Usé, mais heureux. Le navigateur Thomas Coville (Sodebo) a franchi jeudi en 2e position la ligne de l’Ultim Challenge à Brest (Finistère), livrant lors de son arrivée bouleversante les émotions d’un marin-poète unique en son genre.
« Je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme. » En larmes sur les pontons, Thomas Coville a dédié à son fils Eliott ces vers du poème « Invictus » de William Ernest Henley, que Nelson Mandela avait coutume de réciter en prison.
Après un périple de 53 jours, 1 heure et 12 minutes en mer, le skipper de 55 ans, aux traits tirés par la fatigue, a livré ses émotions toujours intactes après avoir parcouru la planète pour la 9e fois à bord d’un voilier, la 5e en solitaire.
Il n’y a pas de vocabulaire, de mot assez fort
« Il n’y a pas de vocabulaire, de mot assez fort. Il faut imaginer 52 jours où vous n’avez parlé à personne, vous n’avez rien vu, pas de visage et là tout vous submerge (…) je ne pensais pas que vous seriez là », a-t-il lancé au public réuni sur le quai.
Rentrer à Brest après 53 jours seul en mer, regagner la terre accueilli par ses proches, son équipe, le public…
? C’est la beauté de l’arrivée de Thomas Coville qui finit 2e de ce tour du monde qu’il a tant attendu.https://t.co/GPp1ISr7W8
— ARKEA ULTIM CHALLENGE – Brest (@ARKEAULTIMCHALL) February 29, 2024
Les centaines de Brestois présents
Venus en pleine semaine malgré la pluie, les centaines de Brestois agglutinés le long des barrières de sécurité étaient nombreux à lancer des remerciements au marin « pour les moments partagées lors de sa course » grâce aux vidéos filmées depuis le bord.
Comme Charles Caudrelier, vainqueur mardi de la première course autour du monde en solitaire sur des trimarans, Coville a également écrit l’histoire de son sport en bouclant un neuvième tour du monde, un record pour un marin français.
« Mon premier, c’était avec ce monsieur », a-t-il lancé la voix chevrotante à l’attention d’Olivier de Kersauson, sur le quai. « C’est lui qui m’a dit que pour gagner, il fallait déjà finir. On n’a pas gagné, mais en tout cas on a fini », a-t-il ajouté satisfait.
Le Rennais avait été le premier à casser la symbolique barre des 50 jours autour du monde en solitaire en 2016 – 49 jours, 3 heures et 7 minutes – lors d’une tentative de record réussie.
« Cette fois, on a morflé. Les temps qu’on a fait ne sont pas bons, c’est dire l’état de mer qu’on a eu. Mais il y a eu une super compétition (…) J’étais beaucoup plus en paix avec moi que ce que j’ai été dans les autres records, où j’ai souffert de la solitude », a-t-il détaillé.
Fin janvier, le marin avait fait escale à Hobart (Australie) pour réparer le balcon avant de son navire, arraché dans l’océan Indien, ainsi que le système de descente des foils, ces appendices qui permettent au navire de s’élever au dessus de l’eau.
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Des mots forts prononcés par Thomas Coville à son arrivée de l’ #AUCB qui traduisent sa reconnaissance envers le public brestois, encore une fois présent. Retour en images sur une journée sans égal? pic.twitter.com/Ab7v4UOH6P— ARKEA ULTIM CHALLENGE – Brest (@ARKEAULTIMCHALL) February 29, 2024
Longtemps troisième et en embuscade d’Armel Le Cléac’h
Longtemps troisième et en embuscade d’Armel Le Cléac’h, Coville a profité des déboires techniques du Banque Populaire, contraint de s’arrêter une deuxième fois à Rio (Brésil) lors de la remontée de l’Atlantique, pour le doubler.
Après un Pot au Noir difficile, le skipper a avalé le dernier tronçon du chemin du retour à un rythme soutenu, poussé par les alizés, avoisinant régulièrement les 30 noeuds de moyenne sur 24 heures (55 km/h).
Il a terminé environ 48 heures après Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), vainqueur mardi à Brest en 50 jours 19 heures 7 minutes, et présent également jeudi.
Tout comme Caudrelier, Coville s’est arrêté une fois seulement lors de son tour du monde.
L’exploit réalisé par les deux hommes est une rareté. Depuis Alain Colas en 1974, huit marins seulement ont bouclé un tour du monde en solitaire sur un trimaran, support bien plus fragile et risqué que les monocoques du Vendée Globe.
Armel Le Cléac’h, attendu dimanche à Brest. Anthony Marchand (Actual) et Eric Péron (Adagio), qui bataillaient encore jeudi dans l’hémisphère Sud, pourraient bientôt rejoindre ce club restreint.
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