Imaginez une mère allaitant son nouveau-né. Bien que sa vision soit floue, les scientifiques pensent que le nourrisson dispose d’un réseau neuronal spécialisé qui lui permet de percevoir les yeux de sa mère à une distance de 20 à 30 cm. Curieusement, il s’agit de la même distance entre les yeux de la mère et son sein. Cette conception remarquable permet à la mère de se connecter instinctivement à son nouveau-né par le biais de leur regard.
« Le contact visuel est essentiel au bien-être », a écrit le Dr. Martha Welch, directrice et fondatrice émérite du Nurture Science Program de l’université de Columbia. « Nous sommes programmés pour le faire dès la naissance. »
À l’instar de nombreux pédopsychiatres, le Dr Welch estime que le « langage intime du contact visuel » entre une mère et son nouveau-né est une étape fondamentale de la communication qu’il convient d’encourager. Il nous permet de construire des relations solides tout au long de notre vie.
Mais les écrans perturbent ce lien visuel. Une étude a montré qu’environ 30 % des mères donnant le biberon à leur enfant étaient distraites par une forme ou une autre de technologie. Dans une autre étude, environ 10 % des mères allaitant leur bébé ont dit utiliser des smartphones ou des tablettes.
Avec moins d’occasions de pratiquer le contact visuel, de plus en plus d’enfants grandissent en étant intimidés par le contact visuel. Selon l’Institut national de la santé mentale, près de 10% des jeunes âgés de 13 à 18 ans souffrent d’anxiété sociale. Pour ces enfants, le contact visuel est stressant et inconfortable, au point que les chercheurs peuvent observer des changements significatifs dans leur activité cérébrale.
Mais qu’est-ce qui rend le contact visuel si puissant ? Comment surmonter la timidité du contact visuel à tout âge et profiter de ses avantages? Examinons ces questions et la manière d’établir et de maintenir le contact visuel dans nos relations et nos interactions.
Faire coucou : la raison pour laquelle le contact visuel est important
Dès la petite enfance, se regarder mutuellement est une source de joie pour les parents et l’une des premières étapes que les bébés franchissent.
Un fait remarquable est que les nourrissons peuvent s’intéresser au visage de leur mère dans les heures qui suivent leur première respiration. Dès l’âge de 2 à 5 jours, les nouveau-nés préfèrent fixer un regard mutuel plutôt que des visages qui regardent ailleurs.
Selon le Dr Welch, lorsqu’une mère se détache de son téléphone et maintient un contact visuel, le bébé fait plus d’efforts pour communiquer.
Nos yeux possèdent notamment des récepteurs pour l’ocytocine et la phényléthylamine, toutes deux considérées comme des substances chimiques de l’amour associées à l’établissement de liens.
Les liens familiaux s’approfondissent également pendant le jeu de cache-cache. Les mains sur les yeux, les mères du monde entier partagent le plaisir de ce jeu culturellement universel. Au début, le jeu est accueilli par un regard surpris de la part du bébé. Pour un jeune bébé, ne pas voir le visage de sa mère signifie qu’elle a disparu.
Cependant, vers l’âge de 6 à 8 mois, les bébés réalisent que leur mère se cache tout simplement et le jeu de cache-cache devient captivant. Entre 9 et 11 mois, les bébés développent la capacité de suivre le regard d’autrui et commencent à regarder ce que les autres voient.
Ces progrès signalent également que la croissance du cerveau et la capacité à communiquer sont sur la bonne voie. Les spécialistes en pédiatrie vérifient régulièrement les étapes du contact visuel. Si une étape n’est pas franchie, plusieurs causes sont envisagées, notamment l’éloignement des parents, l’absence de contact visuel ou l’exposition excessive aux médias numériques.
Bien que tout cela se produise très tôt, le regard reste un élément essentiel des relations tout au long de la vie.
Se regarder les yeux dans les yeux : comment le cerveau réagit-il ?
