Après 17 ans sans album, Manu Chao revient vendredi avec Viva Tu et ses sonorités latino propres au plus connu des « clandestino » franco-espagnol, qui ravive les « bons souvenirs » d’une génération qu’il a bercée sur la route des vacances comme dans les révoltes.
« Merci pour l’énergie ! Merci pour l’espoir ! », lance, bras déployés et grand sourire, un Manu Chao transcendé par la foule sous le chapiteau du Kilowatt, dans une zone industrielle de Vitry-sur-Seine, mardi au sud de Paris.
En formation réduite et acoustique, l’ex-chanteur de la Mano Negra prouve qu’il est toujours branché sur courant rock alternatif et électrise le public pendant deux heures, reprenant surtout une succession de tubes époque Clandestino (1998), son premier opus solo aux influences européennes et sud-américaines.
Bongo Bong, Welcome to Tijuana, Je ne t’aime plus – entre autres succès – représentent pour Clara Machin, 39 ans, la madeleine de Proust de vacances à Cuba : « C’était le CD de ce voyage et j’ai toujours l’image dans la voiture, avec mon père, à écouter cet album », confie-t-elle. Le paternel, 68 ans, revendique avoir toujours « kiffé Manu ».
« Généreux » sur scène et « authentique »
Dans une « bouffée de nostalgie », Alexia Guermonprez, 44 ans, le raccroche à son adolescence, ce temps « où on est persuadé qu’on parle espagnol couramment », « cette joie de vivre et cette envie de changer le monde aussi ». « Généreux » sur scène et « authentique », aux yeux des spectateurs rencontrés par l’AFP, l’artiste connu en Europe, célèbre en Amérique du Sud et qui joue jusqu’en Asie, est associé aux « bons souvenirs ».
Son retour avec Viva Tu, appel à croire en soi-même, n’en est pas totalement un : à 63 ans, José Manuel Tomás Arturo Chao Ortega, dit Manu Chao, n’avait pas complètement disparu du paysage musical, évitant les médias et poursuivant les concerts dans des lieux à taille humaine, où il veille lui-même au prix des places.
Avec ses paroles minimalistes et répétitives, en espagnol principalement, ses échantillons sonores remployés ça et là, le tout enveloppé par des rythmes chaleureux où guitare et percussions sont omniprésentes, sa patte est reconnaissable en quelques notes.
Pour le reste, l’artiste livre des titres toujours engagés comme Vecinos en el mar, sur l’immigration, écrite avec des réfugiés kurdes à Athènes. Et propose des pas de côté comme Tu Te Vas en duo avec la rappeuse Laeti, le country punk Heaven’s bad day ou la rumba éponyme de l’album dans laquelle il célèbre notamment ses voisines de quartier à Barcelone, où il vit.
« C’est la liberté d’abord, le fric, il s’en fout »
« Si je commence à rentrer dans une formule de choses que les gens attendent de moi et que je sais déjà faire, je m’emmerde très vite », explique-t-il, dans un entretien donné à son label Because, en amont de cette sortie. « Musicalement, quand j’avais 16-17 ans, je rêvais de même pas la moitié de tout ce qui m’est arrivé. Ce qui me surprend, c’est que ce kiff continue de me faire kiffer », constate-t-il aussi.
« C’est la liberté d’abord, le fric, il s’en fout », assure de son côté Alain Gaston Rémy, auteur de la BD biographique De la Mano à Manu Chao (ed. Idées+). « Il vient du punk, on était des petits punks avec lui, on est devenu des vieux hippies avec lui… et il a engendré des jeunes hippies », note-t-il.
Sur les plateformes d’écoute, l’artiste attire effectivement un public rajeuni et ses tubes agrémentent des ‘stories’ sur TikTok. En 2023, il a réalisé « plus de 835 millions de ‘streams’ toutes plateformes confondues », selon son label.
Séverine, 49 ans, a refilé le virus Chao à sa fille, âgée désormais de 20 ans et qui l’accompagne au concert, au Kilowatt : « Depuis, même quand elle n’a plus de connexion avec son téléphone en Bluetooth, elle récupère mes CD de Manu Chao pour les mettre dans la voiture ! »
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