Le 22 septembre, les députés canadiens ont ovationné à la Chambre des communes un ancien membre de la Waffen SS, une division nazie accusée de crimes de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’incident, qui occupe désormais le devant de la scène politique canadienne, s’est produit lors de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelenskyy au Parlement, alors que la guerre engagée par la Russie en Ukraine fait rage. L’homme en question, le Canadien d’origine ukrainienne Yaroslav Hunka, a été qualifié de « héros canadien » par le président de la Chambre, Anthony Rota, et a également été remercié pour ses états de service militaire.
M. Rota a présenté ses excuses après l’incident du 24 septembre, affirmant que la décision de reconnaître M. Hunka était « entièrement la mienne » et a présenté ses « plus sincères excuses aux communautés juives du Canada et du monde entier ». M. Rota a ajouté qu’avant de rendre hommage à cet homme devant le Parlement, il n’était pas au fait de ses liens avec le régime nazi.
Après que les appels à sa démission aient commencé à se multiplier, M. Rota a annoncé le 26 septembre qu’il démissionnerait, à compter du lendemain.
Des députés de tous les partis ont par la suite estimé que M. Hunka n’aurait pas dû être honoré au Parlement. De nombreux membres du Parti conservateur se demandent comment un ancien membre de la Waffen SS a pu échapper au processus de contrôle et recevoir des applaudissements nourris des politiciens canadiens.
Il est bien connu que de nombreux nazis sont arrivés au Canada après la guerre, et ce dernier incident soulève la question de savoir comment une démocratie comme le Canada, qui a combattu aux côtés des Alliés contre le régime nazi, a pu permettre à d’anciens nazis d’immigrer dans ce pays.
14e division de grenadiers de la Waffen
Entre 1932 et 1933, la population ukrainienne a été décimée lors d’une famine exacerbée par les politiques mises en œuvre par l’Union soviétique. La décision du Parti communiste de collectiviser l’agriculture a entraîné une baisse de la production alimentaire en Ukraine, provoquant la mort de près de 5 millions d’Ukrainiens lors d’une famine connue sous le nom d’Holomodor.
Lorsque l’Allemagne nazie a envahi l’Union soviétique en 1941, elle a été accueillie en libératrice par certains Ukrainiens, qui pensaient que ce pays fasciste serait un allié naturel de l’Ukraine qui cherchait à devenir indépendante. Alors que les nouveaux occupants de l’Ukraine continuaient à la brutaliser, l’Organisation des nationalistes ukrainiens a mis sur pied, dès 1943, une force multinationale pour combattre aux côtés de l’armée nazie qui battait en retraite.
Au cours de cette période, M. Hunka a combattu au sein de la 14e division de grenadiers de la Waffen SS, l’aile militaire du Parti nazi. L’unité était composée de troupes originaires de la Galicie, une région de l’ouest de l’Ukraine, et était armée et entraînée par les nazis.
En février 1944, l’unité a perpétré un massacre de villageois polonais à Huta Pieniacka, en Ukraine, brûlant vifs entre 500 et 1000 Polonais, selon diverses estimations. Au cours de ce massacre, des témoins ont fait savoir que des enfants avaient été exécutés sous les yeux de leurs parents en se faisant fracasser la tête contre des troncs d’arbre ou en étant brûlés vifs dans des maisons.
Après la guerre, la Waffen SS a été déclarée organisation criminelle par un Tribunal militaire international. Quelque 5 à 7 millions d’Ukrainiens sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale, le pays est resté sous le contrôle de l’Union soviétique jusqu’à son effondrement en 1991.
Des nazis ukrainiens au Canada
D’après le magazine militaire canadien Esprit de Corps, on estime que 2000 membres de la Waffen SS sont allés au Canada après la guerre. Le Canada n’acceptait pas les immigrants qui avaient volontairement servi les nazis, mais le lieutenant d’aviation Bohan Panchuck, qui a créé l’association des militaires ukrainiens canadiens, a réussi à faire venir ces Ukrainiens au Canada en mentant sur leur passé.
Ce dernier, qui a aidé plus de 30.000 réfugiés ukrainiens à venir au Canada après la fin de la guerre, a présenté un « récit positif » décrivant l’unité comme des victimes forcées de se battre contre les Soviétiques contre leur gré, selon Esprit de Corps. Cet officier de l’Armée de l’air royale canadienne n’a fait aucune mention des liens du groupe avec les SS.
Alors qu’elle était détenue dans un camp en Italie dans les derniers jours de la guerre, la 14e division Waffen SS de Galicie avait également changé de nom pour devenir la première division de l’armée nationale ukrainienne afin de dissimuler son passé nazi.
Même si le gouvernement canadien n’a pas examiné en détail les antécédents de l’unité, de nombreux membres du gouvernement britannique savaient que les membres de cette unité avaient des liens avec les nazis. Un rapport du sous-secrétaire d’État britannique a noté que, puisque l’unité était une division SS, techniquement, « tous ses officiers et sous-officiers supérieurs sont susceptibles d’être jugés en tant que criminels de guerre ». Un bureaucrate britannique a affirmé en 1948 que le pays espérait « se débarrasser des prisonniers de guerre ukrainiens les moins désirables » en les envoyant soit en Allemagne, soit au Canada.
Certains membres de la communauté ukrainienne du Canada étaient également au courant du passé de l’unité, et l’Association des Ukrainiens unis du Canada a lancé une campagne pour empêcher les anciens collaborateurs nazis d’arriver au Canada.
« La division ukrainienne (Galicie) faisait partie intégrante de l’armée hitlérienne. C’est contre elle que nos garçons canadiens ont combattu sur les champs de bataille d’Italie. De nombreux soldats canadiens sont restés là-bas, tués par ceux-là mêmes que M. Panchuk voudrait que votre ministère fasse venir au Canada, » a écrit l’association aux responsables de l’immigration canadienne, selon Esprit de Corps.
Finalement, la campagne du lieutenant Panchuck a été couronnée de succès puisque 2000 membres de la 14e division SS de Galicie sont arrivés pour s’installer au Canada dans les années 1950.
La commission Deschênes
En 1985, alors premier ministre, Brian Mulroney a demandé la création d’une commission royale d’enquête pour déterminer si le Canada était devenu un refuge pour les criminels de guerre. La commission Deschênes a par la suite constaté qu’environ 600 anciens membres de la division Waffen-SS Galicia vivaient au Canada à l’époque, mais que le pays n’avait pas les moyens juridiques de les poursuivre.
Un document fortement expurgé a été publié plus tard dans le cadre d’une demande d’accès à l’information. Il révèle que des membres des unités de police ukrainiennes parrainées par les nazis, qui ont assassiné des Juifs, sont devenus plus tard des membres de la Division Galicie. Le gouvernement canadien avait connaissance du rapport mais a choisi de ne pas le publier.
À la suite de la commission Deschênes, le code pénal canadien a été modifié en 1987 pour permettre de juger les criminels de guerre nazis présumés vivant au Canada. Des procureurs ont ensuite engagé des poursuites contre au moins quatre hommes pour participation présumée à des crimes de guerre relatifs à l’Holocauste, mais une des affaires s’est soldée par un acquittement, deux affaires ont été abandonnées parce que les procureurs ont rencontré des difficultés à obtenir des preuves à l’étranger, et la quatrième affaire a été suspendue en raison de l’état de santé de l’accusé.
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