La justice bélarusse a condamné vendredi à de lourdes peines de prison onze étudiants et un professeur accusés d’avoir manifesté contre le président Alexandre Loukachenko, la répression qui vise le mouvement de contestation historique de 2020 s’amplifiant et touchant également médias et ONG.
Les services de sécurité ont parallèlement mené dans la journée vendredi une nouvelle vague de perquisitions chez au moins 18 journalistes indépendants, dont au moins trois ont été arrêtés, selon l’association bélarusse des journalistes.
Depuis des mois, le régime d’Alexandre Loukachenko emprisonne à tout va opposants, journalistes et militants pour mater définitivement la contestation née de sa réélection jugée frauduleuse à un cinquième mandat en août 2020.
Selon l’ONG de défense des droits humains Viasna, dix étudiants et un professeur jugés depuis mai pour avoir participé à des événements « violant gravement l’ordre public » dans leurs universités de Minsk ont été condamnés à deux ans et demi de prison, un onzième étudiant écopant de deux ans.
Expulsés de leurs universités respectives, tous ont été tous qualifiés de « prisonniers politiques » par Viasna.
Future génération de tolérance et de liberté
L’accusation a soutenu que « les protestations dans les universités visaient à une révision des résultats de l’élection présidentielle pour qu’elle ne soit pas reconnue par l’Union européenne et les Etats-Unis ».
« Je n’ai pas manifesté contre les autorités mais contre la violence. Nous sommes la future génération de la tolérance et de la liberté, nous sommes l’avenir de ce pays », a affirmé dans sa dernière déclaration une des condamnées, Anastassia Boulibenko, citée par une chaîne Telegram de soutien aux étudiants.
« Ces huit mois de prison n’ont pas pu me faire changer d’avis, mon dernier mot sera +liberté+ », a déclaré une autre, Iana Orobeïko.
Les étudiants ont souvent été à l’avant-garde des manifestations de 2020 et Amnesty International a indiqué dans un rapport que plusieurs centaines d’entre eux ont été arrêtés et condamnés à des amendes, et plus de 150 expulsés de leurs établissements.
Le média Radio Svoboda a de son côté affirmé vendredi sur la messagerie Telegram que des policiers étaient au domicile de son directeur, Valentin Jdanko, et que deux autres de ses reporters avaient été interpellés après une fouille.
Filiale de l’organisation Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) financée par Washington, Radio Svoboda a couvert activement le mouvement de contestation de 2020.
Perquisitions chez au moins huit journalistes
Des perquisitions ont aussi été signalées chez au moins huit journalistes du média d’opposition Belsat, les domiciles des parents de deux autres reporters ayant été perquisitionnés à Brest (ouest).
« Un par un, le régime détruit chaque média qui ose dire la vérité sur ce qui se passe au Bélarus », a réagi la figure de l’opposition Svetlana Tikhanovskaïa, qui se rendra aux Etats-Unis à partir de dimanche.
La semaine dernière, les autorités avaient bloqué l’accès à Nacha Niva, un des principaux médias d’opposition, et effectué des perquisitions chez des médias indépendants et régionaux.
Mercredi et jeudi, elles ont perquisitionné une quinzaine d’organisations, dont les principaux groupes de défense des droits humains basés dans le pays. Dix employés de ces structures sont désormais détenus, dont le directeur de l’ONG Viasna.
Une « répression inacceptable »
La Haute Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a dénoncé une « répression inacceptable » et l’Union européenne s’est insurgée contre une nouvelle vague de pressions visant à « faire taire toutes les voix dissidentes restantes ».
Rentrée des classes au Bélarus: moment important pour déterminer la dynamique du mouvement dans la durée.
Des professeurs sont en grève, des étudiants sont arrêtés alors qu’ils signent des pétitions, des officiels se rendent dans des classes pour dénoncer les manifestations. pic.twitter.com/T9UbOSHqAe— Мilàn Czerny (@milanczerny) September 1, 2020
Alexandre Loukachenko avait appelé mardi à « traduire en justice » les « sales ONG » cultivant, selon lui, « la terreur », lors d’une rencontre en Russie avec son principal allié, le président russe Vladimir Poutine.
En mai, les autorités avaient déjà arrêté un journaliste d’opposition en exil, Roman Protassevitch, en détournant l’avion de ligne à bord duquel il se trouvait, suscitant un tollé international.
Pour dénoncer la répression, l’Union européenne, les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux ont pris des sanctions contre des responsables bélarusses et des secteurs économiques clés.
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