Au salon international de l’alimentation (Sial), près de Paris, les entreprises françaises d’agroalimentaire s’inquiètent de « décrocher » davantage à l’export et font une « fixette » sur le voisin italien, qui s’en sort mieux.
Après avoir été reléguée en 20 ans du 2ème au 6ème rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles et agroalimentaires, la France redoute désormais d’en importer davantage qu’elle n’en exporte. Ce serait une première depuis la sécheresse de 1976, alerte la Coopération agricole, un groupe d’intérêt du secteur.
L’an dernier, l’« agri/agro » a rapporté 81,4 milliards d’euros à l’export, dégageant un excédent de 5 milliards, selon Business France. Mais les maigres vendanges et récoltes de céréales, l’impact du conflit commercial UE/Chine sur les spiritueux et possiblement le porc et les produits laitiers annoncent des lendemains difficiles, car ce sont ces produits qui tirent le commerce hexagonal.
La filière observe ce qu’elle qualifie de « décrochage » au sein même du Sial, grand salon professionnel axé sur la mise en relation avec des acheteurs internationaux : l’Italie y compte 100 stands de plus que la France.
Les lobbies français martèlent que les entreprises sont handicapées par les charges sociales, la « suradministration », la guerre des prix avec les supermarchés sur le marché intérieur qui empêche selon eux de dégager suffisamment de marges pour se lancer dans les exportations…
Seulement deux entreprises françaises sur 10 exportent
« Partir à l’international quand les marges de manœuvre sont si étroites, c’est compliqué », a fortiori pour des TPE-PME (98% du secteur, 15% du chiffre d’affaires), dit le président de l’association nationale des industries alimentaires (Ania), Jean-François Loiseau. Il déplore aussi la fragmentation des organismes de promotion à l’export entre plusieurs ministères de tutelle.
Mais « il faut aussi balayer devant notre porte », ajoute-t-il. À côté, « l’Italie excelle » à promouvoir ses productions, toutes gammes confondues. Il nous faudrait « un peu moins de suffisance », « être un peu plus organisés ».
Reçus à dîner par Emmanuel Macron lundi soir – « ils ont fait le point pour voir comment faire rayonner le secteur à l’international », selon l’Élysée – les représentants du secteur ont aussi échangé au Sial mardi avec le ministre de l’Économie Antoine Armand. Le Sial a été créé en 1964 par le ministère de l’Agriculture pour trouver des débouchés à une France qui découvrait les surplus agricoles, rappelle à l’AFP le directeur du réseau de salons Sial, Nicolas Trentesaux.
Soixante ans plus tard, la France représente moins de 10% des exposants. « C’est le reflet d’une moindre appétence pour l’export. En France, deux entreprises sur 10 exportent, en Italie ou en Allemagne, huit sur 10 », relève M. Trentesaux. « Dans les Sial organisés en Asie, observe-t-il, on n’a quasiment pas d’exposant français, notamment en Inde, un marché énorme. »
Les exportations italiennes atteignent 62 milliards d’euros
Sur le stand de l’Agence italienne pour le commerce extérieur (ITA) en France, situé au bout d’une longue travée de producteurs de risotto et autres biscotti, le directeur, Luigi Ferrelli, souligne que les exportations italiennes n’ont cessé de croître, particulièrement ces dix dernières années, atteignant 62 milliards d’euros en 2023.
L’organisme créé en 1926 finance la participation des entreprises aux salons, achète et aménage les espaces, permettant par exemple au patron des pâtes Marulo, entreprise de 10 salariés créée en 2016 au pied du Vésuve, de faire huit foires cette année. Luigi Marulo explique vendre désormais ses pâtes haut de gamme, « au léger arôme de camomille », à 35% à l’étranger (France, Allemagne, Japon…). « L’an prochain ce devrait être 50%. »
Expression plusieurs fois entendue au Sial, les entreprises italiennes « chassent en meute », sous une même bannière : quand un acheteur vient pour l’une, il voit les autres. Commercer avec l’extérieur « fait partie de l’ADN italien », explique M. Ferrelli : « Après la guerre, le pays était en ruines. Le développement économique dans les années 1950 a été dès le début lié à l’exportation, car le marché intérieur était trop petit. »
Pour lui, l’agroalimentaire italien a aussi bénéficié du « changement d’image de l’Italie à l’étranger depuis 30 ans » grâce à la mode, au design… Des fabricants sont montés en gamme, les emballages ont été revus, et les gros industriels ont profité du mouvement.
Un travail d’image qui attend la France, qui s’est peut-être « trop accrochée à la gastronomie, aux grands chefs. Or c’est intimidant », estime Nicolas Trentesaux, pour qui cette « fixette sur les Italiens qui sont extrêmement forts, ça doit inspirer les Français ».
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