« C’était un être humain extraordinaire. Un penseur. Un leader. Un berger »: à l’unisson des réactions venues du monde entier, la Fondation Mandela a qualifié d' »incommensurable » la perte de Desmond Tutu, pour lequel une semaine de deuil est observée, de lundi jusqu’aux obsèques samedi au Cap.
Dimanche soir, Joe et Jill Biden, disant avoir le « cœur brisé », ont estimé dans un communiqué que « l’exemple » de l’archevêque anglican décédé dimanche à 90 ans « transcende les frontières et trouvera un écho à travers les âges ». Le couple présidentiel américain a aussi évoqué le « pouvoir du message de justice, d’égalité, de vérité et de réconciliation » porté par Desmond Tutu.
Plus tôt, le président sud-africain Cyril Ramaphosa avait exprimé « sa profonde tristesse » après le décès de ce « patriote sans égal ». Sa mort « est un nouveau chapitre de deuil dans l’adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée », a-t-il dit, évoquant « un homme d’une intelligence extraordinaire, intègre et invincible contre les forces de l’apartheid ».
L’ONU aussi a rendu hommage à Desmond Tutu, « une source d’inspiration pour des générations dans le monde entier » et dont le décès « laisse un vide immense », selon les mots de son secrétaire général, Antonio Guterres.
« Il a tellement compté dans la lutte contre l’apartheid. Pour nous, les noirs… »
D’innombrables pays du monde entier se sont associés à cette émotion par des messages au plus haut niveau, comme la reine Elizabeth II saluant le défenseur « inlassable » des droits humains ou le président français Emmanuel Macron assurant que le « combat » de Desmond Tutu « pour la fin de l’apartheid et la réconciliation sud-africaine restera dans nos mémoires ».
Hommages également d’autorités religieuses, du pape François au chef spirituel des anglicans et archevêque de Canterbury, Justin Welby, en passant par le dalaï lama.
Hommages, enfin, de la part de Sud-Africains s’arrêtant devant la cathédrale Saint-Georges, au Cap, l’ancienne paroisse de « The Arch », comme il était affectueusement surnommé. « Il a tellement compté dans la lutte contre l’apartheid. Pour nous, les noirs… », confie ainsi à l’AFP Brent Goliath, 44 ans, avant d’éclater en sanglots.
Dimanche soir, la fondation de Mgr Tutu a annoncé que ses funérailles se tiendraient samedi 1er janvier dans cette cathédrale.
Dernière des grandes figures de la lutte contre l’apartheid
Parmi les dispositions annoncées, la fondation indique que « les cloches de la cathédrale Saint-Georges seront sonnées chaque jour pendant dix minutes, à partir de midi », toute la semaine de lundi à vendredi, jour où le le corps du défunt « reposera en chapelle ardente dans la cathédrale ».
Desmond Tutu était la dernière des grandes figures de la lutte contre l’apartheid, la conscience de l’Afrique du Sud mais aussi un rire espiègle et puissant.
Jusqu’à récemment, le prix Nobel de la paix a imposé sa petite silhouette violette et son franc-parler légendaire pour dénoncer les injustices et écorner tous les pouvoirs.
Après l’avènement de la démocratie en 1994 et l’élection de son ami Nelson Mandela, Desmond Tutu avait inventé le terme de « Nation arc-en-ciel ». Il a présidé la Commission vérité et réconciliation (TRC) dont il espérait, grâce à la confrontation des bourreaux et des victimes, qu’elle permettrait de tourner la page de la haine raciale.
« The Arch » était affaibli depuis plusieurs mois. Souffrant depuis longtemps d’un cancer de la prostate, il est mort au Cap, sans doute de vieillesse, paisiblement dimanche matin, selon des proches interrogés par l’AFP.
Il ne s’exprimait plus en public mais saluait la presse présente à chacun de ses déplacements, d’un regard malicieux, d’un faible geste de la main, comme lors de sa vaccination contre le Covid ou, en octobre, à la cérémonie célébrant ses 90 ans.
Desmond Tutu s’était fait connaître aux pires heures du régime raciste de l’apartheid. Alors prêtre, il organise des marches pacifiques contre la ségrégation et plaide pour des sanctions internationales contre le régime blanc de Pretoria. Sa robe lui a épargné la prison.
Le combat non-violent de Tutu avait été couronné du prix Nobel de la paix en 1984.
Après l’apartheid, fidèle à ses engagements, il avait dénoncé les dérives de l’ANC au pouvoir, des errements dans la lutte contre le sida aux scandales de corruption.
La dernière fois que le pays a eu de ses nouvelles, c’était le 1er novembre. Loin des regards, il avait voté aux élections locales.
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