Ce n’est que dans les années 70 que par des méthodes scientifiques, les chercheurs ont enfin compris que les incendies répondaient aussi à une nécessité pratique et n’étaient pas qu’un simple rituel «primitif» des indigènes.
Pour trouver l’Amérique millénaire, celle qui a gardé son paysage intact depuis des centaines et des milliers d’années, il faut sortir de San Francisco sur la 101 et se diriger vers la côte nord. Traverser la vallée de Sonoma, réputée pour ses vignobles et jalonnée par des châteaux qui semblent sortis tout droit des films de Walt Disney, pour enfin arriver aux parcs de séquoias, là où l’on ressent le cœur battant du monde, avant l’arrivée de l’«homme blanc», voire avant l’arrivée de l’homme tout court.
Parmi les grands trésors de l’Amérique du Nord se trouvent les arbres les plus hauts du monde. Ainsi quand vous découvrirez les parcs de séquoias, il se peut que vous soyez émerveillé par ces spécimens qui existaient déjà du temps des dinosaures.
C’est le dernier âge de glace qui aurait défini les caractéristiques et la place des séquoias tels que nous les connaissons aujourd’hui.
À la préhistoire, cet arbre couvrait l’hémisphère nord de la planète. Aujourd’hui, il s’étend sur la côte pacifique entre le centre de la Californie et le sud de l’Oregon.
Comment le séquoia a traversé les siècles
Il existe trois types de séquoias, appartenant tous à une même famille. Le séquoia de la côte du Pacifique (Sequoia sempervirens), le séquoia géant (Sequoiadendron giganteum), le plus connu des trois que l’on trouve dans les montagnes de la Sierra Nevada, et enfin le métaséquoia (Metasequoia glyptostroboides), le plus petit des trois qui n’a pu survivre que de l’autre côté du Pacifique – en Chine.
Le séquoia est un arbre à écorce rouge comme son nom l’indique en anglais (Redwood, bois rouge), contenant du tanin – une matière qui le protège des insectes, des champignons et rend sa combustibilité quasi impossible.
Ces arbres de 120 mètres de haut, témoins de toute l’histoire des peuples et des civilisations, en surprendront plus d’un. Un séquoia peut vivre deux mille ans avant de se régénérer, car là où un séquoia est tombé, ses propres germes poussent sur ses racines, en formant un cercle. C’est le génie que la nature a octroyé à ce géant. Se tenir au centre du cercle, au milieu de la forêt, relève de la magie. La majesté du séquoia inspire le sacré et l’on comprend alors que les indiens les vénéraient comme des divinités.
Un système d’ «auto arrosage» permet aux séquoias de compenser la petite taille de leurs racines – à peine 4 mètres de profondeur pour 120 mètres de haut. Les branchages et les feuilles en aiguilles accumulent l’eau du brouillard, si fréquent sur cette côte, pour arroser plus tard, par petites gouttes, les racines.
Une vie abondante anime les sommets de ces arbres immenses: des salamandres, des chauves-souris, des écureuils, mais aussi des pékans et des martres américaines en danger d’extinction, chassés pour leur fourrure. Les habitants les plus étonnants de ces géants sont encore les espèces de plantes rares telles que les orchidées.
Rencontre avec l’homme blanc
En 1850, avec la ruée vers l’or, l’«homme blanc» arrive sur la côte ouest. Les forêts de séquoias couvrent à l’époque 8.100 km2. Les mineurs, ne trouvant pas d’or, comprennent vite le potentiel des séquoias. Dans un Ouest en pleine construction, ils décident de l’exporter à grande échelle.
En moins de cent ans, l’homme blanc a détruit 90% de ce que les Amérindiens avaient su garder pendant des générations. En 1890, la «ruée vers le redwood» atteint son comble et toutes les forêts de séquoias appartiennent à des propriétaires privés. De grandes sociétés se sont servies des avantages proposés aux pionniers pour faciliter leur installation et ont abusivement acheté toutes les parcelles pour des sommes dérisoires. Dans ce contexte, les demandes pour préserver les séquoias ont été repoussées. En 1910, il est devenu évident que les derniers arbres allaient bientôt disparaître. Mais ce n’est ni pour des raisons sentimentales ni pour des raisons esthétiques que les séquoias ont finalement été sauvés, mais grâce à la science.