En matière de langage corporel, les yeux sont généralement la première chose que l’on remarque lorsqu’on rencontre quelqu’un.
Des études ont montré que lorsque les gens établissent un contact visuel direct avec un partenaire réel, leur cerveau présente une activité neuronale accrue. Les mêmes événements neuronaux étaient absents lorsqu’une personne regardait une photographie numérique sur un écran. Les scientifiques pensent que ce phénomène est en partie dû à un réseau neuronal du cerveau dédié au traitement des signaux non verbaux du regard et des messages qu’ils transmettent. Le contact visuel prépare également le cerveau à la confiance et nous aide à ressentir de l’empathie lorsque nous parlons avec quelqu’un.
C’est ce qu’a démontré en 2019 une étude en neuro-imagerie dans laquelle une équipe de scientifiques japonais a observé ce qui se passe dans le cerveau en temps réel lorsque deux adultes se regardent. Publiée dans eNeuro, l’étude suggère que le contact visuel prépare le cerveau à l’empathie en activant simultanément les mêmes zones du cerveau de chaque personne.
Plus précisément, il a été démontré que le contact visuel déclenche le système limbique miroir, un ensemble de zones cérébrales qui s’activent à la fois lorsque les yeux ou toute autre partie du corps bougent et lorsque nous observons quelqu’un d’autre faire de même.
En d’autres termes, au cours d’une conversation, le contact visuel allume les mêmes régions du cerveau pour les deux personnes, ce qui implique que les individus sont à l’écoute réciproquement. Cette « synchronisation limbique » montre que l’empathie peut naître d’un regard social ou mutuel.
Elle permet de comprendre le rôle du contact visuel dans la compréhension de la tonalité émotionnelle, de tirer des conclusions et, comme on dit que les yeux sont les fenêtres de notre âme, de connaître profondément une autre personne et, à l’inverse, de se sentir compris.
S’attirer des amis ou déceler des ennemis
En transposant le regard social au domaine de la persuasion, des chercheurs de la Northeastern University de Boston affirment que le contact visuel façonne nos impressions sur les autres. Selon leur étude, nous percevons les personnes qui établissent un contact visuel plus important comme étant plus intelligentes, plus sincères et plus consciencieuses.
Bien entendu, un contact visuel trop long – plus de huit secondes – peut mettre les gens mal à l’aise, selon une étude publiée dans la revue Royal Society Open Science. Un parent, un frère ou une sœur, ou même un étranger, par exemple, peut utiliser un regard soutenu pour signaler qu’il est mécontent ou même en colère.
La capacité à discerner le sens d’une situation aussi tendue – à faire la distinction entre ami et ennemi – dépend de la manière dont les neurones sont déclenchés dans l’amygdale et le cortex préfrontal.
L’amygdale est une partie émotionnelle centrale du cerveau qui réagit instinctivement aux menaces, tandis que le cortex préfrontal est la dernière partie du cerveau à se développer complètement. Il contrôle les fonctions exécutives, telles que la prise de décision et le contrôle des impulsions.
Dans l’ensemble, la compréhension des intentions d’une personne dépend de multiples facteurs, tels que les indices du langage corporel, l’environnement culturel et le contexte. Quoi qu’il en soit, le contact visuel renforce notre capacité à nous connecter et à nous engager émotionnellement avec autrui.
Cependant, il n’est pas facile pour tout le monde d’établir un contact visuel.
Abandonner les écrans pour rétablir la connexion humaine
Nous vivons dans un monde où les parents peuvent célébrer les étapes importantes avec des cœurs numériques et où les enfants peuvent se rassurer les uns les autres avec des émojis de pouce levé. La communication numérique est le mode de vie et de travail de nombreuses personnes, et c’est un excellent moyen de se tenir au courant des dernières nouvelles de la vie de nos amis.
Or, selon une étude de la société Nielsen, beaucoup de gens passent 11 heures par jour à écouter, regarder, lire ou interagir avec les médias.
