Le président argentin fraîchement élu, Javier Milei, a déjà obtenu un certain succès avec ses politiques économiques radicales, mais pour combien de temps ? L’inflation, bien que toujours très élevée, a quelque peu diminué. Le budget est excédentaire depuis deux mois. Le taux de change officiel du peso commence à se rapprocher de son taux sur le marché libre, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps.
Il reste à voir si ces succès pourront être maintenus, car des problèmes économiques et politiques se profilent à l’horizon. Pendant des décennies, l’Argentine, comme beaucoup d’autres pays, s’est entêtée à mener des politiques économiques tellement désastreuses que toute rectification sera douloureuse et entraînera des difficultés au moins temporaires pour de nombreuses personnes. Les gens qui sont déjà dans une situation difficile n’acceptent pas facilement les sacrifices au nom d’un avantage supposé et toujours incertain à long terme (personne ne peut se nourrir d’un budget équilibré), et lorsque les gens vivent dans la précarité, ils s’accrochent à tout petit privilège ou subvention comme les naufragés s’accrochent à tout objet flottant qu’ils peuvent trouver – sans se soucier du fait que c’est justement l’octroi de ces privilèges ou subventions qui est à l’origine du problème.
Ceux qui ont organisé le désastre profiteront de l’inévitable mécontentement résultant des efforts pour le surmonter, car s’il y a une chose qu’ils savent bien faire, la démagogie. Tout en eux est démagogique, depuis leur lecture de l’histoire jusqu’à leur opposition à tout changement réel. Leur objectif est de préserver à tout prix leur pouvoir et leur emprise sur la population ; un réformateur représente une véritable menace pour eux, et ils ne rendront pas les armes facilement. De plus, il est probable que ce nouveau réformateur élu commette lui aussi de grosses erreurs, car tous les puissants en commettent un jour ou l’autre.
Les problèmes des pays comme la France et la Grande-Bretagne ressemblent beaucoup à ceux de l’Argentine, même s’ils ne sont peut-être pas (encore) aussi dramatiques. Mais ces deux pays se trouvent tous deux dans une situation où des réformes sont désespérément nécessaires. En fait, ils se trouvent dans la même situation que l’Argentine : réformer est impératif, mais réformer est impossible.
La réforme est impérative pour des raisons économiques. Les gouvernements des deux pays ont contracté des obligations qu’ils ne peuvent honorer avec leurs propres ressources et doivent de plus en plus recourir à l’emprunt pour s’en acquitter d’une autre manière. Dans un récent article du Figaro, Éric Zemmour rappelle que le budget français consacré à la police, aux forces armées et à l’administration de la justice ne représente plus qu’une infime partie de l’ensemble du budget de l’État, comme si le maintien de la paix intérieure et extérieure n’était plus pour l’État qu’une tâche mineure, un pis-aller, dont il ne pourra se préoccuper qu’une fois satisfaite la mise en place de crèches ou l’accès gratuit à l’avortement. Et malheureusement, le service de la dette qui a été contractée entre-temps en grande partie pour payer toutes les crèches, tous les avortements, etc. risque de devenir plus important encore au regard des dépenses de l’État.
La situation en Grande-Bretagne est encore pire, en raison de l’incompétence et de la corruption de son service public, plus importantes qu’en France, auxquelles s’ajoutent les coûts croissants et l’inefficacité du politiquement correct et des politiques dites d’inclusion.
Mais la réforme est impossible parce que tant de gens sont devenus dépendants de l’État, que ce soit directement, lorsque l’État les paie pour ne rien faire, ou directement, lorsqu’ils sont employés par l’État, ou lorsque l’entreprise pour laquelle ils travaillent est financée par l’État, de sorte que la différence entre le secteur public et le secteur privé n’est plus très claire. Quand je regarde autour de moi, par exemple, je vois un voisin, propriétaire d’un cabinet de conseil privé prospère dont l’activité consiste à aider les gens à obtenir des subventions de différents niveaux de gouvernement. J’ai rencontré un autre cabinet de conseil dont l’activité consiste à aider les collectivités locales à réduire les taxes que le gouvernement central impose à leurs fournisseurs.
Il s’ensuit que les tentatives de réduction des dépenses publiques, nécessaires pour des raisons financières, entraîneraient, si elles étaient appliquées, de véritables difficultés ou désagréments pour de nombreuses personnes. Or, s’il est une chose qu’une démocratie moderne promet à ses membres, c’est d’accroître leur confort ou, à tout le moins, d’éviter les désagréments. Il ne serait pas très difficile de déclencher le mécontentement social et la violence dans tout le pays.
Une sorte de dialectique est à l’œuvre ici : d’abord, le gouvernement rend les gens dépendants de lui ; ensuite, le gouvernement devient dépendant des gens qu’il a rendus dépendants de lui. Il n’est pas simple de sortir de ce cycle infernal. L’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a dit un jour des hommes politiques européens : « Nous savons tous ce qu’il faut faire, mais nous ne savons pas comment nous faire réélire une fois que nous l’avons fait ».
M. Milei est arrivé au pouvoir avec une nette majorité parce que la situation en Argentine était si mauvaise qu’il était évident pour une grande partie de la population que quelque chose devait changer dans le pays, et changer radicalement. Mais si 55 % des Argentins ont voté pour lui, ce sont 45 % qui n’ont pas voté pour lui ; et les politologues auront beau nous dire qu’il s’agit d’une très grande différence, je ne pense pas qu’il faille beaucoup de temps pour qu’elle s’estompe puis s’inverse. Après tout, l’euphorie a beaucoup en commun avec le désespoir et la colère, pas tant avec le bon sens. La plupart d’entre nous vivent à court terme et sont assez réticents à l’idée de faire des sacrifices pour leur propre bien futur, alors celui des autres…
Les Français, comme les Anglais, devraient s’intéresser de près à ce qui se passe en Argentine, car il s’agit d’un laboratoire pour leur propre avenir. Il y a bien sûr des différences ; l’économie française, par exemple, a déjà été dollarisée du fait de son adhésion à une monnaie qu’elle ne contrôle pas, l’euro, ce qui n’est pas le cas de l’Argentine.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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