ENTRETIENS EPOCH TIMES

Charles Alloncle : « Le silence de la classe politique face à la censure est vraiment préoccupant »

novembre 25, 2024 14:14, Last Updated: novembre 25, 2024 14:45
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ENTRETIEN – Dans un entretien accordé à Epoch Times, le député UDR de l’Hérault, Charles Alloncle, revient sur l’état de la liberté d’expression et le climat de censure en France.

Epoch Times : Charles Alloncle, dans une tribune sur la censure dans le débat public, vous avez écrit que le boycott publicitaire du livre de Jordan Bardella est « l’arbre qui cache la forêt ». Pour vous, l’état de la liberté d’expression est-il très dégradé en France ?

Charles Alloncle : Il est effectivement très dégradé. Ce qui m’inquiète par-dessus tout, c’est que l’on s’habitue de plus en plus à cette censure. Il y a une forme d’apathie générale. Tout ce à quoi nous assistons aurait certainement suscité une indignation collective dans l’opinion publique il y a quinze ans.

Aujourd’hui, même la classe politique ne prend pas en compte l’ampleur de la situation. Je m’en suis notamment rendu compte quand j’ai posé une question au gouvernement le 13 novembre sur la vague de censure ayant frappé, cet été, certains comptes Instagram de personnalités et de médias.

En réalité, personne ne s’était emparé du sujet. Pas un parlementaire n’a cru bon de demander des explications à Meta, la maison mère d’Instagram et de Facebook, ou même convoquer le vice-président de Meta en Europe, Laurent Solly.

Cette montée de la censure et le silence de la classe politique sont vraiment préoccupants.

Répondant à votre question au gouvernement sur la censure, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a déclaré qu’elle était contre les « fake news » et que « si la liberté d’expression revient à tenir des propos qui sont qualifiables pénalement » elle « lutterait » contre ces derniers. Quelle est votre réaction ?

Cette réponse de Rachida Dati est scandaleuse ! Soit elle ne maîtrise pas ses dossiers et ne sait même pas que ces comptes étaient suivis par près de 200.000 personnes et que l’un d’entre eux, Occidentis, était reconnu comme un média par son propre ministère ; soit elle adopte la rhétorique de l’extrême gauche qui consiste à exclure et à condamner tout journaliste, tout média, ou tout lanceur d’alerte qui ne ferait que rapporter le réel.

Ces comptes ne font que relater des faits qui sont d’ailleurs souvent publiés dans la presse quotidienne régionale ou spécialisée et qui ne font pas nécessairement les gros titres.

De plus, venir expliquer que ces médias diffusent des fake news est mensonger. À aucun moment Meta n’a avancé cet argument. D’ailleurs, l’entreprise américaine n’a donné aucune explication aux propriétaires de ces comptes, alors que ces derniers l’exigent depuis des mois.

Cet été, l’Arcom a décidé de ne pas renouveler les fréquences TNT de C8. Que se passerait-il si la chaîne ne pouvait plus émettre dans trois mois ?

Ce serait un véritable coup de tonnerre. Je rappelle que C8 est la chaîne la plus populaire de la TNT. Elle est regardée par des millions de téléspectateurs. On ne parle pas d’une chaîne de second rang, faisant peu d’audience et qui serait totalement discréditée par l’opinion publique.

Retirer aux Français leur droit de regarder des programmes qui les divertissent, alors qu’ils ont longtemps payé une redevance audiovisuelle, serait une grave erreur. Ils doivent pouvoir sélectionner, via l’audience, ce qui leur plaît ou non.

Par ailleurs, la nouvelle chaîne OFTV, issue du groupe Ouest-France, devait récupérer la fréquence TNT de C8 et on a récemment appris que leur projet n’était pas suffisamment solide. OFTV ne serait même pas en capacité de récupérer la fréquence.

Ainsi, l’argument de l’Arcom expliquant que d’autres acteurs avaient un projet bien ficelé s’effondre, et tout ceci confirme que la décision qu’elle a prise, cet été, était purement politique.

C8 a lancé le 12 novembre une pétition qui a dépassé les 850.000 signatures. Qu’est-ce que ce chiffre traduit ?

Jamais aucune pétition n’avait recueilli autant de signatures depuis le lancement du site de pétition en ligne en 2006.

Cela montre à quel point c’est un sujet d’indignation extrêmement fort, et que le législateur devrait s’en saisir.

J’entends souvent parler des référendums d’initiative citoyenne et de leur seuil trop élevé. Mais je pense que nous avons là, avec C8, l’exemple type d’un sujet dont l’opinion publique voudrait s’emparer. Malheureusement, l’opinion en est dessaisie par une autorité totalement déconnectée et qui n’a aucune légitimité démocratique. Nous avons affaire à une caste qui choisit de priver des millions de Français de programmes de télévision qu’ils aiment regarder.

C’est une illustration parfaite du fossé qui est en train de se creuser entre l’élite gouvernante et le peuple. L’Arcom rendrait service à la démocratie en obéissant moins aveuglément à des principes qu’elle dévoie et en écoutant davantage le peuple.

L’élection de Donald Trump le 5 novembre dernier marque-t-elle, pour vous, un tournant en termes de liberté d’expression ? Dans une vidéo publiée sur X le lendemain de la victoire du républicain, le président de l’UDR, Éric Ciotti, déclarait que « la victoire de Donald Trump était une chance pour la France ».

Donald Trump a quand même été le premier président américain à être exclu de Twitter. C’était d’une violence inouïe quand on sait qu’il a été élu par des dizaines de millions de personnes. Cet événement a été une rupture considérable dans la confiance qu’on pouvait accorder à ces GAFAM.

Cette censure inédite a également été un signal d’alerte évident sur le rôle trop important que ces mêmes réseaux sociaux étaient en train de prendre dans la fabrique de l’opinion.

Je ne connais pas Donald Trump personnellement, mais je pense que cette décision de Twitter l’a aussi encouragé à se battre davantage, en tous cas aux États-Unis, contre ces GAFAM pour une liberté d’expression totale.

Ce n’est également pas un hasard si Elon Musk, nouveau propriétaire de Twitter et fervent partisan de la liberté d’expression, s’est engagé dans la campagne de Trump.

Il est certain qu’avec l’arrivée du républicain au pouvoir, plus de pressions seront exercées sur les plateformes. Sur ce sujet, j’ai davantage confiance en Donald Trump qu’en Kamala Harris, Joe Biden ou d’autres démocrates. Je rappelle qu’en 2016, Hillary Clinton avait travaillé avec Facebook et Google pour que certains algorithmes soient modifiés. Par exemple, si vous cherchiez sur Internet des données à propos du chômage aux États-Unis, vous aviez beaucoup plus de chance de tomber, dès les premières pages, sur le site du programme des démocrates et d’Hillary Clinton. Le programme des républicains n’arrivait qu’en troisième ou quatrième page.

L’élection de Donald Trump est d’autant plus utile en matière de liberté d’expression que les GAFAM sont eux-mêmes basés aux États-Unis. Cependant, elle n’aura pas d’impact particulier sur la liberté d’expression des Français.

C’est d’ailleurs tout le sens de mes récentes interventions dans l’hémicycle comme dans les médias : alerter et mobiliser les Français pour qu’ils ne s’habituent pas à ce climat de censure. C’est l’un des poisons les plus dangereux pour notre démocratie.

Nos 68 millions de citoyens, collectivement, sont les seuls à pouvoir renverser la vapeur.

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