Epoch Times, dont la mission est d’offrir à ses lecteurs une information non censurée à propos de la Chine, a souvent couvert les enjeux relevant de la transplantation d’organes non éthique dans ce pays. Or, à l’occasion de la Journée mondiale du rein qui aura lieu le 9 mars, nous vous offrons un portrait de la situation des transplantations d’organes au Québec – un portrait aux pratiques exemplaires. Extrait d’entrevue avec Hugues Villeneuve, chef du Service de l’enseignement et du développement hospitalier à Transplant Québec.
Epoch Times (É.T.) : Pourriez-vous nous décrire la mission de Transplant Québec ?
Hugues Villeneuve (H.V.) : La mission de Transplant Québec est de contribuer à sauver la vie ou d’améliorer la vie des gens qui sont en attente d’une transplantation. Transplant Québec ne fait pas de transplantations [proprement dites], ce sont les équipes médicales qui les font. Un de nos volets est de coordonner le processus de don d’organes suite à la référence d’un hôpital. Nous contribuons aussi au développement de cultures organisationnelles en don d’organes, entre autres, via la formation des professionnels.
É.T. : Parlez-nous du processus de don.
H.V. : Un jour, un père de famille de 45 ans est hospitalisé à l’hôpital Saint-Luc et pourrait décéder s’il n’est pas transplanté dans les prochaines 24 à 48 h. C’est une situation qui peut arriver.
Lorsqu’un [autre] hôpital a un donneur potentiel et nous fait une référence, nous communiquons avec les équipes médicales de transplantation qui, elles, décident : « Oui, nous acceptons ce donneur » ou « Non, nous pouvons attendre ». Si le don devient officiel (car le donneur est admissible et la famille a donné son consentement), nous allons à l’hôpital rencontrer l’équipe traitante et la famille du donneur. Le donneur potentiel est sous la juridiction de l’équipe traitante.
Nous devons aussi évaluer la qualité des organes du donneur en documentant ses habitudes de vie et ses antécédents médicaux : Fumait-il ? Buvait-il de l’alcool ? Voyageait-il à l’extérieur ? Avait-il une maladie pouvant porter atteinte à la santé du receveur ? Ce sont des questionnaires qui, bien sûr, se passent avec des familles qui sont en deuil.
Puis, chacun des organes est évalué par des examens de laboratoire ou des imageries médicales, une échographie, un scanneur, etc. afin de les attribuer aux centres de transplantation selon les priorités de la liste d’attente.
É.T. : Le processus de don, n’est-il pas une course contre la montre ?
H.V. : C’est partiellement vrai. Le temps est un atout en don d’organes. Il est certain que si le donneur est instable et ne peut être maintenu – par exemple, il a eu un accident de la route – il se peut que certains organes (reins, foie) soient prélevés rapidement. Mais souvent les donneurs potentiels sont en décès neurologique. C’est-à-dire qu’il y a mort du cerveau et de la personne, mais les fonctions des organes sont maintenues artificiellement avec les médicaments, le respirateur, etc. Avec un peu de temps, les équipes traitantes sont en mesure d’améliorer la fonction des organes en vue de la transplantation.
É.T. : Lorsque le patient n’est pas inscrit au registre de don, la décision revient-elle à la famille ?
H.V. : Oui. C’est une de mes responsabilités de m’assurer que les professionnels font bien leur travail en don d’organes, et l’approche de la famille est un enjeu. Habituellement, lorsque la famille sait que le patient est inscrit dans un des registres de consentement [au don d’organes et de tissus], la grande majorité se sentira soulagée : « Ouf ! Nous n’avons pas à prendre la décision, il l’a prise ». Dans le doute, lorsque le patient n’y est pas inscrit, parfois les familles s’abstiennent. Il y a diverses situations. C’est sûr que si une famille qui s’est vue offerte l’option du don d’organes dans de bonnes conditions refuse malgré tout, nous respecterons sa décision. Nous ne voulons pas exacerber l’état de choc des familles, nous avons besoin de leur collaboration.
Dans un hôpital, il peut y avoir deux à trois donneurs d’organes par année. Plus rarement 15 ou 20 donneurs, mais ce sont toujours des petits chiffres.
Je dis aux professionnels de la santé : les familles ont le droit de refuser, c’est légitime. Par contre, nous avons l’obligation de leur présenter l’option du don d’organes dans les meilleures conditions. C’est-à-dire en tenant compte du moment, du lieu et de leur état physique et psychologique. Il faut laisser une chance aux familles, car dans un contexte de rareté de donneurs, chaque refus reste toujours une tragédie pour les personnes en attente.
É.T. : Pourquoi les dons d’organes sont-ils si peu nombreux ?
H.V. : Un des enjeux, c’est l’identification des donneurs. Entre autres, parce que les conditions qui mènent à un décès neurologique sont extrêmement rares. Pour 100 personnes qui décèdent, il n’y aura peut-être qu’un seul donneur potentiel.
