Un projet de loi irlandais destiné à criminaliser les discours « incitant à la violence ou à la haine » contre les minorités crée la polémique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Ses détracteurs dénoncent le risque de basculement vers un régime de censure des opinions jugées politiquement incorrectes ; ses défenseurs invoquent la nécessité de mettre à jour une loi datant de 1989, l’estimant inefficace au motif controversé que seules 50 condamnations ont été prononcées depuis son entrée en vigueur trois décennies plus tôt. Aussi, ce texte législatif ambitionne la mise en place d’un dispositif de répression sans précédent des propos jugés haineux, qu’ils soient intentionnels ou même seulement irréfléchis, à l’encontre d’une personne ou d’un groupe présentant certaines « caractéristiques protégées » : la couleur de peau, le genre, l’orientation sexuelle ou encore la religion.
Peine de prison pour détention de contenus « haineux »
Baptisée « Projet de loi sur l’incitation à la violence ou à la haine et les délits haineux » (« Incitement to Violence or Hatred and Hate Offences Bill » en anglais), cette législation prévoit une peine pouvant s’étendre jusqu’à deux ans de prison en cas de simple possession de contenus jugés haineux sur son ordinateur ou son téléphone portable, s’il est supposé que la personne en infraction avait l’intention de le diffuser ou le partager. En effet, dans ce dispositif, l’accusé est automatiquement présumé coupable : charge à lui de prouver son innocence. Dès lors qu’il « est prouvé que l’accusé était en possession de contenu [haineux] et qu’il est raisonnable de supposer que le contenu n’était pas destiné à un usage personnel, il est présumé, jusqu’à preuve du contraire, que celui-ci se trouve en contravention », peut-on ainsi lire dans la section 10 du texte de loi.
En dehors de la détention de ce type de contenu, exprimer ou diffuser dans un journal, un média, un podcast ou encore sur les réseaux sociaux un message dont la teneur aura été jugée haineuse, reviendra à s’exposer à une sanction qui peut s’élever jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
Approuvé le 26 avril 2023 par la Chambre basse du Parlement irlandais (appelée Dáil Éireann), après que les amendements visant à édulcorer le dispositif répressif ont été rejetés, le projet de loi poursuit maintenant son cheminement institutionnel au Sénat (Seanad Éireann).
La liberté d’expression remise en question
Dépité, Donald Trump Jr. a commenté sur Twitter : « Ce qui se passe dans le monde libre est dément ». Cette législation constitue « une attaque massive contre la liberté d’expression », s’est aussi alarmé Elon Musk sur Twitter, en réponse à un tweet du YouTubeur Keith Woods, qui dénonce « l’un des projets de loi sur les discours de haine les plus radicaux à ce jour » : « Le simple fait de posséder du matériel « haineux » sur vos appareils suffit pour encourir une peine de prison. En plus de cela, la charge de la preuve incombe à l’accusé, censé prouver qu’il n’avait pas l’intention d’utiliser le contenu pour “répandre la haine“. Cette clause est si radicale que même les trotskystes de People Before Profit s’y sont opposés, [y voyant] une violation flagrante des libertés civiles. [Nous vivons] des temps sombres. »
En effet, pour Paul Murphy, membre du parti politique irlandais People Before Profit, la section du texte de loi qui criminalise la possession « de contenu haineux, sans que ce contenu ne soit communiqué publiquement » résulte en « la création d’un crime de pensée » qui contient « une dangereuse inversion de la charge de la preuve ».
Le caractère « haineux » d’un propos n’a pas été clairement défini, pointe du doigt quant à lui le magazine Catholic Herald, craignant des futures persécutions de chrétiens dans ce pays à forte tradition catholique : sur les questions relatives notamment à l’idéologie du genre, les positions de l’Église sont très nettes.
Autant de réactions qui ont suscité les railleries du ministre de la Justice irlandais Simon Harris : « Chaque fois que Donald Trump et Elon Musk ont un point de vue différent de vous, ce n’est pas une mauvaise journée au bureau. Assez curieusement, ma philosophie politique n’est pas inspirée par la famille Trump ou par M. Musk et ses associés. »
Selon lui, cette législation n’a pas vocation à « policer la pensée » ou bien à « limiter la liberté d’expression » : « Il s’agit d’assurer la sécurité des personnes et de s’assurer qu’elles peuvent vivre leur vie sans être discriminées. » Et d’ajouter : « Dire des choses offensantes est absolument un droit dans une démocratie. Mais vous n’avez pas le droit de dire quelque chose qui incite à la haine ou qui puisse mettre en danger une autre personne. Vous n’avez pas le droit d’essayer d’attiser l’activité et la violence homophobes. »
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