Avec sa façade imposante à colonnes, ses trophées de chasse et portraits à la peinture à huile, le Rand Club, au cœur de Johannesburg, fait partie des vestiges de l’histoire coloniale et de l’apartheid en Afrique du Sud.
Fondé en 1887 par le colonisateur britannique Cecil Rhodes, il fut un temps un lieu incontournable pour les hommes d’affaires blancs et chercheurs d’or pour conclure des contrats ou socialiser dans le confort feutré d’une bibliothèque ou autour d’un verre au bar en teck de… 31 mètres de long. Mais aujourd’hui Alicia Thompson, femme d’affaires sud-africaine noire, donne une seconde vie au club, qui a échappé de justesse à la fermeture.
A la suite d’un incendie en 2005, le Rand Club ou RC est entré en « hibernation » pendant une dizaine d’années. Désormais, il cherche à séduire des « jeunes gens dynamiques » tout en préservant son héritage. Alicia Thompson, vice-présidente du club, affirme n’avoir pas rencontré le « moindre iota de résistance » pour faire évoluer le club et le faire entrer dans le XXIe siècle.
Ce n’était pourtant pas gagné d’avance. « J’ai grandi à Johannesburg. J’avais l’habitude de voir ce bâtiment dans lequel je n’avais pas le droit d’entrer », se rappelle la quadra. « C’était comme une tour d’ivoire, sacrée, et je n’avais pas la moindre idée ce qui se passait à l’intérieur. Et puis j’ai assisté ici à un mariage ici en 2010 et je n’arrivais pas à croire que cette perle nous ait été cachée. »
« En devenant membre, j’ai voulu en faire un lieu qui me ressemble », explique-t-elle, chemise noire et sourire contagieux. Un portrait de Nelson Mandela, le premier président sud-africain noir (1994-1999) et membre de son vivant du club, trône fièrement dans l’imposante cage d’escalier du « RC ». Un autre de Cecil Rhodes continue d’habiller un mur du deuxième étage. Mais la salle qui portait préalablement son nom a été rebaptisée « Le salon des fondateurs », à l’initiative de la jeune garde montante du club.
« Une partie de notre histoire n’est pas reluisante, mais je ne suis pas un tombeur », explique Lucky Dinake, conseiller municipal noir de 24 ans et membre du principal parti d’opposition de l’Alliance démocratique (DA). « Tombeur », une référence au mouvement « Rhodes Must Fall » (Rhodes doit tomber) qui a secoué les campus sud-africains en 2015, quand des étudiants ont déboulonné au Cap la statue du magnat minier raciste et demandé la disparition des symboles coloniaux dans les universités.
« Notre histoire, c’est notre histoire. Notre responsabilité est d’en tirer les leçons, d’avancer et de ne pas l’ignorer », estime Lucky Dinake, chemise légèrement déboutonnée sur une veste grise. L’évolution du club reflète celle de Johannesburg, poumon économique de l’Afrique du Sud. Contrairement à des villes comme Londres ou New York où les clubs se nichent dans les quartiers chics, le Rand Club se dresse au cœur du centre-ville de Johannesburg, délaissé depuis des décennies par les commerçants, en proie à une forte criminalité et abandonné à de nombreux squatteurs.
Mais les efforts de réhabilitation du quartier, où se sont ouvertes récemment des librairies de qualité, traduisent la volonté des habitants et des autorités municipales de redorer le blason du centre. « Le club devient de plus en plus pertinent et de plus en plus accessible, compte tenu notamment de la situation géographique. A Johannesburg, il y a beaucoup de renouveau », estime Lucky Dinake.
Après des années de déclin, le Rand Club a vu récemment le nombre de ses membres frôler la barre des 500, pour une cotisation annuelle de 720 dollars, alors que le revenu moyen mensuel est de 292 dollars. Le club, « ce ne sont pas seulement des hommes d’affaires collets montés et des mineurs têtus. Il y a certes les traditionnels avocats et experts-comptables mais aussi des artistes », poursuit Alicia Thompson.
« Ici, il s’agit d’apprécier la compagnie des autres. C’est bien pour les échanges humains. C’est ce qui manque à LinkedIn, » estime-t-elle, en référence au site internet de mises en relations professionnelles. C’est la raison pour laquelle téléphones et tablettes sont toujours interdits dans les espaces communs à l’étage du RC. Mais avec le temps, le code vestimentaire a été assoupli. Le club accueille également des mariages et des réceptions, mais aussi… les femmes, interdites d’accès jusqu’en 1993.
Jane Germaner, épouse d’un membre, salue l’évolution du club. « L’une des choses formidables ici est de faire du réseau avec ces gens que vous ne fréquentez pas nécessairement dans votre vie de tous les jours », explique la trentenaire dans une robe de soirée rose bonbon qui affirme avoir toujours été bien accueillie au RC.
D.C avec AFP
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