y avoir de nouveau ‘quoi qu’il en coûte’ » à ce sujet, a prévenu sur BFMTV/RMC jeudi le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, plaidant pour un effort « mesuré » et « financé ».
Éric Coquerel, président LFI de la Commission des Finances de l’Assemblée national, présent à Bercy, s’est dit auprès de l’AFP « d’accord » avec la nécessité « d’autonomie » de la défense française, mais a regretté que M. Lecornu « nomme les adversaires » dans son discours, Russie, Iran, Corée du Nord, « laissant entendre qu’on est quasiment en guerre froide ».
Et, entre un déficit important et la volonté du gouvernement de ne pas augmenter les impôts, les sommes consacrées à la défense sont autant d’argent qui « n’ira pas aux objectifs environnementaux et sociaux », a-t-il déploré.
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