Le scandale de corruption qui a éclaté mardi dans le basket-ball jette une lumière crue sur les sombres pratiques du monde prestigieux du sport universitaire américain, en contradiction permanente entre le statut amateur des joueurs et les milliards qu’il brasse.
Pour beaucoup des acteurs des « college sports », à l’immense popularité, il n’y a pas de doute : l’affaire de pots-de-vin qui a déjà mené à l’interpellation de dix personnes, agents et entraîneurs, n’est que la partie émergée de l’iceberg.
« Vous êtes à la ramasse », a lancé mercredi l’ailier des New York Knicks (ligue professionnelle NBA) Michael Beasley, passé par l’université de Kansas State, en réponse à une question sur l’ampleur du phénomène.
« Je connais personnellement des gens qui se sont vus offrir divers avantages et de l’argent pour les persuader d’aller dans une université », renchérit Kain Colter, ancien joueur de football américain de haut niveau en université, précisant ne pas l’avoir lui-même vécu.
L’enquête révélée mardi a notamment mis au jour le versement de sommes allant jusqu’à 150.000 dollars à des joueurs de lycée et leur famille, un stratagème monté par des agents, un haut responsable de l’équipementier Adidas et des entraîneurs.
« C’est un problème systémique dans le sport universitaire depuis de nombreuses années », affirme David Ridpath, professeur à l’université d’Ohio et spécialiste du sujet.
Plusieurs scandales ont déjà éclaboussé des bastions du sport universitaire.
Une enquête a ainsi révélé que quatre joueurs de l’équipe de basket de l’université de Michigan, dont la star Chris Webber, avaient reçu, entre 1988 et 1996, plus de 600.000 dollars d’un « booster », personnage qui gravite dans l’ombre des stades universitaires et met parfois la main à la poche.
Une autre institution du sport universitaire, l’université de Californie du Sud (USC), a été lourdement sanctionnée en 2010: des investigations avaient révélé que le joueur de football américain Reggie Bush et le basketteur O.J. Mayo avaient notamment reçu téléviseurs, billets d’avion et argent liquide de la part d’agents.
Le paradoxe est difficilement tenable: d’un côté des sportifs étudiants dont les frais sont pris en charge par l’université mais censés ne percevoir aucun revenu, de l’autre une compétition-spectacle enracinée dans la culture américaine qui génère des milliards de dollars chaque année.
Ainsi, le dernier contrat de diffusion en date concernant le basket universitaire lie l’organisme de supervision du sport universitaire, la NCAA, aux groupes de télévision CBS et Turner jusqu’en 2032, moyennant 19,6 milliards de dollars sur 22 ans.
L’université d’Alabama, quatre fois championne ces huit dernières années, a dégagé, uniquement grâce à son programme de football américain, 103 millions de dollars de revenus en 2016.
A l’université de Michigan, l’entraîneur de l’équipe de football Jim Harbaugh perçoit un salaire de 7 millions de dollars par an.
La solution la plus régulièrement évoquée est de renoncer à l’amateurisme pour permettre aux joueurs de recevoir leur part de ce gigantesque gâteau.
Ils sont nombreux à militer en ce sens et la justice a déjà été saisie du sujet.
En 2015, une cour d’appel a estimé que la NCAA et ses universités-membres s’étaient bien rendues coupables de pratiques anticoncurrentielles, agissant de facto comme un cartel.
Mais l’année suivante, la Cour suprême des Etats-Unis a refusé d’examiner le dossier, empêchant cette jurisprudence de devenir incontournable.
Pour David Ridpath, le seul exemple comparable à celui du sport universitaire américain est celui des jeux Olympiques, qui ont longtemps exclu les sportifs professionnels, alors que le monde du sport se transformait radicalement.
« Des gens disaient que s’ils y renonçaient, ils n’auraient plus d’intérêt commercialement », rappelle-t-il. « Je pense que nous voyons aujourd’hui à quel point l’idée était fausse. »
« Les joueurs sont déjà payés », par le biais d’une bourse qui couvre les frais de scolarité et d’hébergement, fait valoir Kain Colter. « Le sujet, c’est de ne pas limiter leurs revenus », dit celui qui co-fonda le premier syndicat d’athlètes universitaires (CAPA).
Beaucoup soulignent également qu’une grande majorité des joueurs concernés ne deviendront pas des professionnels de haut niveau après l’université, et se voient donc privés de leur seule opportunité de vivre de leur sport.
« On ne peut plus continuer à essayer de ménager les deux », l’amateurisme et l’argent, plaide David Ridpath. « Nous devons faire un choix. »
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