Des découvertes ont relié ces arbres à des fossiles datant de millions d’années, et ils ont été, à partir de ce jour, considérés comme patrimoine national. En 1918, les paléontologues Henri Ferfield Osborn et John C. Merriam ont créé la ligue pour sauver les séquoias. En 1920, les premiers parcs nationaux de séquoias ont vu le jour.
Puis, fort de ses bonnes intentions, l’homme blanc a continué à faire des dégâts – par ignorance cette fois, personne n’ayant pensé à consulter les peuples qui avaient su préserver ces arbres pendant des millénaires.
Les Amérindiens et les séquoias
Des fouilles archéologiques ont révélé les traces des Amérindiens du début du millénaire précédant et d’autres encore, arrivés quelques centaines d’années auparavant. Ceux-ci ont intégré les indigènes qui étaient déjà là depuis des milliers d’années.
Les différentes tribus amérindiennes ont su bénéficier de leur nouvel environnement tout en le respectant.
Les Indiens d’Amérique appréciaient le potentiel du séquoia et le vénéraient. Ils n’utilisaient que les arbres tombés naturellement pour construire leurs canoës et leurs habitations.
Animistes, les Indiens considéraient leur habitation comme un être vivant et le séquoia comme le corps physique d’un esprit. Pour eux, ces esprits étaient des entités divines qui peuplaient les régions de séquoias bien avant l’homme. Ce sont ces entités qui ont livré à l’homme leurs secrets pour vivre en harmonie parmi les séquoias.
Des incendies qui font pousser les arbres
En 1904, le président Théodore Roosevelt lance un plan dans le but de créer un parc national en Californie. Ce plan n’a été réalisé que 15 ans plus tard. Roosevelt, par sa bonne volonté, a interdit ce qu’il prenait pour des cérémonies indiennes – les allumages systématiques de feux de forêts. Ce qu’on ne savait pas, c’est que les incendies favorisaient la germination des graines de séquoias.
En effet, les incendies régularisés étaient une façon intelligente de maintenir l’écosystème et de permettre une cohabitation harmonieuse entre la faune et la flore de la région.
Ces incendies augmentaient la quantité de nourriture pour les cerfs et autres gibiers en améliorant leur environnement. Ce fait a facilité à son tour la chasse. Mais les incendies permettaient surtout de modérer la croissance de la forêt et d’éviter les grands feux non contrôlés. Outre le fait d’éradiquer les maladies des arbres liées aux champignons, les incendies permettaient également aux séquoias de bénéficier de davantage de lumière. Malheureusement, aujourd’hui une trop grande densité menace les séquoias, qui se livrent entre eux une lutte féroce pour la lumière.
Les Amérindiens savaient aussi que pour que les graines des séquoias pénètrent le sol, il fallait d’abord nettoyer la flore morte qui étouffe le sol. Cela se faisait par les incendies naturels.Aussi avaient-ils compris que le feu désinfectait les arbres des maladies et des parasites. Comment l’avaient-ils compris ? Peut-être que ces illustres ancêtres ne parlent qu’à ceux qui savent les écouter…
Ce n’est que dans les années 1970 que par des méthodes scientifiques, les chercheurs ont découvert que ces incendies répondaient à une nécessité pratique et n’étaient pas qu’un simple rituel «primitif» des indigènes – qui d’ailleurs menaçaient surtout les profits des compagnies de bois. Comme tout l’écosystème a changé au cours du siècle dernier, la question n’avait plus de solution simple.
Aujourd’hui, dans certains lieux, la pratique des incendies a été restaurée. Un modèle de combustion amérindien modifié pourrait facilement fournir des avantages à long terme pour le maintien et la restauration des forêts de séquoias.
En repartant vers la «civilisation», on quitte les séquoias avec le cœur un peu lourd, tout comme lorsque l’on quitte de très vieux amis…
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