« Touche pas à mon château » : le combat d’un village de Bourgogne, victime d’une rocambolesque affaire de blanchiment d’argent

Par Epoch Times avec AFP
10 octobre 2021 11:00 Mis à jour: 10 octobre 2021 11:17

« Touche pas à mon château » : un village de carte postale de la Bourgogne viticole se mobilise pour sauver sa forteresse néo-gothique du XIIe siècle, redoutant la fermeture définitive au public suite à une rocambolesque affaire de blanchiment d’argent en Ukraine.

« Non au démantèlement du château » ;  » La Rochepot mobilisé contre la vente » ; « Touche pas à mon château »... Sur de vieux draps ou des cartons défraichis, les slogans accueillent les visiteurs qui franchissent le pont-levis de la magnifique structure aux tuiles vernissées de La Rochepot (Côte d’Or).

Fermé depuis trois ans à la suite de l’arrestation pour blanchiment de son propriétaire présumé, le château perché sur un piton rocheux a rouvert brièvement afin de présenter son mobilier qui sera mis dimanche aux enchères à Beaune : des armures jusqu’aux chaudrons en cuivre, en passant par le service Baccarat.

Pour le village, cette dispersion condamne un site qui a accueilli jusqu’à plus de 20.000 visiteurs par an, une manne pour les quelque 300 habitants.

« Tous mes clients sont là pour visiter le château », résume Véronique Fouquerand, viticultrice et propriétaire de chambres d’hôtes dans le village. « C’est une catastrophe ».

« La Rochepot vidé de ses entrailles ne sera plus La Rochepot », déplore Romuald Pouleau, ancien gardien du château et initiateur d’une pétition qui a recueilli près de 3000 signatures. Selon lui, le village est le « dommage collatéral » d’une affaire qui le dépasse.

En 2015, les habitants poussent un ouf de soulagement quand « leur » château trouve enfin preneur après être resté en vente trois ans. Sa propriétaire, l’héritière de l’ex-président Sadi Carnot, avait posé comme condition à la vente le « respect total » des lieux.

Or, c’est justement ce que disent vouloir les investisseurs qui rachètent le château 3 millions d’euros. « Tout le monde y a cru », se souvient Romuald Pouleau. « Ils avaient un projet magnifique. Et ils disaient que l’argent n’était pas un problème », raconte-t-il à l’AFP.

Mais les propriétaires restent nimbés de mystère : le château est géré par une Ukrainienne domiciliée en Lituanie et un Moldave qui agit pour une société au Luxembourg. Au village, apparaît parfois un Ukrainien qui parle de « son » château mais préfère qu’on l’appelle « Monsieur » plutôt que de donner son nom.

En décembre 2017, le quotidien local Le Bien Public révèle qu’en fait, les artisans contractés pour le « magnifique projet » n’ont jamais été payés.

Alertée, Europol découvre que ce « Monsieur » est un « fugitif de haut vol » qui s’était fait passer pour mort en 2014 pour « échapper à la justice » de son pays. Le défunt ressuscité, Dmitri Malinovsky, a fraudé « plus de 12 millions d’euros », selon le parquet de Kiev.

Le 5 octobre 2018, les gendarmes l’arrêtent en « son » château. Depuis, il est en prison à Nancy, où on saura « dans les prochains mois » si un procès a lieu, vraisemblablement « au premier semestre 2022 », a indiqué à l’AFP Vincent Legaut, vice-procureur à Nancy. L’Ukrainien ne souhaite pas faire de commentaire, selon son avocat, Benoît Diry.

En attendant, le château reste fermé et ses meubles vendus. « C’est une grande perte », estime la maire Véronique Richer.

« Cette mutilation irrémédiable scelle peut-être la réorientation vers un futur usage résidentiel », avertit Siegfried Boulard-Gervaise, spécialisé dans la réhabilitation de châteaux et qui avait déjà fait part de son intérêt pour La Rochepot.

La maire a demandé, en vain, le report de la vente, une démarche soutenue par Alain Suguenot, président LR de la Communauté d’agglomération, et le député local LREM Didier Paris : « La vente me paraît, sinon porter un coup fatal, du moins retirer une partie de l’attrait du château », juge-t-il.

Mais « l’affaire est entre les mains de la justice », rappelle François Sauvadet, président UDI du département.

Les habitants du village ont reçu le soutien surprise d’Olga Kiselova, ex-compagne de Dmitri Malinovsky également mise en examen. La vente des meubles est « une grande erreur (qui va) détruire le potentiel de ce lieu », estime-t-elle auprès de l’AFP.

Mme Kiselova est la vraie propriétaire des lieux, selon ses avocats, Sinem Paksut et Stéphane Bonifassi. Dmitri Malinovsky n’était que « chargé de la gestion du bien ». « Et cette mauvaise gestion a donné lieu à la liquidation judiciaire qui vaut aujourd’hui la cession du mobilier », soutient Me Paksut.

 


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