Comme c’est une activité professionnelle peu commune, maintenir le niveau de vigilance du personnel médical est un enjeu. Le personnel hospitalier ne reconnaît pas toujours le donneur. Il est donc important de continuellement offrir des formations sur les dons d’organes et de sensibiliser les professionnels de la santé des unités de soins critiques.
Offrir des formations professionnelles est d’ailleurs l’un des volets de la mission de Transplant Québec. Pour nous assurer d’avoir des références, nous devons mettre des procédures en place dans les hôpitaux, être présents au comité de don d’organes, participer activement au développement des cultures organisationnelles, etc. On ne peut pas simplement rester au bureau à attendre que les gens nous téléphonent…
Dans un hôpital, il peut y avoir deux à trois donneurs d’organes par année. Plus rarement 15 ou 20 donneurs, mais ce sont toujours des petits chiffres. Additionnés, nous arrivons par exemple à 170 donneurs en 2016. Chaque donneur compte, et l’établissement de procédures dans les hôpitaux est important.
É.T. : Le Québec a affiché une bonne performance en dons d’organes au cours des dernières années. À quoi l’attribuez-vous ?
H.V. : Plusieurs facteurs expliquent cette bonne performance. D’abord, il y a la Loi facilitant les dons d’organes et de tissus qui oblige les directeurs des services professionnels à référer les donneurs d’organes à Transplant Québec et les donneurs de tissus à Héma-Québec, en présence d’un patient qui correspond aux critères d’identification. Il s’agit là d’une obligation.
Bien sûr, personne n’a été arrêté par la police sous prétexte qu’il n’a pas fait son travail en dons d’organes, ce n’est pas dans ce sens-là. Par contre, cette loi offre un levier pour faire reconnaître l’importance de la mise en place de procédures en dons d’organes. Les hôpitaux doivent aussi répondre aux normes d’Agrément Canada en ce domaine lors d’audits. Et il y a aussi le fait de pouvoir s’inscrire au registre de consentement lors du renouvellement de la carte d’assurance-maladie tous les huit ans.
[La transplantation d’organes] est extrêmement bénéfique pour le trésor public.
Toutefois, la formation du personnel hospitalier peut encore être améliorée. Lorsque le personnel sait ce qu’il doit faire, il le fait bien et on a du succès. Lorsqu’on offre une série de formations dans un hôpital, le nombre de références augmente dans les semaines qui suivent. On sauve la vie de gens grâce à des formations.
É.T. : Dans une perspective économique, la transplantation d’organes est-elle « rentable » ?
H.V. : La transplantation d’organes est tout à fait rentable. Chaque transplantation rénale au Québec nous permet d’économiser entre 45 000 $ et 55 000 $, selon les études. Autrement dit, il s’agit d’une économie d’en moyenne 50 000 $ par année pour un patient transplanté versus un patient dialysé. C’est extrêmement bénéfique pour le trésor public. Dans le domaine de la transplantation rénale, les économies pour le système de santé ont été estimées à 13,5 millions de dollars en 2015. Sans compter que plus de la moitié de ces personnes retournent travailler, repaient des impôts – ce qu’ils faisaient très difficilement lorsqu’ils étaient dialysés trois fois par semaine.
Plus les temps d’attente seront diminués, plus vite les gens seront transplantés, moins malades ils seront au moment de la transplantation, moins longtemps ils seront hospitalisés et plus l’opération aura des chances de succès.
É.T. : Le don vivant est-il aussi une option à envisager pour les gens en attente d’une transplantation ?
H.V. : Transplant Québec n’a pas la responsabilité de coordonner le don vivant, cela relève des centres de transplantation.
Le don vivant est une très bonne source d’organes (rein et foie), même souvent mieux que les donneurs décédés. Le donneur a été évalué et il est en bonne santé – les centres de transplantation sont très sélectifs – et le rein est prélevé dans de bonnes conditions.
Les donneurs potentiels en don vivant sont souvent de la famille […] car la dialyse ce n’est pas non plus facile pour la famille. Quand vient le temps d’organiser un voyage, de s’éloigner de l’hôpital, c’est difficile… Pour cette raison, les familles se disent parfois : « En donnant un rein, tout le monde en bénéficiera ». Il faut parler de cette option.
Transplant Québec est responsable d’une aide financière liée aux dépenses que les donneurs vivants auront à faire. Les frais de déplacement et autres peuvent être admissibles.
Aussi, la Loi facilitant les dons d’organes et de tissus protège les donneurs. S’ils doivent arrêter de travailler deux ou trois semaines pour faire le don de leur rein, ils ne peuvent pas perdre leur emploi, ils ne peuvent pas être congédiés. Donc, ce sont des conditions qui favorisent le don d’organes.
É.T. : Merci M. Villeneuve.
Saviez-vous que :
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Pour en savoir davantage : www.transplantquebec.ca/
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