« Ceux-là ont plus de 500 ans », dit fièrement Sira Plana en contemplant les oliviers d’Oliete, ressuscités par un système de parrainage qui a offert une nouvelle jeunesse à ce village espagnol risquant l’abandon.
Moyennant 50 euros par an, quelque 2.500 « parrains » reçoivent chaque mois via une application mobile des photos de leur arbre et, une fois par an, deux litres d’huile. Ils peuvent aussi donner un nom à « leur » olivier. « Nous faisons toujours en sorte qu’ils puissent s’investir émotionnellement dans le projet », explique Sira Plana, cofondatrice de l’initiative « Parraine un olivier », au milieu d’arbres parsemés de fruits bien mûrs qui surplombent ce village d’Aragon, dans le nord-est du pays.
« Chacun raconte son histoire, pourquoi il en est arrivé à parrainer cet olivier et, dans la plupart des cas, c’est plein d’émotions : c’est lié à un enfant, à un grand-parent, à une oliveraie », raconte cette ancienne chargée de marketing dans l’industrie cosmétique, revenue s’installer à Oliete. Son grand-père était autrefois le vétérinaire de ce village de 364 habitants, qui en comptait 2.500 il y a un siècle.
Parmi les 100.000 oliviers centenaires laissés à l’abandon qui entourent le village, plus de 7.000 ont été ressuscités grâce à ce système de parrainage mis sur pied il y a quatre ans. Esther Lopez est depuis trois ans l’une de ces marraines. « C’est bien plus qu’un arbre », s’enthousiasme cette comptable de 41 ans vivant près de Madrid. « Avec mes 50 euros et les 50 euros de quelqu’un d’autre, ils remettent sur pied un village qui sinon serait délaissé », dit-elle.
Car la province de Teruel, où se trouve Oliete, meurt à petit feu: avec ses 9,1 habitants au kilomètre carré, contre 92 pour l’ensemble du pays, elle est si dépeuplée qu’on la compare parfois à la Laponie. Ce problème touche des pans entiers de l’Espagne: début 2018, le Conseil économique et social espagnol dénombrait quelque 3.900 municipalités de moins de 500 habitants ayant un « risque élevé » de disparition.
En créant huit emplois permanents – deux employés et six travailleurs agricoles -, la petite économie générée autour d’un moulin flambant neuf a attiré ou retenu à Oliete plusieurs familles, et surtout leurs enfants, qui ont permis d’éviter la fermeture de l’école. Ailleurs en Espagne, des projets similaires ont essaimé: Sarrion, dans la même province qu’Oliete, a construit une économie autour des truffes ; à Soria, autre région dépeuplée, une ONG a mis en place un projet d’agriculture bio employant des personnes en difficulté ; et en Estrémadure, des agriculteurs font parrainer… leurs cerisiers.
César Tarradas est l’un des nouveaux habitants d’Oliete, où il s’est installé il y a quelques mois avec sa famille. Sur un terrain aride et caillouteux, il secoue à l’aide d’une machine les branches d’un arbre pour en faire tomber les olives sur des filets tendus au sol. « S’il y a du travail, je peux rester ici pour toujours. J’aimerais m’acheter une maison et faire ma vie ici », dit cet ouvrier originaire de la Catalogne voisine, aux côtés de son père et d’une de ses quatre nièces, nouveaux habitants d’Oliete chassés de Barcelone par la hausse des loyers.
Avec l’arrivée d’enfants en bas âge, la petite école du village « va rester vivante au moins dix ans », se réjouit l’institutrice, Ana Lomba. « Avoir une école, c’est ce qui donne de la force, qui entretient la flamme du village, parce qu’un village sans école est voué à disparaître », affirme la jeune enseignante, en charge cette année de six enfants, deux de plus que le minimum autorisé en Aragon.
Dans les couloirs de l’école, des dessins d’enfants illustrent des dictons populaires espagnols en lien avec les arbres centenaires: « Être dur comme un olivier » (être fort et résistant) « L’huile d’olive guérit tous les maux »... Pilar Carbonell, conseillère municipale, raconte que les parrainages ont redonné aux habitants « l’espoir de lancer un projet d’avenir dans le village ».
« Ces oliviers ont donné énormément aux anciennes générations. Ils ont permis de s’alimenter, de se chauffer, de se laver, de conserver plein de choses (dans l’huile), de s’éclairer… », ajoute Sira Plana, heureuse que son village redevienne fier de son patrimoine naturel.
Oliete est la preuve, selon la haute commissaire du gouvernement espagnol contre le dépeuplement des campagnes, Isaura Leal, que « des générations de jeunes commencent à voir une opportunité » dans la vie à la campagne. « Que ce n’est pas le raté, le plouc, (qui y reste) comme nous le disaient nos parents ».
D.C avec AFP
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