Quelqu’un comme Camille Pépin est aussi rare qu’un lion blanc: c’est une jeune compositrice française. A 28 ans, cette étoile montante détonne dans un milieu presque exclusivement masculin.
La jeune femme originaire d’Amiens (nord de la France) sort le 22 février son premier album, « Chamber Music », et s’apprête à composer sa première musique pour ballet, au moment où les compositrices restent peu connues à travers le monde et leur programmation dans les concerts presque négligeable.
Née dans une famille pas particulièrement mélomane, Camille Pépin a commencé à écrire des bribes de mélodies dès 13 ans. Déjà, à cinq ans, dans les cours de danse, elle était moins passionnée par les tutus que par la musique qui les accompagnait. « J’étais tellement fascinée par le piano que parfois j’oubliais de faire les exercices », sourit celle qui a été initiée au piano.
Avant même de composer, elle pense beaucoup à la danse. « J’ai besoin de sentir les notes corporellement ». Les remarques sexistes, qu’elle balaie avec humour, ne l’ont jamais ébranlée. La compositrice, dont la musique à l’orchestration remarquable rappelle aussi bien Debussy que les œuvres de minimalistes américains, reste toutefois estomaquée par les clichés toujours enracinés dans son milieu.
« Un compositeur m’a dit que si j’avais des commandes, c’est parce que j’étais une femme et pas désagréable à regarder », confie-t-elle à l’AFP dans son studio-appartement parisien. A un concert, « un monsieur est venu me dire j’ai trouvé votre musique très fraîche, très fleurie, très douce », se rappelle-t-elle, alors qu’il s’agissait de morceaux assez « guerriers ». « Je suis une femme donc forcément ces trois mots » lui sont venus à l’esprit, ironise la compositrice aux cheveux blonds mi-courts et à la voix posée.
Camille Pépin avait fait sensation avec sa pièce d’orchestre « Vajrayana », primée en 2015 par la Sacem, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Elle est consciente qu’il faudra encore des générations avant de contrebalancer plusieurs siècles d’oubli des compositrices. Dans toutes ses classes au Conservatoire de Paris, « il n’y avait que des hommes. J’étais la seule fille mais je l’ai bien vécu ». Malgré quelques souvenirs amers.
A son inscription, quand elle va à l’administration vérifier que son dossier a bien été reçu, un employé répond par la négative. Avant de s’exclamer: « Ah, Camille, une femme… Il y a tellement d’hommes. » Un professeur « un peu vieille école » voulait qu’elle soit assise à droite au déjeuner « parce que c’est la place de la femme ».
En revanche, la majorité de ses professeurs, les grands compositeurs français contemporains Guillaume Connesson, Thierry Escaich et Marc-André Dalbavie, l’ont soutenue, de même que ses camarades de classes. « Ça se dépoussière un peu et il y a de jeunes professeurs qui arrivent » au Conservatoire, dit celle qui espère qu’un jour la question ne se posera plus. Une évolution lente car le milieu de la musique classique « prend du temps pour changer », juge cette compositrice très présente sur les réseaux sociaux.
A l’heure où sexisme et discriminations sont au centre de débats dans tous les milieux ou presque, c’est surtout « le manque de modèle » féminin qui pose problème selon elle. Certaines sont parvenues à briser le plafond de verre, comme la Finlandaise Kaija Saariaho, installée de longue date à Paris, l’Américaine Meredith Monk, la Britannique Tansy Davies ou encore la Franco-Américaine Betsy Jolas. Mais Camille Pépin, passionnée de Debussy, Ravel, Steve Reich ou John Adams, indique qu’adolescente, elle ne connaissait pas une seule compositrice.
« On ne les étudiait pas », assure-t-elle. Elle connaît plus ses contemporaines, comme la Britannique Anna Clyne ou l’Américaine Jennifer Higdon. Qui a entendu parler d’Hélène de Montgeroult (1764 -1836), de Louise Farrenc (1804-1875) ou de Fanny Mendelssohn (1805-1847) « Il y a eu plein de compositrices mais qui ont été écrasées comme Clara Schumann (épouse de Robert Schumann); son mari lui a dit: tu joues ma musique », explique la pianiste Célia Oneto Bensaïd, une des interprètes de la musique de Camille Pépin.
Dans son album, enregistré avec l’Ensemble Polygones, Camille Pépin s’empare de poèmes de James Joyce et les accompagne d’une musique très harmonieuse, avec du chant en anglais. Sa première musique pour ballet sera chorégraphiée en 2020 par Sylvain Groud, directeur du Ballet du nord.
Etre jeune compositrice est d’autant plus un défi que le métier reste un rien incompris. « Une fois, j’ai eu droit à: que faites-vous la semaine? », raconte Camille Pépin. « Ils pensaient que je composais le dimanche, pour me détendre », éclate-t-elle de rire.
D.C avec AFP
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