Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a défendu vendredi, devant une commission d’enquête indépendante, son recours à une loi spéciale rarement utilisée en temps de paix qui lui a permis de déloger les camionneurs qui avaient paralysé la capitale en début d’année, citant de « sérieux risques de violence ».
L’occupation, en février, du centre d’Ottawa par des routiers mobilisés contre les restrictions sanitaires autour du Covid-19 avait marqué un pays peu habitué à de tels mouvements sociaux, et leur évacuation permise par cette loi a soulevé un important débat sur les libertés publiques.
Venu témoigner à Ottawa devant une salle comble, M. Trudeau a justifié sa décision en évoquant la « militarisation de certains véhicules » par les manifestants ou encore l’utilisation d’enfants comme « boucliers humains ».
Les craintes que les Canadiens prennent eux-mêmes les choses en main
La tension est montée d’un cran lorsque des contre-manifestations sont apparues, avec « des grands-mères qui se tenaient dans des rues résidentielles contre d’énormes camions », a raconté le Premier ministre, faisant craindre que les Canadiens ne prennent eux-mêmes les choses en main.
S’étaient ajoutés à l’occupation du centre de la capitale d’autres rassemblements dans tout le pays, bloquant des corridors commerciaux, notamment le passage frontalier international le plus fréquenté d’Amérique du Nord.
« On voyait les choses s’aggraver, les choses nous échappaient », a confié M. Trudeau, ajoutant que le plan avancé par la police « n’en était pas un du tout » et que ses conseillers et « son opinion personnelle étaient que (…) nous devions faire quelque chose pour assurer la sécurité des Canadiens ».
« Je suis absolument serein et convaincu d’avoir fait le bon choix », a-t-il conclu avant d’être interrogé par les autres parties impliquées dans l’enquête face à un public, composé de nombreux camionneurs, qui a dû être rappelé à l’ordre par le juge pour ses réactions « déplacées ».
Afin de faire la lumière sur l’intervention des autorités, la commission indépendante, mise en place par le gouvernement comme le prévoit la loi spéciale, se réunit depuis six semaines à Ottawa. Des représentants gouvernementaux, des manifestants ainsi que des habitants d’Ottawa affectés par le bruit incessant des klaxons et les émanations continues de diesel ont témoigné.
Un mouvement légitime contre les politiques « maléfiques » du gouvernement
Du côté des organisateurs du « convoi de la liberté », le tableau était bien différent.
La manifestation d’Ottawa était un mouvement de protestation légitime contre les politiques « maléfiques » du gouvernement, ont-ils expliqué, décrivant une atmosphère festive avec des jacuzzis, des châteaux gonflables et des barbecues installés devant le Parlement.
« Nous n’étions pas là pour déranger les habitants de la ville », a déclaré la camionneuse Brigitte Belton durant les audiences. « Nous étions là pour être entendus. »
Jeudi, la vice-Première ministre Chrystia Freeland était revenue sur les risques que le blocage avait fait courir à l’économie canadienne, notamment celui de créer un « tort irréparable » aux relations commerciales avec les Etats-Unis.
Des messages entre fonctionnaires canadiens et des comptes-rendus d’appels avec la Maison Blanche ou avec des banquiers ont été diffusés pour illustrer des frustrations grandissantes de toutes parts face à l’inaction d’Ottawa et des provinces.
Après le témoignage de Justin Trudeau, la commission va désormais recevoir des avis d’experts avant de rendre son rapport final au plus tard le 6 février 2023.
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