« Nos enfants sont moins enclins à s’asseoir à table et à nous parler », a souligné Sherry Turkle, titulaire d’un doctorat en sociologie et en psychologie de la personnalité et directrice fondatrice de l’initiative du Massachusetts Institute of Technology (MIT) sur la technologie et le soi, lors d’un entretien organisé par l’American Psychological Association.
Elle a ajouté : « C’est comme si nous refusions de voir l’évidence, sous nos yeux et dans nos cœurs, de l’érosion de l’empathie par la technologie. »
Quant au meilleur moyen de lutter contre cette épidémie de déconnexion, le Dr Welch propose une solution toute simple.
« Selon elle, si le contact visuel est difficile, c’est le signe que nous avons besoin de nous rapprocher. »
Le contact visuel nécessite de l’entraînement
Tout comme il est difficile de reconnecter notre cerveau à de vieilles habitudes, le contact visuel peut sembler artificiel ou rendre nerveux si l’on ne s’y exerce pas. Un regard rassurant pourrait involontairement déclencher du stress chez ces personnes, a expliqué à Epoch Times, Rachel Duval, coach en communication et en prise de parole en public.
Mme Duval, qui est basée à New York et qui compte parmi ses clients des cadres de Netflix et de Google, rappelle que certaines personnes sont prédisposées à y être hypersensibles.
Elle a cité des recherches qui ont montré que le cerveau des autistes, par exemple, est plus actif dans l’amygdale lorsqu’il s’agit d’expressions sur le visage des gens. Cela signifie que ces personnes peuvent éviter le contact visuel parce qu’il peut être trop stimulant.
D’autres personnes évitent le contact visuel parce qu’elles se sentent scrutées ou stressées lorsqu’elles sont au centre de l’attention. Quoi qu’il en soit, établir un contact visuel est une compétence qui s’améliore avec la pratique pour la plupart des gens.
Si vous êtes timide, commencez par vous entraîner avec une personne dont vous êtes proche, comme un membre de votre famille ou un ami. Ensuite, passez à des situations plus exigeantes, telles que des moments de contact visuel avec un collègue. De même, les parents peuvent encourager ces habitudes à la maison, tout comme ils apprennent la politesse aux enfants avec les expressions telles que « s’il vous plaît » et « merci ».
5 conseils d’experts pour pratiquer le contact visuel à tout âge
Voici quelques conseils faciles à mettre en pratique :
– Établissez un contact visuel dès le début : Avant de parler à quelqu’un, établissez un contact visuel suffisamment long pour vous rendre compte de la couleur des yeux de l’autre personne.
– Maintenez le contact visuel pendant trois à cinq secondes : Une fois que vous avez établi le contact visuel, maintenez-le pendant trois à cinq secondes à la fois. Lorsque vous rompez le contact visuel, regardez sur le côté avant de le rétablir.
– Détournez le regard lorsque c’est nécessaire : Lorsque vous parlez à quelqu’un, il est naturel de détourner fréquemment le regard de l’autre personne, en particulier lorsque vous rassemblez vos pensées ou que vous faites appel à vos sentiments.
– Détournez lentement le regard : Lorsque vous détournez le regard, faites-le lentement. Le fait de détourner le regard peut donner l’impression que vous êtes nerveux. De plus, le fait de regarder vers le bas indique un manque de confiance en soi.
– Écoutez avec les yeux : Lorsque vous écoutez quelqu’un vous parler, il est important de garder le contact visuel avec lui. Hochez la tête ou utilisez d’autres expressions pour lui montrer que vous êtes intéressé par la conversation.
N’oubliez pas que « si vous êtes timide au regard, vous êtes souvent timide au sourire », a ajouté Mme Duval. « Je dis aux gens d’essayer de sourire, car cela mettra l’autre personne à l’aise et vous mettra également à l’aise. »
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.