Les combats acharnés se poursuivent mardi au Soudan entre l’armée et les paramilitaires en guerre pour le pouvoir, ignorant une trêve constamment violée, alors que la communauté internationale s’alarme d’une situation humanitaire qui vire à la « catastrophe ».
« On entend des coups de feu, des avions de guerre et des tirs antiaériens », rapporte à l’AFP un habitant de Khartoum, la capitale en proie au chaos depuis le 15 avril, jour où les combats ont commencé entre Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’État et de l’armée, et son numéro deux, Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », à la tête des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Les violents affrontements à Khartoum et dans d’autres régions, en particulier au Darfour (ouest), ont fait plus de 500 morts et dix fois plus de blessés, selon des bilans largement sous-évalués. Dimanche, une nouvelle trêve quasiment jamais respectée a été renouvelée pour 72 heures.
Les étrangers continuent de quitter le pays et les Soudanais de fuir par dizaines milliers. L’ONU s’attend à « plus de 800.000 personnes » cherchant refuge dans les pays voisins comme l’Égypte, le Tchad, l’Éthiopie et la Centrafrique. Ceux qui restent sont confrontés à des pénuries d’eau, d’électricité et de nourriture, alors que la température à Khartoum dépassent les 40 degrés Celsius.
Deux généraux sourds aux appels de la communauté internationale
Le conflit transforme le drame humanitaire déjà existant en « véritable catastrophe », a alerté Abdou Dieng, coordinateur de l’aide humanitaire au Soudan, lors d’une réunion lundi à l’ONU. Pour le président kenyan aussi, la crise atteint un « niveau catastrophique ». Et les deux hommes en guerre refusent « d’entendre les appels » de la communauté internationale, a regretté William Ruto, appelant à acheminer l’aide humanitaire « avec ou sans cessez-le-feu ».
Les généraux Burhanne et Daglo avaient fait front commun pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019, lors du putsch de 2021. Mais des divergences sont ensuite apparues et le conflit entre les deux s’est intensifié quand ils ne sont pas parvenus à s’entendre sur l’intégration des FSR dans l’armée régulière, avant de se transformer en lutte armée.
Dans un appel au président kenyan, le secrétaire d’État, Antony Blinken, a « réitéré le soutien des États-Unis » aux efforts diplomatiques pour « mettre fin au conflit » et assurer « un accès humanitaire sans entrave ». Le responsable de l’ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, s’est rendu lundi à Nairobi pour une mission d’urgence. La situation « depuis le 15 avril est catastrophique », a-t-il tweeté.
Une catastrophe sanitaire et humanitaire
D’autant que les violences et les pillages n’ont épargné ni les hôpitaux ni les organisations humanitaires, dont beaucoup ont dû suspendre une grande partie de leurs activités.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) craint elle aussi une « catastrophe » pour le système de santé, déjà très fragiles avant la guerre au Soudan, l’un des pays les plus pauvres au monde et sous embargo international pendant deux décennies. Seuls 16% des établissements de santé fonctionnent véritablement à Khartoum, mais, même là, le matériel et le personnel, épuisé, viennent à manquer.
L’aide parvient toutefois au compte-goutte : six conteneurs de matériel médical de l’OMS sont arrivés, notamment pour traiter les blessés graves et les patients souffrant de malnutrition aiguë. Du carburant, de plus en plus rare, a été distribué à certains hôpitaux qui dépendent de générateurs.
Le pillage des dispensaires et des camps de déplacés
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a aussi commencé à reprendre ses activités, après une suspension temporaire justifiée par la mort de trois employés. Au-delà de Khartoum, le chaos a emporté le Darfour-Ouest, où même les civils participent désormais aux violences, selon l’ONU, évoquant une centaine de morts depuis la semaine dernière, lorsque les combats ont débuté dans cette région déjà marquée par une sanglante guerre civile dans les années 2000.
« Le système de santé s’est complètement effondré à El-Geneina », chef-lieu du Darfour-Ouest, s’inquiète le syndicat des médecins, ajoutant que le pillage des dispensaires et des camps de déplacés ont provoqué des « évacuations d’urgence » des équipes humanitaires.
Au total, plus de 330.000 personnes ont été déplacées à travers le pays, dont plus de 70% au Darfour-Ouest et du Darfour-Sud, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
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